Fantasy

Le Sorceleur / The Witcher, tome 2 : L’épée de la providence

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Titre : L’épée de la providence
Cycle/Série : Le Sorceleur / The Witcher, tome 2
Nouvelles : Les limites du possible ; Éclat de glace ; Le Feu éternel ; Une once d’abnégation : L’épée de la providence ; Quelque chose en plus
Auteur : Andrzej Sapkowski
Éditeur : Bragelonne [site officiel]
Date de publication : 1992 en VO, 2008 en VF

Synopsis : Geralt de Riv n’en a pas fini avec sa vie errante de tueur de monstres. Fidèle aux règles de la corporation maudite des sorceleurs, Geralt assume sa mission sans faillir dans un monde hostile et corrompu qui ne laisse aucune place à l’espoir. Mais la rencontre avec la petite Ciri, l’Enfant élue, va donner un sens nouveau à l’existence de ce héros solitaire. Geralt cessera-t-il enfin de fuir devant la mort pour affronter la providence et percer à jour son véritable destin ?

Sais-tu ce que les gens disent des sorceleurs ? Qu’on ne sait qui sont les pires…eux ou les monstres qu’ils détruisent.
dans « Quelque chose en plus »

Motivé par un premier tome engageant, je poursuis la série du Sorceleur (The Witcher pour les anglophiles) avec ce deuxième tome, un autre recueil de nouvelles et de novellas de la main d’Andrzej Sapkowski : L’Épée de la providence, recueil qui date de 1992 (certaines nouvelles datent donc d’avant certaines nouvelles du premier tome, cela ne gêne en rien la lecture).

Les limites du possible

Après avoir désossé un énième monstre, Geralt de Riv se trouve embarqué dans une chasse au dragon en ayant rencontré Broch et ses deux comparses zerricanes, Tea et Vea. Tous les quatre rejoignent un cortège de mercenaires, la cour d’un roi local, une compagnie de nains et deux personnages déjà bien connus dans la course pour s’adjuger les restes d’un dragon blessé. Chacun les veut pour son propre profit et Geralt est là presque en consultant, car il ne veut rien de spécial, il n’est même pas embauché mais s’intéresse un peu à tout le monde. Cette novella de plus de cent pages qui ouvre le recueil est riche en bons mots, mais est surtout très bavarde, chaque personnage asticotant les autres avec joie. Elle cause et elle cause, cette novella, de mythologie, de croyances sur certaines créatures disparues depuis longtemps, notamment sur les connaissances que peuvent avoir les personnages sur les dragons et leurs différentes sous-espèces. On en apprend assez peu sur les événements de la vie de Geralt (en-dehors de sa brutale rupture avec Yennefer quatre ans plus tôt) et sur ceux du royaume visité.

Éclat de glace

Dans ce qui donne l’impression d’être la continuité de la novella précédente, cette nouvelle voit la relation entre Yennefer et Geralt être au plutôt au beau fixe. Ils habitent ensemble pendant quelques jours dans une ville nommée Aedd Gynvael (Éclat de glace, en elfe), où la sorcière sans âge a des affaires à régler et où le sorceleur globe-trotter y trouve des contrats de monstres à honorer. Dans cette ville dirigée par un staroste (haut fonctionnaire royal en Pologne) nommé par le gouverneur de Rakverelin, le racisme envers les elfes est très sensible. Or, dans ce contexte, un autre sorcier, Istredd, a élu résidence dans cette ville et connaît très bien Yennefer. Cette nouvelle débute elle aussi par un combat sorceleur-monstre assez classique mais amusant (ici un zeugle, créature tentaculaire qui barbote dans les déchets ménagers) et est une nouvelle occasion de confronter Yennefer et Geralt à leurs sentiments respectifs.

Le Feu éternel

Dans Le Feu éternel, nous retrouvons Geralt affublé du ménestrel Jaskier pour parcourir la grosse bourgade de Novigrad, cœur des adeptes du Feu éternel. Ce récit à nouveau assez bavard, mais cette fois très centré sur Jaskier, met en scène nos deux compères face à un dilemme intéressant : ils peuvent arrêter une créature qui a détroussé un hobbit, mais ils se reconnaissent assez vite en elle. En effet, dans ces contrées où différentes espèces se rencontrent et se côtoient, le monstre est-il forcément celui qui est le plus différent ? C’est une nouvelle qui a le mérite de bien mettre en lumière une créature peu connue appelé un doppler.

Une once d’abnégation

Cette nouvelle nous emmène sur les bords de la mer où Jaskier et Geralt « rament » toujours autant pour trouver des contrats et donc de quoi manger tous les jours. S’arrêtant un temps dans la principauté du duc Adloval parce que ce dernier veut épouser une sirène alors que celle-ci ne le désire que s’il se transforme en poisson, Geralt et Jaskier retrouve une ménestrel nommée Essi Daven, « Petit-Œil » pour les intimes. Or, sur ce petit bout de terre perdu dans les embruns salés de la mer, un mal semble vouloir émerger des flots et les trois saltimbanques sont sur le coup. Entre sirènes et monstres marins, cette nouvelle teste l’abnégation, comme le titre l’annonce, des personnages devant une situation qui semble insoluble.

