Fantasy

Blackwing, tome 2 : Le cri du corbeau

Titre : Le cri du corbeau
Cycle/Série : Blackwing, tome 2
Auteur : Ed McDonald
Éditeur : Bragelonne
Date de publication : 2019

Synopsis : Quatre années se sont écoulées depuis que la Machine de Nall a repoussé les Rois des profondeurs à l’autre bout de la Désolation, mais alors qu’ils font pleuvoir le feu du ciel, des forces plus sombres encore conspirent contre la république. C’est dans ce contexte troublé qu’un nouveau pouvoir émerge : un fantôme dans la lumière, qu’on surnomme la Dame lumineuse, et qui se manifeste sous forme de visions. Le culte qui la vénère prend de plus en plus d’ampleur. Lorsque le caveau ésotérique de Corbac est profané, un objet d’une puissance terrible y est dérobé, et Galharrow et ses Ailes noires sont chargés de découvrir lequel des ennemis de Valengrad s’en est emparé. Pour sauver la cité, Galharrow, Nenn et Tnota devront s’aventurer dans le lieu le plus retors et le plus dangereux qu’ils ont jamais visité : le cœur même de la Désolation.

 

Une suite toujours aussi noire et désespérante

Quatre ans ont passé depuis les événements relatés dans « La marque du corbeau », premier tome de « Blackwing », une série prometteuse écrite par Ed McDonald et publiée en France par les éditions Bragelonne. [Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de vous pencher sur le premier tome, je vous conseille de passer directement au paragraphe suivant, celui-ci pouvant contenir quelques spoilers.] Nous retrouvons donc Ryhalt Galharrow, autrefois noble haut gradé dans l’armée, puis simple chasseur de prime doté d’un dangereux penchant pour la bouteille, désormais à la tête des Ailes noires, une agence d’espions et de soldats au service de la maréchale du Cordon. En dépit du temps qui s’est écoulé depuis la dernière tentative des Rois des Profondeurs de détruire l’humanité, notre mercenaire reste très affecté par le siège de Valengrad, et surtout par la disparition de la femme qu’il aimait, détruite par la formidable explosion de pouvoir qui lui a permis de mettre fin à l’offensive. Depuis, la paix a été rétablie mais ses bases restent toujours aussi fragiles. Il y a d’abord cette attaque dont Ryhalt est victime juste après qu’on lui ait parlé d’une curieuse expédition menée dans la Désolation. Attaque immédiatement suivie du vol d’une relique appartenant aux Rois des profondeurs et dotée de pouvoirs démesurées. Il y a aussi la maréchale qui s’attire l’hostilité de la population par sa trop grande fermeté et des mesures impopulaires. Et puis il y a cette secte apparue récemment et dont les disciples adorent la Dame lumineuse, une femme prétendument aperçue dans la lumière des phos, et dont le culte prend une ampleur de plus en plus inquiétante. Bref, Valengrad a tout d’une poudrière sur le point d’exploser, et encore une fois c’est notre héros qui se trouve au cœur des événements. Après un premier tome prometteur, Ed McDonald confirme l’essai avec un deuxième volume encore meilleur que le précédent, même si certains défauts persistent malgré tout.

