Fantasy

Haut-Royaume, tome 3 : Le roi

Titre : Le roi
Cycle/Série : Haut-Royaume, tome 3
Auteur : Pierre Pevel
Éditeur : Bragelonne
Date de publication : 2018 (mai)

Synopsis : Après la mort du Haut-Roi, s’ensuit une période de deuil pour le Haut-Royaume-période durant laquelle les complots se trament et les dagues s’aiguisent avant l’ouverture du testament royal. Le prince Yrdel, héritier légitime, et le prince Alan, soutenu par la reine et son frère le prince-cardinal Jall, se disputent déjà le trône en coulisses. Comme ils se disputent les faveurs de Lorn, capitaine d’une Garde d’Onyx de plus en plus puissante et influente…

-Gardes ! Une armée marche sur nous ! Elle sera ici dans trois ou quatre jours. Aujourd’hui, nous seuls pouvons l’arrêter. Aujourd’hui, nous seuls pouvons protéger le Haut-Royaume. Ici, dans ces murs !
Lorn tira son épée et la brandit. Les Gardes Noirs l’imitèrent dans un grand froissement d’acier et cent lames reflétèrent le soleil.
-De ces murs, faisons une forteresse ! Et luttons ! Luttons parce que combattre et tomber ici n’est pas seulement notre devoir ! C’est notre honneur !
-Le Haut-Royaume servons ! s’écria Téogen.
-Le Haut-Royaume défendons ! répondit la Garde d’Onyx. 

Quatre ans après, une suite mémorable

Quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu patienter pour enfin découvrir la suite de la série « Haut-Royaume » et des aventures de son charismatique héros, le chevalier Lorn Askariàn. Une longue attente (surtout lorsqu’on se rappelle le coup de théâtre qui clôturait la fin du deuxième tome), mais largement récompensée étant donné la qualité de ce troisième opus. Après avoir été gracié et rétabli dans sa fonction de Premier Chevalier du royaume, puis placé à la tête de la nouvelle Garde d’Onyx, notre héros ne cesse de gagner en influence, au grand déplaisir de ses détracteurs qui s’alarment de voir le chevalier occuper une place si prestigieuse compte tenu de son scandaleux passé. Or, le nombre d’ennemis que compte Lorn ne cesse manifestement d’augmenter à mesure que l’état du royaume se détériore. En dépit de la renaissance du corps d’élite des Gardes d’Onyx et de la récente victoire remportée sur la cité rebelle d’Arcante, la situation du Haut-Royaume, jusque là peu florissante, ne va en effet pas tarder à s’aggraver encore un peu plus. Car voilà que le roi, moribond depuis un moment déjà, se décide enfin à passer l’arme à gauche. Aussitôt, la capitale du royaume se recouvre de cendres rouges, signe annonciateur de l’inéluctable boucherie qui se prépare. Car si Yrdel, le fils aîné, s’attend naturellement à hériter du trône de son père, la reine, elle, a d’autres plans et manœuvre en secret pour placer son propre fils, Aldéran, à la tête du pays. La traditionnelle Trêve des Larmes, une période de vingt-et-un jours au cours de laquelle la cour est censée rendre hommage au défunt, fournit à chaque camp l’occasion de fourbir ses armes… avant l’éclatement de l’inévitable guerre civile. Et la Garde d’Onyx dans tout ça ? Et bien elle se retrouve prise entre deux tenailles, chacun des deux frères tentant de s’assurer la fidélité de Lorn qui, pour sa part, semble secrètement se réjouir de l’émiettement éminent du Haut-Royaume.

