Renégat, tome 2 : La lame noire
Titre : La lame noire
Cycle/Série : Renégat, tome 2
Auteur : Miles Cameron
Éditeur : Bragelonne / Milady
Date de publication : 2014 / 2017
Synopsis : La loyauté coûte cher. La trahison est gratuite. Lorsque l’empereur de Morée est pris en otage, le Chevalier rouge et ses hommes sont soudain très demandés… et voient leurs ennemis se multiplier. Le pays est plongé dans la révolte, la capitale assiégée, et la moindre victoire devra être chèrement acquise. Mais le Chevalier rouge a un plan et une arme secrète. Saura-t-il l’emporter tout à la fois sur les champs de bataille de la politique, de la magie, de la guerre et de l’amour ?
…
Le Chevalier rouge reprend du service
Après la bataille de grande ampleur menée contre les armées du monde sauvage à Lissen-Carack, on se serait attendu à ce que le Chevalier rouge et sa compagnie prennent un peu de repos afin de profiter de leur dernier butin. C’était sans compter sur l’ambition du capitaine qui voit dans l’appel à l’aide adressé par l’empereur de la lointaine Morée une opportunité unique de gagner à la fois en pouvoir et en richesse. Ni une, ni deux, voilà les mercenaires en route pour Liviapolis, capitale grandiose d’un empire en pleine déliquescence et véritable panier de crabes. Mensonges, empoisonnements, complots : les grands de la cour ne reculent devant rien pour parvenir à leur fin. Comment, dans ces circonstances, parvenir à séparer les traîtres des loyaux sujets ? La mission est de taille, et le Chevalier rouge ne tarde pas à se retrouver submergé d’ennemis, l’obligeant à mener bataille sur tous les fronts : à la guerre, bien sûr, mais aussi dans les alcôves du palais, les rues de la capitale, et surtout dans sa propre tête. Le récit est captivant et remarquablement construit, l’auteur prenant manifestement beaucoup de plaisir à échafauder des plans complexes (mais toujours cohérents) afin de surprendre le lecteur. Le roman aurait déjà été suffisamment dense s’il s’était concentré sur ce seul récit, mais Miles Cameron n’est pas, lui non plus, dénué d’une certaine ambition, aussi l’ouvrage comporte-t-il d’autres intrigues développées en parallèle et mettant en scène différents personnages et parties du monde. Outre le Chevalier rouge, on retrouve ainsi Thorn qui poursuit sa quête de pouvoir, quitte à provoquer de nouveaux bouleversements dans tout le monde sauvage. Certains chapitres nous ramènent aussi à la cour du roi d’Alba où la reine Desiderata se retrouve confrontée à une véritable campagne de harcèlement lancée par les chevaliers gallois menés par Jean de Vrailly.
Une lecture exigeante mais payante
L’influence des légendes arthuriennes est encore une fois bien visible, même si l’auteur semble prendre de plus en plus de distance avec le matériaux d’origine. Si des personnages comme Arthur, Guenièvre, Lancelot ou encore Mordred sont clairement identifiables, le reste du récit n’a que peu de choses à voir avec le mythe tel qu’on le connaît. Ce deuxième tome introduit tout de même le personnage de Morgause, figure incontournable de la légende, et semble se conformer au schéma initial en ce qui concerne la relation entre cette dernière et son frère le roi. Si on peine au premier abord à comprendre le rapport entre toutes ces différentes histoires, les pièces du puzzle finissent peu à peu par se mettre en place, révélant les contours d’une intrigue d’une bien plus grande ampleur dont on ne saisit pas encore toutes les subtilités ni les implications. Il faut dire aussi que Miles Cameron ne fait rien pour ménager son lecteur qui doit procéder à une certaine gymnastique (pas désagréable mais parfois difficile) pour se repérer dans la vaste toile tissée par l’auteur. On retrouve ici le même procédé narratif que dans le précédent tome, à savoir un enchaînement de chapitres plus ou moins courts qui permettent d’alterner les points de vue. Et il y en a beaucoup, puisqu’on gravite autour d’une quinzaine de personnages importants et près du double de personnages secondaires. Membre de la compagnie du Chevalier rouge, dames et chevaliers des cours de Morée, d’Alba et de Galle, habitants des diverses tribus ou espèces du monde sauvage… : le roman foisonne donc de personnages entre lesquels il n’est pas toujours aisés de se repérer (un dramatis personae serait notamment fort utile). L’auteur n’hésite d’ailleurs pas à corser le jeu en donnant le même nom à certains ce qui, avouons-le, ne nous facilite pas la chose (on retrouve par exemple deux « lady Mary », ou encore plusieurs « Thomas »).