Du wester post-apo

Le plus gros point fort de la série tient à l’originalité de son cadre puisqu’elle se déroule dans un décor davantage inspiré du western que du traditionnel « medieval fantastique ». L’autre particularité de l’univers imaginé par Ed McDonald vient du fait qu’il s’agit d’un monde à l’agonie dans lequel l’humanité a, certes, survécu à l’apocalypse, mais qui reste malgré tout menacée par un environnement résolument hostile et par de puissants adversaires qui, bien qu’amoindris, n’en demeurent pas moins dangereux. La cité de Valengrad se trouve d’ailleurs en première ligne, puisqu’elle se situe à proximité de la Désolation, cette vaste étendue désertique apparue suite à l’explosion d’énergie qui a permis, il y a des années, la défaite des Rois des Profondeurs et qui n’obéit plus à aucune règle, qu’elles soient temporelles ou spatiales. Comme dans le premier tome, l’auteur reste relativement flou concernant le fonctionnement de la « magie » mise en scène dans son roman. Celle-ci ne s’en démarque pas moins, elle aussi, par son originalité puisqu’elle repose sur la manipulation de la lumière et de l’énergie, et que ses effets s’apparentent à des phénomènes tels que l’électricité ou encore le nucléaire. Le bestiaire aussi est atypique (et fait, à ce titre, beaucoup penser à ce que peut faire China Mieville) et les créatures rencontrées dans la Désolations se révèlent aussi déroutantes et effrayantes que celles du premier tome. Outre son originalité, la seconde grande caractéristique de l’œuvre d’Ed McDonald réside dans sa noirceur. Si vous aimez la dark-fantasy, vous allez être servis ! C’est gore parfois, désespérant souvent, et toujours extrêmement sombre, que ce soit au niveau de l’ambiance, des thématiques abordées, ou des épreuves traversées par les personnages. Si vous cherchez une lecture légère ou une belle aventure de fantasy « classique », passez votre chemin ! Ici le programme pourrait plutôt se résumer à « amour perdu », « mort tragique », « souffrance » et « impuissance ».

Des durs à cuire au grand coeur

Et justement, les personnages, c’est un peu le point fort du roman, et en même temps son petit talon d’Achille. Impossible de nier que Ryhalt Galharrow est un personnage intéressant et qu’il a pas mal évolué depuis le premier tome. Reconverti en simple chasseur de prime après avoir perdu toute sa fortune, sa famille et le prestige de son nom, le voilà qui renoue avec une position sociale plus élevée qui lui permet d’assumer davantage de responsabilités, et surtout d’assurer le commandement d’une force non négligeable dans la cité. Seulement, si notre héros a pris du grade et ne noie plus (moins) son malheur dans l’alcool, il n’en demeure pas moins profondément déprimé, ce qui le rend particulièrement sujet à auto-apitoiement. Ses raisons sont valables, notez bien, seulement cela finit par devenir un peu agaçant de le voir constamment se déprécier ou écarter d’un revers de main la plus petite lueur d’espoir. Sa volonté de ne pas céder aux avances de sa seconde (alors même qu’il semble éprouver des sentiments à son égard) en est l’illustration et l’avalanche de fausses excuses avancées par le personnage pour justifier son « incompatibilité avec le bonheur » finissent par lasser. Les personnages secondaires qui gravitent autour de Ryhalt sont pour leur part très bien campés, qu’il s’agisse de Nenn, mercenaire particulièrement dure à cuire qui a elle aussi pris du grade sans pour autant rien changer à ses mauvaises manières, ou encore Tnota, le discret navigateur fatigué de la Désolation et doté d’un beau sens de l’humour et de la répartie. Les nouvelles têtes mises en scène dans ce second tome sont toutes aussi convaincantes, quelque soit le camp dans lequel elles se trouvent. Tout juste pourrait-on regretter que la caution « jeunesse » du roman donne trop souvent lieu à des scènes qui frôlent parfois la mièvrerie, et qui jurent donc totalement avec l’ambiance sombre et torturée du roman.

Ed McDonald confirme avec ce second volume que la série « Blackwing » vaut bien le détour. L’auteur accorde autant de soin au traitement de l’intrigue qu’à celui de ses personnages ou de son univers qui se distingue par son originalité et son influence western post-apo. A réserver toutefois aux amateurs de dark-fantasy qui ne seront pas rebuté par la noirceur et le désespoir qui suinte de chaque page.

Voir aussi : Tome 1

Autres critiques : Apophis (Le culte d’Apophis) ; L’ours inculte

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

5 commentaires

Répondre à L'ours inculte Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.