Fiction historique

Charlotte Impératrice, tome 1 : La princesse et l’archiduc

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Titre : La princesse et l’archiduc
Cycle/Série : Charlotte Impératrice, tome 1
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : Mathieu Bonhomme
Coloriste : Isabelle Merlet
Éditeur : Dargaud [site officiel]
Date de publication : 24 août 2018

Synopsis : Élevée par son père Léopold Ier, Charlotte de Belgique est destinée à faire un glorieux mariage. Pour la jeune femme, le choix s’arrête sur l’archiduc Maximilien d’Autriche, frère cadet de l’empereur François Joseph. Un mariage somptueux vient sceller leur union, qui, disons-le tout de suite, ne sera pas heureuse. Le jeune couple est dépassé par les rivalités dont ils sont le jeu, entre les terribles Habsbourg et le calculateur empereur Napoléon III. Et Maximilien se révèle un homme décevant, à tous points de vue. C’est en faisant face à l’adversité que Charlotte aura finalement l’occasion de quitter les voies d’un chemin tout tracé…

— Il s’est mis en tête de nationaliser les biens de l’Église catholique.
— Mon Dieu, quelle horreur ! Pourquoi diable a-t-il fait ça ?
— Benito Juarez est d’origine indigène, c’est un sang-mêlé, c’est un indien.
— Ah, voilà qui explique tout.
— Nous aurons le soutien du Vatican.

Fabien Nury, Mathieu Bonhomme et Isabelle Merlet, trio intéressant (respectivement scénariste, dessinateur et coloriste) pour cette nouvelle série chez Dargaud (tome reçu par le biais de la Masse Critique de Babelio, merci à eux) !

Mariage princier à la bruxelloise

La princesse Charlotte de Belgique (ou plutôt Marie Charlotte Amélie Auguste Victoire Clémentine Léopoldine de Saxe-Cobourg-Gotha), fille du roi Léopold Ier, se fait courtiser par l’archiduc Maximilien (enfin, Ferdinand Maximilien Joseph de Habsbourg-Lorraine), frère de l’empereur d’Autriche-Hongrie, François-Joseph : la Saxe-Cobourg-Gotha accepte les avances du Habsbourg. Même si ce mariage n’était pas prévu au départ, ce n’est pas trop un hasard non plus : ils sont cousins au troisième degré, elle-même descend de la célèbre branche saxonne des Wettin et les mariages entre Wettin et Habsbourg sont on-ne-peut-plus nombreux ; il se trouve juste ici qu’elle est un parti très prisé et qu’il n’est destiné à aucune couronne. Finalement, contre toutes ses attentes, l’archiduc Maximilien commence à obtenir certains titres, ce qui donne à sa nouvelle épouse Charlotte une importance diplomatique de plus en plus marquée : d’abord gouverneur de Lombardie-Vénétie (dernière province italienne encore dominée au XIXe siècle par une puissance étrangère), sa position de frère de l’empereur austro-hongrois le place en situation d’être le jouet de « coups diplomatiques ». En effet, l’Autriche est en lutte avec d’autres puissances européennes, notamment la France, pour conserver son propre statut de puissance. Dans ce cadre, le duo Maximilien-Charlotte n’a pas forcément une vie facile ; le protocole, le protocole, le protocole, il n’y a que ça de vrai.

Harry & Meghan sont sur un radeau

Au début, le lecteur peut clairement douter de la finesse de l’intrigue qui lui est proposée : la princesse est gentille, le prince est drôle, ils se marient et veulent le bonheur pour tout le monde, alors que l’existence même de leurs dynasties et de leurs fortunes devrait poser des questions autrement plus gênantes. Ils vivent une vie désincarnée, bien loin de la dureté de la vie quotidienne à cette époque-là, façon « Sissi impératrice » : on imagine très bien une Romy Schneider du XXIe siècle prendre le rôle. Autre référence, imaginez donc Guillaume Gallienne mimant l’archiduchesse Sophie enseignant l’étiquette de la cour d’Autriche à Sissi (celle-ci ne supporte plus cette étiquette : « oh, mon Papili, emmène-moi dans la forêt !), c’est tout à fait l’atmosphère du début de ce volume. Et bam ! page 30, retour à la réalité pour nos tourtereaux : malgré tous les bienfaits de l’aristocratie, de la richesse et du mariage princier, Maximilien et Charlotte rencontrent quand même quelques revers de la médaille, ce qui va (enfin !) déclencher chez eux, certes de graves problèmes de couple, mais surtout leur apporter une destinée particulière.

Itinéraire d’un prince à la dérive

Graphiquement, le dessin de Mathieu Bonhomme et la colorisation d’Isabelle Merlet peuvent tout à fait paraître vieillots au premier abord ; par contre, la construction scénaristique des planches est très intéressante : on pourrait parfois y voir un pastiche de tabloïds et certaines planches de pleine page sont pleines d’emphase, propre forcément à ce milieu si particulier que les têtes couronnées à une époque où la presse commence à se développer. Les dessins alternent entre des intérieurs parfois très détaillés dans certaines scènes et des décors quasi absents dans d’autres. Au fur et à mesure qu’on avance dans l’histoire, on ressent davantage dans les dialogues l’incroyable condescendance de ces princes vis-à-vis des peuples qu’ils sont censés représenter. Bientôt, leur légèreté fait place à la fausseté de leurs convictions morales : leur propre intérêt économique passe avant tout autre chose. Bref, le récit se délite avec les événements racontés et même quelques couacs apparaissent dans les transitions quand on s’approche de la fin du volume (on imagine qu’il faut se tenir dans le nombre de pages accordé – pourtant conséquent, 70). Malgré le fait qu’elle occupe le titre de cette série, on peut craindre que la place de Charlotte soit finalement devancée par le destin de Maximilien ; qu’en sera-t-il dans le deuxième tome ? toute la question est là. Il est d’ailleurs évident que l’acte II sera encore plus tragique que le premier.

En somme, ce premier tome de Charlotte impératrice est générateur d’une certaine curiosité, l’arrière-goût peut être un peu amer si on prend le récit et le dessin au premier degré, une deuxième lecture s’impose alors.

Voir aussi :
Tome 2

Autres critiques :

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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