L’épée de la providence

Nous retrouvons Geralt aux confins de la forêt de Brokilone où règnent les dryades. Durant cinquante pages, il est bien difficile de savoir quel est son but ou quelle est sa mission, mais au bout du compte, en atteignant Duen Canell, « le lieu du Chêne », cœur de cette forêt interdite, on en apprend un tout petit peu sur l’objectif de sa venue et lui rencontre un personnage qu’il a longtemps recherché. Cette nouvelle est avant tout une longue tirade sur le destin ou l’envie d’y échapper.

Quelque chose en plus

Elle semble être la suite directe de la nouvelle « L’épée de la providence » en plus élaborée, plus riche et plus efficace. À nouveau, Geralt se retrouve face à un monstre en préambule d’une aventure dont il ne cerne pas tellement les tenants et les aboutissants : il sauve un simple marchand en route et discute avec lui des bouleversements dans le pays. Ainsi, nous en apprenons bien davantage sur la géopolitique d’une partie des royaumes connus, sur les soldats tout en noirs, sur Wyzima, l’empire de Nilfgaard qui s’étend, sur le sacrifice de sorciers valeureux durant une bataille mémorable : l’univers se remplit et Geralt lie agréablement aventure individuelle et événements d’envergure. La fin de cette nouvelle semble installer un nouveau statu-quo dans son histoire personnelle, puisqu’il aura désormais à ses côtés « quelque chose en plus ».

Avancées et bémols

Durant ce recueil et ces quelques nouvelles, Geralt de Riv suit un rythme assez coutumier. Bien souvent, la nouvelle débute par un combat avec un monstre, c’est classique mais la routine peut être agréable : cette mise en bouche lui permet de prendre compte avec un protagoniste comme avec le lecteur, de là viennent alors les problèmes, souvent ressassés comme un mantra avec les mots du titre. Malgré cette routine, le bestiaire s’enrichit de manière très intéressante et l’auteur recycle parfaitement des éléments du folklore polonais mêlés à des aspects occidentaux que nous connaissons déjà bien. Malgré cela, quelques travers de la narration peuvent rebutés de temps à autre : la forte tendance de l’auteur à délayer de nombreux dialogues, ce qui rend le récit très bavard par moments, ainsi que la focalisation sur « l’intrigue » amoureuse entre Yennefer et Geralt. Certes, c’est une composante sûrement fondamentale du personnage principal, mais l’y ramener constamment peut être un peu horripilant, on en oublie ici sa formation et ses techniques de sorceleur (potions, magie, etc.), d’autant plus que Geralt est censé avoir plus d’une centaine d’années au compteur, forcément ça doit compter aussi dans son expérience de ce genre de situations (quand bien même son statut de sorceleur serait censé le priver d’émotions). Pour faire un très rapide lien avec la série tv de Netflix qui débuté en janvier 2020 : pour ceux qui l’ont vue, plusieurs récits sont adaptés dans la première saison, parfois assez littéralement. Cela prépare forcément à quelques retournements de situation, mais globalement il est bien plus agréable de lire ces aventures, qu’on ait déjà vu la série ou non. À noter qu’en parlant d’adaptation, la couverture de la version poche chez Bragelonne reprend un visuel du jeu vidéo, très bon certes, mais qui n’a aucun lien avec les nouvelles de ce recueil en particulier.

Ce deuxième recueil remplit donc son contrat (à prix raisonnable, celui-là) et poursuit l’enrichissement d’un univers en expansion, même si nous le regardons uniquement par les yeux de Geralt de Riv. C’est vrai qu’après une dizaine de nouvelles dans cet univers, on attend de voir ce qu’un roman entier construit sur plusieurs quêtes de sorceleur pourrait donner. À voir dans le troisième tome !

Voir aussi :
Tome 0,5 ; Tome 1 ; Tome 3 ; Tome 4 ; Tome 5 ; Tome 6 : Tome 7 : Tome 8

Autres critiques :
Jean-Philippe Brun (L’Ours inculte)
Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres)

The Maki Project

Cette critique est la 13e de ma participation au Projet Maki 2020.

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

2 commentaires

  • sly

    Je vous trouve bien plus indulgente qu’à l’accoutumé ^^
    Je reste quand même curieux de voir la suite pour savoir comment cet auteur qui dit en interview être surpris « d’être devenu un écrivain professionel » à évoluer : sans doute en parallèle de l’écriture de ses romans a-t-il réussi à enrichir son style et son univers.

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