Fantasy

La Première Loi, tome 2 : Haut et court

La Première Loi, tome 2 - Haut et Court

Titre : Haut et court (précédemment paru sous le titre « Déraison et sentiments »)
Cycle/Série : La Première Loi, tome 2
Auteur : Joe Abercrombie
Éditeur : Pygmalion / J’ai lu / Bragelonne poche
Date de publication : 2010 / 2012 / 2018

Synopsis : La guerre est aux portes de l’Union. Dans la cité de Dagoska, l’inquisiteur Glotka, dépêché après la disparition suspecte de son prédécesseur, se retrouve cerné par les traîtres et les ennemis. Pendant ce temps, la poignée de héros réunie par Bayaz prend la route du Vieil Empire. La femme la plus haïe du Sud, le barbare le plus redouté du Nord, et le jeune homme le plus égoïste de l’Union forment une alliance étrange mais mortelle, peut-être même capable de sauver le monde… s’ils se haïssaient un peu moins.

 

-Je suis profondément peiné, Supérieur. Nicomo Cosca est peut-être un mercenaire, mais il y a des règles qu’il respecte. Je ne laisse tomber mon employeur qu’à une seule condition.
-Laquelle ?
Cosca ricana.
-Si on me fait une meilleure offre.

« ll faut pardonner à ses ennemis, mais pas avant de les avoir pendus. »

Ma lecture du premier tome de « La Première loi » date d’il y a bien des années et s’était révélée assez décevante. Tout ce dont je me souvenais c’était que l’intrigue souffrait d’un gros manque d’originalité et que la plupart des personnages étaient trop stéréotypés (le barbare, la guerrière inflexible, le magicien…). Sauf que, depuis, j’ai eu l’occasion de découvrir les autres romans d’Abercrombie, et que je les ai tous dévoré, à commencer par les one-shot se déroulant dans le même univers et mettant en scène certains personnages secondaires de « La Première Loi » (« Pays rouge » ; « Servir froid » ; « Les Héros »). La perspective de redonner une chance à la première trilogie de l’auteur me titillait donc depuis un moment, et c’est finalement l’annonce de la parution d’une nouvelle trilogie se déroulant bien des années après les événements relatés ici qui m’a décidée à sauter le pas (le premier tome est pour le moment paru en VO et il faut espérer que la traduction suivra, peut-être chez Bragelonne… ?). Bien m’en a pris, car « Haut et court » se révèle beaucoup plus captivant que le précédent opus. Cette fois, l’intrigue se déroule sur trois fronts. D’abord le pays des Angles, où les soldats de l’Union font face à une invasion de guerriers nordiques, fédérés depuis peu sous l’autorité d’un seul souverain. Tous n’ont cependant pas accepté de courber l’échine, aussi retrouve-t-on le petit groupe de rebelles déjà mis en scène dans le premier tome et venus apporter leur aide à l’Union, et notamment au colonel West, chargé d’assister l’héritier du trône dans la défense du pays. Au sud, on retrouve l’inquisiteur Glotka, envoyé par son supérieur à Dagoska, une cité en passe d’être assiégée par la plus grande armée que le sud ait jamais réuni. Charge à lui d’organiser les défenses de la ville, mais aussi d’enquêter sur la disparition d’un de ses confrères, probablement victime d’un complot orchestré au sein même des instances dirigeantes de la cité. Enfin, on retrouve également notre petit groupe d’aventuriers mené par le mage Bayaz et composé d’un héros nordique, d’une farouche guerrière du sud, d’un jeune épéiste talentueux et arrogant de l’Union, ainsi que d’un apprenti et d’un navigateur. Ils sont en route pour le Bord du Monde afin de récupérer une arme mystérieuse que le mage entend utiliser pour mettre fin aux ambitions d’un de ses confrères qui joue un jeu dangereux.

La Première Loi, tome 1 : Premier sang

La guerre sans la gloire

Difficile de ne pas identifier dès les premières pages la « patte Abercrombie », un mélange de dark fantasy et d’humour noir détonnant. Comme dans la plupart de ses romans, la guerre se situe au cœur de l’intrigue : si les personnages ne sont pas occupés à mener une bataille ou être pris dans un guet-apens, ils sont en train de préparer leur prochaine bataille ou d’organiser un siège. Abercrombie a toutefois une manière bien à lui de raconter la guerre, et la vision qu’il en donne n’a pas grand-chose à voir avec les récits épiques des légendes. Oubliez la gloire et les honneurs : la guerre c’est salissant, douloureux, cruel, et bien souvent cela n’a pas de sens. Car s’il y a bien une chose sur laquelle l’auteur insiste dans chacun de ses romans, c’est l’absurdité de la guerre et le chaos total qu’elle génère, ce qui donne lieu à des scènes à la fois tragiques et ridicules : des messagers sont incapables de trouver la personne à qui ils doivent livrer leur message sur le champ de bataille, des soldats du même camp se tuent l’un l’autre parce qu’ils sont incapables de distinguer s’ils sont amis ou ennemis, et la plupart des actes de bravoure les plus éblouissants se terminent en boucherie. Les personnages sont tout à fait à l’image de ce mélange de cruauté et d’humour puisqu’on a affaire à un inquisiteur désabusé et (presque) totalement dénué d’empathie, un mercenaire pragmatique passant son temps à trahir ses employeurs, une guerrière sans pitié, ou encore un groupe de nordiques dépenaillés ayant une quantité astronomique de sang sur les mains. Bref, les personnages ne sont pas des enfants de cœur, et la plupart sont d’ailleurs assez lucides concernant leurs travers. « L’honneur, hein ? Que diable est-ce dont ? Personne ne lui donne la même signification. On ne peut pas le boire. Ni le baiser. Plus on en a, moins il porte chance, et, si on n’en a pas du tout, ça ne manque à personne. » Voilà, en résumé, quelle pourrait être la philosophie de la plupart d’entre eux. Et pourtant… Pourtant l’auteur réussi le tour de force de nous les rendre sympathiques. C’est le cas notamment de l’Inquisiteur Glotka qui, en dépit du fait qu’il passe son temps à torturer des gens pour avoir de informations, se révèle paradoxalement être le personnage le plus marquant et le plus attachant de cette trilogie.