Un royaume sur le déclin

Ce troisième volume s’inscrit dans la droite lignée des précédents tomes de la série, ainsi que, de manière plus générale, dans celle des ouvrages antérieurs de l’auteur, à l’image de « La trilogie de Wielstadt » ou encore des « Lames du cardinal ». Autant dire que les fans de Pierre Pevel ne manqueront donc pas d’y trouver leur compte. Si les précédents tomes fourmillaient déjà d’intrigues et de scènes d’envergure, on sent bien que c’est ici, avec cette guerre fratricide, que les choses sérieuses commencent véritablement. L’auteur nous livre pour l’occasion des intrigues de cours habilement tissées, qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler par certains côtés l’œuvre la plus connue de G. R. R. Martin (Célyane et Estévéris n’ont-ils pas, par exemple, un petit quelque chose de Cersei et Varis ?). On se prend très vite au jeu, d’autant plus que l’auteur a le don de maintenir le suspens en multipliant les rebondissements inattendus qui viennent totalement rebattre les cartes. Les péripéties qui ponctuent se troisième tome sont très nombreuses, ne laissant aucun moment de répit au lecteur qui n’en tourne les pages qu’avec plus de frénésie. En dépit de sa taille conséquente, le roman se lit en effet avec une rapidité déconcertante que l’on doit certes à la qualité des intrigues mises en scène ici, mais aussi et surtout à la qualité de la plume de l’auteur. Comme souvent, Pierre Pevel opte pour un style direct et percutant qui ne s’embarrasse pas de fioritures, un peu à l’image de son personnage principal, bourru à souhait. Si cette simplicité se traduit avant tout par une plus grande fluidité du texte, elle permet aussi, combinée au sens de la formule propre à l’auteur, de mettre efficacement l’accent sur le caractère dramatique de telle ou telle situation, le tout sans avoir à en rajouter. C’est dans les scènes de combat, que l’auteur donne surtout la pleine mesure de son talent, celui-ci nous offrant une fois encore plusieurs scènes épiques époustouflantes (cette fois c’est au « Seigneur des anneaux » que j’ai pensé, et plus particulièrement à la scène du Gouffre de Helm).

Un héros charismatique et des seconds rôles bien campés

Pour ce qui est de l’univers, l’auteur n’étend cette fois que très peu les frontières de son monde, mais nous en apprend en revanche davantage sur l’histoire du Haut-Royaume et de la Garde d’Onyx. On retrouve alors, comme dans le tome précédent, certains schémas narratifs très classiques propres aux récits de fantasy : la prophétie, l’essor d’une force maléfique et corruptrice… Si l’auteur parvient à rendre la chose intéressante, je dois avouer que ce n’est pas pour le moment l’aspect de son univers qui me passionne le plus. Plusieurs indices laissent toutefois penser que cette trame sera amenée à prendre davantage de place dans la suite de l’histoire : patience, donc. Pour ce qui est des personnages, on retrouve avec plaisir Lorn, héros complexe et torturé à souhait, qu’on craint autant qu’on apprécie. Le chevalier se révèle en effet assez imprévisible, et c’est justement ce qui rend le récit aussi captivant pour le lecteur qui ne sait jamais vraiment si le protagoniste agit en libre conscience ou sous l’influence de l’Obscure, cette substance qui l’a contaminé dans les geôles de sa prison. Les personnages secondaires sont tous aussi captivants car tous aussi nuancés. C’est le cas notamment des deux princes de sang royal, Yrdel et Aldéran, ce dernier connaissant une transformation bluffante et très convaincante qui fait froid dans le dos. Les membres de la Garde d’Onyx sont pour leur part toujours aussi attachants, et, quand bien même leur rôle n’est parfois pas très important, le lecteur parvient facilement à les identifier. L’esprit de corps et de camaraderie développé dans le tome précédent y est évidemment pour beaucoup et incite évidemment le lecteur à faire un parallèle avec d’autres unités d’élite, à commencer par celui des mousquetaires à laquelle l’auteur a déjà consacré l’une de ses précédentes œuvres.

Fidèle à son habitude, Pierre Pevel clôt se troisième tome par un énorme cliffhanger qui laisse planer un suspens insoutenable pour le lecteur qui referme le roman à la fois désespéré par la cruauté de l’auteur, mais aussi admiratif de son talent pour les coups de théâtre. Espérons que l’attente jusqu’à la sortie du quatrième tome se révélera moins longue, même si, dans tous les cas, je serai une fois encore au rendrez-vous !

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2; Tome 4

Autres critiques : Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Oriane (La Pile à Lire)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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