La fille aux mains magiques
Titre : La fille aux mains magiques
Autrice : Nnedi Okorafor
Illustrateur : Zariel
Éditeur : ActuSF (Graphic)
Date de publication : 2021 (mai)
Synopsis : Chidera est une enfant malheureuse, mal-aimée de ses parents. Elle rencontre un jour des esprits dans la forêt, qui vont tracer un tatouage sur sa main et lui transmettre leur art Uli, réveillant en elle un don endormi jusqu’à présent : le dessin. Désormais, la magie des dessins de Chidera va métamorphoser la tristesse en joie sur la totalité du territoire igbo. Il y a un proverbe nigérian qui dit : « Le battement d’ailes d’un papillon peut changer le temps à des centaines de kilomètres. »
Même le plus magnifique des dessins débute par une seule ligne.
Voyage dans la magie du Nigeria
Après Jean-Laurent del Socorro (« La guerre des trois rois ») et Alan Moore (« L’hypothèse du lézard »), c’est au tour de Nnedi Okorafor de faire son entrée dans la toute nouvelle collection graphique d’ActuSF avec « La fille aux mains magiques ». Marc Simonetti et Cindy Canévet laissent quant à eux leur place à Zariel, auteur de l’ovni graphique et littéraire « Zombies – Mort et vivant », publié l’an dernier chez le même éditeur. La novella se déroule au Nigéria et met en scène une jeune fille, Chidera, dont l’enfance est particulièrement malheureuse. Coincée entre une mère déprimée et un père colérique, la petite fille ne brille ni par sa beauté ni par son intelligence mais fait preuve de beaucoup de bonne volonté, aussi vit-elle très mal le manque d’intérêt de ses parents. Un événement va toutefois venir bouleverser son quotidien : sa rencontre dans la forêt avec trois esprits féminins qui vont éveiller chez elle un don jusqu’à présent endormi : celui du dessin. Pour Chidera c’est une vraie révélation, et son talent va peu à peu avoir des effets bien au-delà des simples supports sur lesquels elle s’essaye à la peinture. J’avais découvert Nnedi Okorafor il y a longtemps avec « Qui a peur de la mort », puis plus récemment avec l’excellent recueil « Kabu Kabu », et cette nouvelle œuvre ne fait que renforcer tout le bien que je pense du travail de l’autrice. Loin de l’ambiance oppressante de « Qui a peur de la mort », qui abordait des thèmes rudes comme l’excision ou le viol comme arme de guerre, « La fille aux mains magiques » est un texte très positif qui prend des allures de conte d’apprentissage. Bien que parfaitement adapté à un lectorat adulte, la novella peut ainsi tout à fait être lue par de plus jeunes lecteurs qui ne trouveront dans le texte qui bienveillance et incitation à la création.
Comme la plupart des textes de l’autrice, l’histoire se déroule au Nigéria, et les particularités propres à la culture et aux paysages africains participent à stimuler la curiosité du lecteur. Nnedi Okorafor y décrit succinctement le quotidien d’un petit village nigérian : les spécialités culinaires, la socialisation des femmes au puits ou au marché, l’habitat, les croyances et traditions… On est finalement très proche ici de certaines nouvelles au sommaire « Kabu Kabu » qui faisaient la part belle à un Nigéria fantasmé, où les esprits arpentent quotidiennement la terre et abreuvent ses habitants de leur magie, de même semble-t-il que de « Binti », que je n’ai pas encore eu l’occasion de découvrir. L’autrice accorde une place particulière dans son récit aux personnages féminins puisque, outre l’héroïne, plusieurs jeunes filles ou aînées du village vont participer à l’épanouissement de Chidera. Le surnaturel est quant à lui peu présent, quand bien même son intrusion est à l’origine des changements dans la vie de la jeune fille, et ne revêt à aucun moment une forme effrayante ou dérangeante comme c’est souvent le cas dans ce type de récit. A l’exception du père de l’héroïne, les autres personnages sont d’ailleurs du même acabit et adopteront tous une attitude bienveillante et compréhensive qui fait un bien fou au lecteur. Les dessins eux, sont un peu particuliers et, si je n’ai été que peu sensible aux illustrations en noir et blanc de l’artiste, je dois reconnaître que les quelques planches en couleur m’ont fait beaucoup d’effet tant elles retranscrivent à merveille l’ambiance et la positivité du texte. Illustrations et narration s’équilibrent parfaitement tout au long de l’ouvrage et la combinaison des deux permet indéniablement de renforcer l’immersion dans cette Afrique où modernité et traditions coexistent et s’entremêlent, notamment par le biais des femmes.
« La fille aux mains magiques » vient enrichir la jeune collection « Graphic » des éditions ActuSF et séduit aussi bien par la bienveillance qui se dégage du texte d’Okorafor que par l’immersion renforcée dans ce Nigéria fantastique provoquée par les illustrations de Zariel. Une belle découverte, qui constitue une excellente porte d’entrée à l’univers de l’autrice pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore.
Autres critiques :
Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel)
Célindanaé (Au pays des cave trolls)
Jean-Claude Rouquet (Les Chroniques d’Arrakis)
Lutin82 (Albédo – Univers imaginaires)
2 commentaires
belette2911
Tu me donnes envie d’aller à la découverte de ce court roman 😉
Boudicca
Ah chouette, en plus c’est court, en une heure c’est lu 😉