Les loups chantants
Titre : Les loups chantants
Auteur : Aurélie Wellenstein
Éditeur : Scrinéo / Pocket
Date de publication : 2016 / 2018
Synopsis : Au plus profond des terres glacées de Sibérie, règne le dieu de l’Hiver et ses cruels envoyés. Le village et ses habitants survivent grâce à la magie de ses Gardiens qui les maintient dissimulés et protégés par un Blizzard constant. Mais celui-ci n’a pas pu retenir la bien-aimée de Yuri. Attirée par les hurlements des loups, elle a disparu dans l’implacable froidure. Tous la disent perdue, mais Yuri ne peut pas faire son deuil. Bientôt, c’est sa sœur, Kira, qui est menacée. Sa peau se recouvre peu à peu de cristaux de glace. Déclarée maudite, elle est bannie de la communauté. Déterminé à la sauver, Yuri prépare son attelage. Ils s’enfoncent dans le Blizzard, pour un long périple semé d’embûches, les loups chantants à leurs trousses. Très vite, la voix de son amie retentit dans la tête de Yuri, elle l’appelle…
…
Une course contre la montre haletante
Une course contre la montre dans un milieu inhospitalier ça vous tente ? Parce que c’est justement ce que nous propose Aurélie Wellenstein dans ce court roman qui retrace la quête désespérée d’un trio d’adolescents dans l’enfer de l’Arctique. Bien que conscient des dangers qui l’attend, Yuri se refuse pourtant à renoncer à cette mission suicidaire qui représente son tout dernier espoir de sauver sa sœur. Car celle-ci a soudainement commencé à se recouvrir de glace, une manifestation évidente, pour le chamane, de la colère du dieu Korochun et qui leur vaut, à elle et son frère, l’exclusion de leur communauté. Rejoins par Anastasia, une amie d’enfance du jeune homme et étudiante infirmière dans une ville éloignée, les adolescents entreprennent alors un long et périlleux voyage dans le but de trouver un remède pour sauver la jeune Kira. Le rythme est mené tambour battant du début à la fin, les personnages allant de difficultés en difficultés sans véritables accalmies. On peut toutefois regretter le point de vue unique adopté par l’auteur (celui de Yuri) quand une alternance aurait permis d’étoffer davantage les deux autres personnages. Même si le jeune homme reste tout du long très attachant, ses deux compagnes n’en restent pas moins trop effacées et donc moins aptes à susciter l’empathie du lecteur. Si on ne s’ennuie pas une seconde à la lecture de ce périple mouvementé, la plupart des rebondissements de l’intrigue restent malgré tout très prévisibles. C’est le cas notamment de tout ce qui tourne autour d’Asya, l’ancienne compagne du héros, dont le lecteur devine immédiatement la nature et qui pourra donc s’agacer des hésitations sans cesse ressassées par le jeune Yuri pour retarder l’inévitable confrontation.
L’Arctique : un décor bien exploité
Le plus gros point fort du récit reste son cadre : l’Arctique, un décor rude et hostile dans lequel la mort menace de partout. Outre la progression de la maladie de la jeune Kira, nos héros auront ainsi à faire au froid, à la faim, aux tempêtes, mais aussi au dégel. En dépit de la dangerosité de cet environnement, le lecteur comme les personnages ne peuvent s’empêcher d’admirer la beauté de ces étendues désertiques d’une blancheur immaculée que l’auteur décrit avec beaucoup de sensibilité. On ne peut cela dit s’empêcher d’être frustrés par la quasi totale absence d’informations concernant le monde en dehors de ces terres glacées qui constituent le seul et unique décor du roman. L’auteur se montre d’ailleurs à ce point vague sur le sujet qu’on se croirait au début du récit dans un milieu totalement déconnecté de notre réalité, jusqu’à ce que plusieurs références modernes nous fassent réaliser qu’il existe bien un lien ténue entre cette étrange contrée et notre monde. Peu à peu, le lecteur rassemble les pièces du puzzle et comprend qu’on doit se situer dans une région particulièrement reculée de Sibérie. Une Sibérie qui n’est pas vraiment la notre puisque des phénomènes d’ordre surnaturel y ont lieu. Le village est par exemple coupé du monde six mois sur douze par le Blizzard, une tempête effroyable qui recouvre une partie de ces terres désolées et qu’il est presque impossible de traverser. Les habitants de ces territoires disposent cela dit d’une protection redoutable contre la tempête en la personne des Gardiens, des villageois formés pour utiliser une magie liée à un livre à propos duquel l’auteur ne nous fournit aucune explication particulière.