La Première Loi, tome 3 : Le dernier combat

Cités assiégées et champs de bataille

En ce qui concerne la construction du roman, on alterne entre les différents groupes de personnages, et les trois intrigues présentent toutes des intérêts différents. Celle mettant en scène Glotka, dans le sud, est sans doute la plus captivante. D’abord parce que, on l’a dit, le personnage est tout de même sacrément marquant, mais aussi parce que l’auteur joue sur le suspens provoqué par la recherche de l’identité du traître et par l’incertitude qui règne concernant le siège. Les événements se déroulant au nord comportent eux aussi leur lot de surprises et de rebondissements. Le groupe de guerriers nordiques est particulièrement attachant, notamment Renifleur et Sequoïa, de même que le colonel West, qui va subir une profonde transformation et pour lequel il est difficile de ne pas avoir de l’empathie. L’intérêt du lecteur est cette fois mobilisé par le jeu de cache-cache engagé entre les armées de l’Union et celles du roi du Nord, l’occasion pour l’auteur de démontrer une fois encore que les plans de batailles, même minutieusement préparés, ne valent pas grand-chose une fois sur le terrain. C’est sans doute lors de ces chapitres que l’absurdité et la cruauté de la guerre sont exposées avec le plus de force. Le troisième volet de l’intrigue est, en ce qui me concerne, le moins passionnant, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’on s’y ennuie. L’auteur multiplie à nouveau les rebondissements, les scènes de combat sont bien dépeintes, et quelques uns des personnages s’humanisent et perdent leurs défauts les plus caricaturaux. Les pérégrinations du groupe d’aventuriers permettent également de voir un peu du pays et d’en apprendre davantage sur certains pans de l’histoire des contrées traversées, et donc sur l’univers de l’auteur. Ces chapitres restent malgré tout légèrement en dessous des deux autres pour une simple et bonne raison : le manque d’alchimie entre les personnages. Un manque de complicité revendiqué, l’objectif de l’auteur étant justement de réunir des fortes personnalités souvent incompatibles les unes avec les autres, mais le résultat reste décevant. Certes, on assiste à un rapprochement entre Logen, Ferro et Jezal, mais dans l’ensemble, il faut bien admettre qu’on a affaire à des individus obnubilés par leurs propres problèmes ou tourments, et qui cheminent sans vraiment faire attention aux autres. La conclusion de ce deuxième opus vient toutefois rebattre les cartes, aussi suis-je assez curieuse de voir ce que les personnages vont entreprendre par la suite, ensemble ou chacun de leur côté.

Après un premier tome peu enthousiasmant, Joe Abercrombie nous offre avec « Haut et court » une suite qui vaut incontestablement le détour et dans laquelle on retrouve tout ce qui fait le charme des romans de l’auteur. Humour noir, scènes de batailles marquantes mêlant épique, ridicule et tragique, personnages ambivalents… : tout est là, et c’est un sacré cocktail ! Il me reste à présent à découvrir ce que « Le dernier combat » nous réserve…

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques : Apophis (Le culte d’Apophis) ; L’ours inculte ; Ombrebones (Chroniques de l’Imaginaire)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

4 commentaires

  • Apophis

    Très bonne critique, comme d’habitude. Tout à fait d’accord sur le fait que ce tome 2 est très supérieur à son prédécesseur et que Glotka est (paradoxalement) le personnage le plus attachant du cycle. Et le tome 3 est encore meilleur !
    Concernant A little hatred, il y a du bon et du mauvais. Je suis curieux de voir ce que va donner le tome suivant. Et j’espère que vous aurez droit au tome 1 en français. Cela m’étonnerait un peu que Bragelonne ne le traduise pas, franchement.

    • Boudicca

      Merci 🙂 Je compte aussi sur une traduction de la part de Bragelonne… J’ai enchaîné directement sur le 3 et je l’ai en effet trouvé encore meilleur : que du bonheur. J’espère que la suite sera du même acabit (décidément les tomes 1, c’est pas son fort…)

  • belette2911

    On pend ses ennemis et ensuite, on pardonne… Belle philosophie ! 😆 Je pense avoir un titre de cet auteur, quelque part dans mes étagères… faudra que je découvre un de ces quatre 😉

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