Miles Cameron : Auteur passionné et passionnant
Le roman est tout aussi dense en ce qui concerne l’univers qui s’étoffe de plus en plus à mesure que ses frontières s’étendent. Le cadre se veut d’ailleurs plus originale que dans le premier tome puisque le décor ne se limite plus seulement à l’Alba (comprenez l’Angleterre) mais se décline en plusieurs contrées d’inspiration tour à tour orientale ou nordique. Le nouveau contrat accepté par le Chevalier rouge les entraînent ainsi lui et sa compagnie dans une réplique déclinante de l’Empire byzantin qu’il est facile d’identifier par bien des aspects (paysage et climat, système politique, rayonnement culturel…). L’auteur s’est de toute évidence abondamment documenté et cela se ressent pleinement au niveau de l’ambiance qui permet une immersion immédiate et totale du lecteur : dépaysement garanti ! Pour ce qui est de l’époque, on reste sur une inspiration clairement médiévale, que ce soit en terme d’architecture, d’équipement ou d’armement. On apprenait dans la description de l’auteur figurant dans le premier tome que celui-ci était amateur de reconstitution historique et cela se sent. Loin de se contenter d’accumuler les termes techniques uniquement pour créer une ambiance, l’auteur se veut pédagogue et nous permet de comprendre (sans jamais tomber dans le travers « cour d’histoire ») l’importance de telle pièce d’armure, les avantages et inconvénients de telle arme ou encore de telle tactique militaire. Miles Cameron nous décrit également par le menu l’avalanche de problèmes rencontrés par le Chevalier rouge en matière de gestion de la compagnie : le ravitaillement, la paye, les querelles internes, la prise en charge du personnel non militaire gravitant inévitablement dans l’entourage d’une telle troupe… L’auteur est incroyablement précis et se focalise sur des aspects pratiques généralement oubliés lorsqu’il est question de mettre en scène une compagnie de ce genre et c’est tout simplement passionnant.
Mille pages de plaisir
De la même manière, on en apprend beaucoup en observant le capitaine déployer des trésors de patience et d’intelligence pour se concilier une population qui lui est pourtant résolument hostile à son arrivée dans la ville. Là encore, on devine les sources qui ont pu influencer l’auteur qui a de toute évidence accumulé une vaste documentation, notamment sur les Balkans au Moyen-Age. Miles Cameron fait preuve de la même précision avec son bestiaire qui se révèle encore plus développé que dans le précédent tome. Aux irques, boguelins, vouivres, et autres créatures du monde sauvage rencontrés dans « Le Chevalier rouge » succèdent ainsi les trolls, les bargets ou encore les selkies. Celles-ci sont notamment à l’origine d’une des scènes les plus impressionnantes de ce deuxième opus : une bataille opposant un navire et ces créatures marines effrayantes sinuant entre les baleines dont elles passent pour être les gardiennes. Le roman regorge d’ailleurs de ces scènes intenses qui frappent l’imagination du lecteur : les danses du solstice, la bataille finale, le double mariage de Liviapolis… Ces moments forts s’enchaînent de plus en plus rapidement dans la seconde moitié du roman qui se veut plus dynamique et laisse davantage de place à l’action. La première partie évolue quant à elle sur un rythme plus lent qui en frustrera certains mais qui se révèle nécessaire pour bien présenter tous les acteurs et les différents décors, ainsi que pour bien comprendre les implications de tel ou tel choix effectué par les personnages. Il en résulte inévitablement quelques longueurs qui peuvent s’avérer gênantes, d’autant qu’on ne jette parfois un coup d’œil à des endroits ou des personnages que le temps d’une ou deux pages avant de les abandonner pour ne les retrouver que cent pages plus loin. Malgré ça, la passion communicative de l’auteur et l’efficacité de sa plume font que ces milles pages défilent à une vitesse folle, signe d’un incontestable talent.
Après un premier tome foisonnant qui posait les bases d’un univers aux contours familiers et pourtant plein de surprises, Miles Cameron nous offre une suite largement à la hauteur qui ravira les amateurs d’histoire et de fantasy résolument sombre. L’univers, les personnages, les descriptions, la narration : tout est incroyablement dense et, s’il faut admettre que la lecture n’est pas toujours aisée, le plaisir, lui, est bien au rendez-vous. A noter, pour finir, que la série comprend actuellement cinq tomes dont seulement trois ont été traduis par Bragelonne (et réédités en poche chez Milady pour les deux premiers).
Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3
Autres critiques : Lutin82 (Albédo – Univers imaginaires) ; L’ours inculte
9 commentaires
lutin82
Je ne peux qu’applaudir ta critique des deux mains (et deux pieds, mais dans ce registre je ne suis pas très habile ni très élégante). J’y retrouve tout à fait ce qui m’a plu et qui fait l’attrait de ce roman captivant.
Oui, il est assez exigeant, et j’aime bien ce côté dark bien plus assumé dans ce deuxième tome. La fantasy avec un cadre médiéval tend à nous lasser par son manque d’originalité, mais quand nous en avons d’aussi travailler et immersif, il ne faut pas cracher dessus. Allez hop! les amateurs de Dark fantasy et d’histoire captivante et exigeante, à vos bouquins!
Je compte lire le 3° opus très bientôt.
Boudicca
Merci à toi de m’avoir fait découvrir cette série, ce sont tes critiques des deux premiers tomes qui m’avaient tenté 🙂 Je compte lire le trois bientôt aussi (même s’il n’est disponible qu’en grand format pour l’instant).
John Évasion
Hey super critique !
Je suis toujours dans l’attente d’achat du 1er tome qui me tente vraiment bien mais j’avoue que la taille du bébé me fait un peu hésiter ^^ Mais je crois que les très bons commentaires vont me faire céder.
Boudicca
La taille du pavé me faisait aussi un peu peur au début mais ça se lit franchement bien : à aucun moment au cours de ma lecture je me suis dit que j’aimerais bien passer à un autre roman. Je te souhaite une bonne lecture 🙂
Apophis
Ah ben si vous vous y mettez à deux… Dark Fantasy historico-légendaire ? C’est pour moi !
Boudicca
Tu vois ce que ça fait ?! ;-D Je pense que c’est tout à fait le genre de bouquin que tu pourrais aimer 🙂
The Cannibal Lecteur
Mille pages de plaisir ? Où signe-t-on ?? 😀
Boudicca
Ça pourrait te plaire je pense 😉
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