Une magie omniprésente mais inexpliquée
C’est d’ailleurs au départ l’un des rares aspects qui relève pleinement de la magie et qui nous fait comprendre avec certitude que le récit relève bien de la fantasy et non pas du fantastique. L’auteur tente pourtant à certaines reprises de semer le doute dans la tête du lecteur en avançant des explications plausibles à certains événements interprétés de façon superstitieuse par les deux protagonistes. Et si, par exemple, l’affliction de Kira n’était pas une malédiction mais relevait au contraire d’une maladie, certes rare, mais connue de la science ? Cet états indécis à la frontière du réel ne dure malheureusement pas, Aurélie Wellenstein se hâtant de trancher la question et faisant irrémédiablement basculer son récit dans la fantasy. Cela se manifeste notamment par l’apparition de créatures étranges qui vont donner bien du fil à retordre aux protagonistes et qui s’avèrent pour certaines franchement perturbantes. La plupart sont en effet totalement fantasques et ne s’apparentent à aucun bestiaire connu, une marque de fabrique de l’auteur qui, de ce point de vue, se démarque par son originalité (les créatures du « Roi des fauves » et de « La mort du temps » valent elles aussi le coup d’œil). Les animaux occupent également une place centrale dans l’ensemble de ses écrits, et « Les loups chantants » ne fait pas exception à la règle. Comme le titre l’indique, les loups sont évidemment au cœur du récit, présences tour à tour menaçante ou rassurante qui rôdent autour de nos héros de la première à la dernière page. Les chiens de traîneau sont eux aussi fréquemment mis en avant grâce au don exceptionnel de Yuri qui possède la capacité de mêler son esprit à selon de ses compagnons à fourrure. L’occasion de découvrir les capacités exceptionnelles de ces mastodontes qui font preuve d’une résistance et d’une endurance incroyables qui s’avèrent fort utile dans un milieu tel que celui de l’Arctique.
Aurélie Wellenstein signe avec ce court roman un récit haletant qui séduit aussi bien par son cadre que par son bestiaire original. On y retrouve sans surprises un certain nombre d’éléments récurrents dans tous les textes de l’auteur, à commencer par l’omniprésence des animaux ainsi que la mise en avant d’un certain nombre de valeurs (la solidarité, la persévérance…). S’il n’est pas exempt de défauts, le roman n’en reste pas moins divertissant et vous fera donc passer un agréable moment de lecture.
Autres critiques : Dup (Book en Stock)
6 commentaires
Célindanaé
J’ai le souvenir d’un roman très dépaysant mais pas assez creusé.
Boudicca
Oui, c’est dommage qu’il soit aussi bref, ça aurait mérité une immersion plus prolongée…
lutin82
Pour une fois, je ne serais pas entièrement d’accord avec toi. Je l’ai lu et je m’y suis un peu ennuyée car, une impression de déjà lu trop importante. Le cadre spécial est la seule chose que je retiens.
En fait, c’est avec ce roman, où je me suis dit que les livres YA n’étaient décidément plus pour moi. (ainsi que les histoires d’apprentissage).
Boudicca
Je ne suis pas trop fan du YA non plus d’habitude mais j’ai trouvé celui-ci plutôt sympathique (peut-être parce qu’il est court justement ^^). Je comprends ce qui a pu te rebuter cela dit et je trouve que c’est le moins bon de l’auteur jusqu’à présent (La mort du temps est vraiment beaucoup plus recherché à mon sens)
The Cannibal Lecteur
« Une course contre la montre dans un milieu inhospitalier ça vous tente ? » Tu ne pourrais pas nous proposer un moment de farniente dans un hamac au soleil, non ?? 😆
Le titre et le pitche me tentent, mais ton avis me refroidi un peu. Noter ou ne pas noter ? Telle est la question ! Car si on n’a pas d’informations concernant le monde, à quoi bon ?
Boudicca
Ba oui mais sinon c’est moins passionnant ! 😉 Je pense que ça peut te plaire, même si le roman a des défauts (et puis il est tout petit à lire, en 2h ça peut-être bouclé ^^)