Fantasy

Les Rhéteurs, tome 2 : Grish-Mère

Grish mère

Titre : Grish-Mère
Cycle/Série : Les Rhéteurs
Auteur : Isabelle Bauthian
Éditeur : ActuSF (Bad Wolf)
Date de publication : février 2018

Synopsis : C’est à Landor qu’on trouve la plus importante école de serviteurs de Civilisation. Ceux qui en sortent, les factotums, savent repasser le linge de leur maître, réciter sa généalogie et éviscérer ceux qui le regardent de travers. Leur fidélité, garantie par des années de lavage de cerveau à la lessive patriotique, n’est plus à démontrer. C’est pourquoi, lorsque Sylve trahit son seigneur et lui dérobe une précieuse relique, c’est l’incompréhension… puis la chasse à l’homme. Sauf que Sylve n’a jamais rien volé. Et peut-on qualifier de traître celui qui a ajusté ses principes par amour ? Le guerrier naïf qui n’a jamais quitté Landor est en route pour la baronnie de Grish-Mère. Il espère y laver sa réputation, mais il se retrouve à la merci de la puissante Guilde des Épiciers. Son érudition et son excellence au combat ne lui sont alors que d’un faible secours…

Les femmes nées ici sont puissantes. Probablement parce que personne ne leur a jamais expliqué qu’elles étaient faibles.

Contrairement à ma chère et tendre, j’ai tenté de lire Grish-Mère, d’Isabelle Bauthian chez les éditions ActuSF, sans avoir lu Anasterry (même autrice, même éditeur). Bien m’en a pris, puisque la lecture en est indépendante !

Un monde vaste porteur d’enjeux très proches des nôtres

Grish-Mère est le nom d’une des principautés composant une vaste presqu’île et qui se caractérise par un régime politique porté sur le matriarcat. Cette première mention n’est pas anodine, car cette baronnie coexiste avec des voisinages le plus souvent hostiles à cette vision de voir la société. Cette première prise de position touche à la fois l’intrigue et le décor. En effet, le lecteur va découvrir un monde volontairement construit pour se poser des questions sur son propre environnement social et politique ; mais cela est tout à fait oubliable si vous vous concentrez sur le fait que l’existence de ce matriarcat n’est qu’un élément de fantasy parmi d’autres, au même titre qu’une certaine magie ou que des créatures fantastiques. C’est là tout l’avantage de la fantasy : elle fait semblant d’avancer masquée avec ses mondes imaginaires, mais elle comporte en fait diablement plus de thématiques à explorer qu’une littérature se voulant un simple reflet du réel.

Sylve, antihéros malgré lui

Dans ce roman, nous suivons le dénommé Sylve, factotum de son état. Factotum ? Non, ça ne vous dit rien ? C’est normal. Imaginez que pour contenter les grands nobles du continent, une école ait été montée pour former des serviteurs d’élite, des hommes ou des femmes qui excellent tant dans tous les domaines qu’ils sont à la fois des guerriers hors pair et des majordomes plus que zélés. Sylve est donc de ceux-là après achevé sa longue formation. Sauf qu’on ne le retrouve pas au service du noble chez qui il a été placé, mais en bien mauvaise posture, car il doit récupérer une relique dérobée sous son nez s’il veut un jour retrouver son honneur et donc sa place. Sylve nous fait alterner entre son enfance de héros, dans son « école de servitude », et son présent durant sa quête. Il cherche, il cherche encore l’objet de celle-ci, mais il finit constamment par se faire violemment avoir : pour un factotum renommé, il faut avouer que c’est incongru ! Il aimerait bien, et il se le dit très souvent, être plus proactif, mais malheureusement il passe son temps à réagir, tant il est obligé par ses antagonistes à s’adapter sans cesse. Galère après galère, il finit par être pris au piège par une guilde influente qui le mène au doigt et à l’œil dans les ruelles de Grish-Mère où il compte bien trouver ce qu’il cherche.

Un roman étonnant qu’il faut prendre le temps d’aborder

Grish-Mère est marquée par une assez longue entrée en matière : nous arrivons véritablement dans ce lieu qu’à partir de la centième page ; avant cela, nous découvrons le personnage central (« sa vie, son œuvre » globalement, à moins que ce ne soit « ses amis, ses amours, ses emmerdes »…), et ce d’une façon il nous apparaît vraiment omniprésent, puisque nous suivons tous ses faits et gestes, mais également ses moindres réflexions mentales. Il y a un but de la part de l’autrice à ainsi mettre lourdement en scène les pensées de Sylve. Il est en passe de voir son petit monde de factotum s’effondrer et suivre tout ce qui lui passe par la tête sera utile pour comprendre et appréhender ses éventuelles réflexions, irritantes ou non. Mais en tout cas, de fait, ce choix de début, alors même que les premières scènes sont plutôt enlevées et bien rythmées, peut surprendre le lecteur qui ne s’y attend pas. Par contre, une fois apprivoisé ce drôle de factotum, la liste se lit avec plaisir et nous mettons nos pas dans les siens en sachant qu’à chaque coin de rue de Grish-Mère un mauvais tour nous pend au nez.

Grish-Mère est donc une belle découverte, tant du point de vue du propos que du style de l’autrice, qui peut par contre surprendre négativement au départ si on ne comprend pas le but recherché.

Voir aussi :
Tome 1

Autres critiques :
Allan Dujipérou (Fantastinet)
Boudicca (Le Bibliocosme)
Elhyandra (Le monde d’Elhyandra)
Jean-Philippe Brun (L’ours inculte)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

10 commentaires

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