Science-Fiction

Grand siècle, tome 2 : L’envol du Soleil

Titre : L’envol du Soleil
Cycle : Grand Siècle, tome 2
Auteur : Johan Héliot
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2018 (mai)

Synopsis : Dans cette France du Roi-Soleil bouleversée par la découverte de l’effluve, les progrès de la technologie comme du pouvoir de Louis XIV sont foudroyants. Construit en orbite avec des éléments venus de la Terre et expédions par ballons hors atmosphère, Le Soleil devient le premier vaisseau spatial de l’histoire humaine. Le royaume du monarque absolu, étendu et sécurisé, se transforme radicalement en cette fin de XVIIe siècle. La fratrie Caron, prise dans le tourbillon de l’histoire, va connaître son destin. Alors que le futur équipage du Soleil s’entraine d’arrache-pieds, la jeune Marie se rapproche de la Cour et devient la favorite du Roi, tandis que Pierre participe au soulèvement des esclaves trimant dans les mines d’effluve… Pourtant, il existe une opposition à l’absolutisme royal, celle de Jeanne dans son journal, La Voix de Paris… Et le complot ourdi par le pape rouge s’organise : sabotages, espionnage du chantier et préparation d’un attentat pour le grand jour…

Bibliocosme Note 3.5

Conquête spatiale à l’époque du roi soleil

Et si la conquête spatiale avait eu lieu trois siècles plus tôt ? Voilà le parti pris adopté par Johan Héliot dans sa dernière trilogie en date, « Grand Siècle » qui opte ici pour un mélange histoire / science-fiction. Nous sommes en France, à la fin du XVIIe siècle, et Louis XIV règne sans partage sur son royaume dont il n’a de cesse de vouloir repousser les frontières. Par cet aspect, le roman de Johan Héliot est fidèle à l’histoire. Seulement imaginez maintenant que le roi abrite dans son cerveau une conscience extraterrestre qui aspire à rentrer chez elle. Imaginez ensuite que le roi, favorable à ce projet à la hauteur de ses ambitions et de son formidable ego, mette tout en œuvre pour se lancer à l’assaut des cieux. Quelles seraient les conséquences pour la France ? La réaction de la noblesse ? Celle des autres puissances européennes ? Et le peuple dans tout ça ? Le pitch est alléchant, et les bases posées dans le premier tome étaient suffisamment prometteuses pour donner envie au lecteur d’aller plus loin. A raison, d’ailleurs, puisque le deuxième opus de cette conquête spatiale anticipée tient toutes ses promesses. Bien des années ont passé, et l’entité extraterrestre vit désormais en symbiose totale avec un roi de France au pouvoir plus affirmé, et à l’âge plus avancé. Malgré les difficultés rencontrées et l’hostilité à peine voilée des nobles pour le projet, Louis XIV est parvenu à mettre tout le monde au pas et à concentrer tout les efforts du royaume sur cet objectif de voyage spatiale. Conséquences ? Pas de Versailles, déjà. Tout l’argent passe dans les recherches scientifiques et les travaux nécessaires à la construction du vaisseau et du matériel qui transporteront les premiers hommes hors de la Terre. Le roi finance également un tout nouveau corps dont les membres, baptisés « les cadets de l’Éther », sont en fait les ancêtres de nos astronautes modernes et ne reculent devant aucun risque pour tester les nouvelles machines proposées par l’Académie des sciences.

Une uchronie convaincante et bourrée de bonnes idées

Et c’est d’ailleurs là que ce situe l’un des plus grands atouts du roman : l’apparition dans cette France du XVIIe d’innovations technologiques bien connues du lecteur, mais censées n’être développées que bien des siècles plus tard. Le phénomène ne touche d’ailleurs pas que le domaine de l’aéronautique. Imaginez un peu nos ancêtres de l’époque découvrant l’appareil photo, la voiture, ou même la télévision ! Le sujet inspire de toute évidence Johan Héliot qui s’amuse manifestement beaucoup à imaginer un Jean de La Fontaine en vedette du petit écran, ou encore les conséquences de l’apparition de la photo. C’est drôle, inventif, et on prend un plaisir fou à imaginer toutes ces figures emblématiques de notre histoire prendre part à un projet aussi fou, divergeant ainsi de ce que l’histoire leur aurait normalement réservé. Blaise Pascal occupe ainsi un rôle clé dans les avancées scientifiques évoquées, mais on trouve également des références à Colbert, Louvois, La Fontaine, ou encore Molière. Tout cela pourrait paraître tiré par les cheveux, mais l’auteur parvient à trouver une explication plausible à toutes ces transformations grâce, entre autre, à la découverte et l’exploitation d’une toute nouvelle substance baptisée « l’effluve ». La plume de Johan Héliot est pour sa part toujours aussi soignée et favorise efficacement l’immersion du lecteur. Comme dans la plupart de ses ouvrages, l’auteur s’attache à coller au plus près à la langue et au vocabulaire de l’époque pour plus de réalisme, et cela fonctionne. Le procédé est agréable et ne gêne en rien la fluidité de la lecture, à l’exception peut-être de certains dialogues qui peuvent parfois sembler un peu trop artificiels et sonnent davantage comme des répliques de théâtre plutôt que comme un véritable échange.

Une multiplication des ellipses qui nuit aux personnages

Le principal bémol de ce second volume reste le même que dans le précédent, à savoir la trop grande rapidité avec laquelle certains événements sont décrits. L’auteur n’hésite pas, par exemple, à avoir recours à de multiples reprises à des ellipses de plusieurs années. Si le procédé est bien nécessaire pour pouvoir justifier les progrès réalisés dans le domaine de la science (qui ne pourraient évidemment pas se développer en quelques mois seulement), cela devient beaucoup plus gênant en ce qui concerne les personnages. Difficile en effet de s’investir émotionnellement dans un récit lorsqu’on n’évolue pas avec les personnages. Le lecteur n’assiste en effet qu’aux moments les plus déterminants de la vie de chacun des enfants Caron, si bien que, même si on comprend pourquoi ils en viennent à évoluer de cette manière, la transformation en elle-même nous échappe totalement. Le parcours de chacun des protagonistes est pourtant riche de possibilités que l’auteur exploite bel et bien, mais le plus souvent en coulisse. On ne verra par exemple jamais Marie frayer avec les courtisans pour se faire une place à la cour, mais on apprendra par des biais détournés que la jeune femme a réussi à s’imposer et s’est fait remarquée par le roi. De même, on sait que Jeanne occupe une place importante dans la presse française de l’époque, mais on se contente de lire ses articles sans connaître les rapports qu’elle entretient avec les autres membres de la profession ou la manière dont elle travaille. Les naissances et les décès s’enchaînent tout aussi rapidement, à la relative indifférence du lecteur qui a à peine le temps de découvrir un nouveau personnage que dix ans se sont parfois déjà passés ! Bref, si on prend sans aucun doute plaisir à lire les aventures des différents membres de cette famille au destin étonnant, on a du reste bien du mal à compatir à leurs malheurs.

Un second tome dans la droite lignée du premier qui continue de mettre en scène les étapes d’une conquête spatiale anticipée de trois siècles. L’auteur ne manque pas de bonnes idées et sa reconstitution du Paris de Louis XIV, agrémenté de touches de plus en plus importantes d’ingénierie, ne manque pas d’enflammer l’imagination du lecteur. Si on peut regretter que l’attachement éprouvé pour les personnages soit aussi limité, cela n’enlève malgré tout rien à l’envie du lecteur de connaître la suite de l’histoire et d’assister, enfin, au décollage du roi soleil.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Les chroniques du chroniqueur

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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