Nottingham, tome 1 : La rançon du roi
Titre : La rançon du roi
Cycle/Série : Nottingham, tome 1
Scénaristes : Vincent Brugeas et Emmanuel Berzet
Dessinateur : Benoît Dellac
Éditeur : Le Lombard [site officiel]
Date de publication : 22 janvier 2021
Synopsis : Les légendes se doivent d’être simples.
Tout héros a une identité secrète.
Tout héros a un ennemi juré à affronter.
Pour Robin des Bois, rien ne sera simple : il est aussi le shérif de Nottingham.
Pour pouvoir prendre la place de son frère, Jean sans Terre a besoin d’argent et de soutiens solides.
Les seconds venant rarement sans le premier.
Fan du personnage de Robin des Bois, il est forcément difficile de rater une nouvelle adaptation du mythe médiéval prenant place à Nottingham, ici par Vincent Brugeas et Emmanuel Berzet au scénario avec Benoît Dellac au dessin et Denis Bechu aux couleurs chez Le Lombard.
Complots anglais
En Aquitaine, en Normandie comme en Angleterre, la nouvelle de l’emprisonnement du roi Richard Cœur de Lion a fait l’effet d’un coup de massue, car non seulement il faudra tôt ou tard payer une rançon démentielle pour éventuellement lui permettre de revenir dans ses fiefs, mais en plus c’est désormais son frère Jean sans Terre qui compte bien mettre la main sur les possessions familiales des Plantagenêt. Embuscade dès le départ, mésententes entre Anglais sur la conduite à tenir, l’action ne manque pas dans la première partie de ce premier tome. Dans ce contexte troublé, nous faisons la connaissance de celui qui semble être le protagoniste, en train de se battre contre une équipe de forestiers (premier acte) ; c’est un combat sans paroles qui est en fait présenté et commenté par le dialogue entre deux femmes non loin de là, entre Scarlett, une vieille matriarche vivant dans la forêt, et la jeune Marianne qui cherche à la convaincre de la sincérité du protagoniste (à parler ainsi, j’ai l’impression d’être dans le film Tenet). Car l’identité du personnage normalement principal est dévoilée assez tardivement, une fois que tout le contexte est présenté, une fois qu’il a battu ses adversaires du jour : il s’agit du shérif normand William, le seigneur de Nottingham, qui a fait par hasard la rencontre de Marianne, braconnière saxonne issue d’une longue lignée de seigneurs locaux, et il semble que leur vision de la société se soit accordée (deuxième acte). L’un et l’autre cherchent à améliorer la vie des simples gens vivant alentour et la venue de Hugues de Morville pour prélever des taxes en vue de payer la rançon du roi semble une bonne occasion de faire main basse sur ledit trésor (troisième acte).
Nouvel opus de Robin des Bois
Cela fait toujours plaisir de lire une nouvelle aventure ou une autre manière d’aborder le mythe de Robin des Bois. Tous les éléments classiques, « canons », sont bien là. D’abord, le contexte est toujours celui de l’emprisonnement du roi Richard Cœur de Lion en Autriche au retour de la Troisième Croisade. Ensuite, le roi Jean sans Terre et ses sbires sont bien présents avec des objectifs peu louables, trouvant des alliés parmi les seigneurs locaux, à Nottingham comme ailleurs. Parmi les locaux, Marianne est choisie comme une sujette libre, ancrée dans le pouvoir régional mais ancien, pas celui normand qui soutient la royauté ; alors même qu’elle est noble, elle représente les classes populaires saxonnes vivant sous le joug des seigneurs normands, dont fait partie le shérif de Nottingham, William, qui, malgré sa position sociale, aimerait améliorer la vie des simples gens de son comté. Cette attitude altruiste (on aurait pu dire noble, mais dans le contexte, ça ne fonctionne pas justement) n’est pas forcément justifiée, mais c’est inhérent au personnage de Robin des Bois, finalement, qu’il soit un simple brigand, un noble déchu (parfois « Robin de Huntingdon) ou un chevalier sur le retour. Quelques allusions supplémentaires nous encrent dans l’univers mythique de l’Angleterre médiévale avec la forêt de Sherwood, la cité de Nottingham qui donne son nom à la série et des noms comme Scarlett et Tuck disséminés à l’envi de manière anecdotique pour l’instant.
Un vrai super-héros ?
La nouveauté de cette histoire est bien sûr – c’est annoncé dès le départ – de fondre les personnages de Robin des Bois et du shérif de Nottingham. À voir toutefois si cette annonce est véritable jusqu’au bout, puisque le personnage à la capuche peut changer de détenteur (cela fait penser au « nous sommes tous Robin des Bois » dans la série de la BBC) et arrivé à la fin du premier tome, il peut y avoir soupçon sur le devenir de la « Capuche » (d’où Robin Hood en anglais pour ceux qui ne connaissent pas). En quoi est-ce que cet ajout change la donne dans ce mythe ? Au premier abord, cela prend le risque de le réduire à un simple conflit intérieur, puisque ce que l’un (le shérif) fait le jour, l’autre (la Capuche) le défait la nuit. Les auteurs font le choix de le traiter d’une manière plus contemporaine en s’inspirant du traitement de certains super-héros qui doivent cacher leur double identité pour protéger leur vraie vie. Du coup, cela ne se tient pas trop mal ici et cela prend corps dans la deuxième partie du récit quand il s’agit de détourner l’argent de Hugues de Morville au profit des gens de Nottingham, de se trouver un alibi alors même qu’il participe au méfait qu’il est censé combattre. Ce point de vue superhéroïque varie un peu les choses, c’est bien, renforcé par quelques poses iconiques comme le montre la couverture. Autre à-côté, une mention est faite en bandeau : « celui qui fait la loi peut aussi la briser »… mais n’est-ce pas un problème justement ? Le shérif a déjà bien d’autres moyens pour se faire entendre que de passer dans l’illégalité. La majorité des super-héros doit cacher son identité pour protéger ses proches puisqu’il n’est pas du côté du pouvoir, or là le shérif est un seigneur normand, il a tout de même du poids ; on peut même imaginer qu’il y a d’autres seigneurs normands qui ne tolèrent pas les outrances et ignominies de Jean sans Terre (prince historiquement peu apprécié parmi les barons anglais, du côté de la population c’est plus difficile à savoir). Bref, le choix de départ est original (en tout cas, je n’ai pas d’autres références sur ce paradigme), mais laisse encore bien des questions en suspens.
Certains choix peuvent rendre dubitatif dans ce premier tome, la curiosité sera quand même assez forte pour aller voir la suite, histoire de savoir si la relation entre Marianne et William se tend davantage ou se règle à l’amiable.
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