À la fin le silence
Titre : À la fin le silence
Auteur : Laurence Tardieu
Éditeur : Le Seuil (Cadre Rouge)
Date de publication : 18 août 2016
Synopsis : Décembre 2014. Depuis plusieurs semaines, la narratrice sait qu’elle va devoir vendre la maison de son enfance. Lieu des origines et de l’ancrage, de la mémoire familiale et de sa propre mémoire. Face à ce chagrin intime, écrire un livre lui semble la seule chose encore possible : trouver les mots pour, peut-être, sauver un peu de la maison avant qu’elle ne disparaisse de sa vie, lui restituer une part d’éternité.
Janvier 2015. La vague d’attentats qui frappe la France la laisse sans mots, avec le sentiment d’avoir été dépossédée du monde tel qu’elle le connaissait. En elle, l’urgence s’est déplacée : que faire d’autre qu’écrire, pour tenter de faire face à l’innommable ? Au fil des semaines, sa vie va se jouer dans un va-et-vient entre ce sentiment de fissuration du monde extérieur, que les attentats de novembre ne vont qu’intensifier, et celui de dépossession de son monde intime. Jamais le dehors et le dedans ne lui ont paru à ce point liés. Contrepoint paradoxal, insensé, de cet effondrement généralisé : tout au long de ces mois elle a porté un enfant, puis elle l’a mis au monde.
J’avance à tâtons, j’aimerais trouver de la lumière, faire surgir du sens, j’aimerais retrouver le monde d’avant midi dix le mercredi 7 janvier, l’instant où j’ai appris que quelque chose d’irrémédiable venait de se produire, que le monde dans lequel nous vivions avait basculé, devenant un monde dans lequel deux hommes pouvaient pénétrer dans un immeuble, gravir un escalier et décimer à la Kalachnikov une équipe de rédaction, le monde d’avant le soit de septembre où j’ai su à la fin du dîner auquel nous prenions part mon père, ma sœur, mon frère et moi, au moment du dessert précisément, alors que je servais une mousse au chocolat préparée la veille avec un sourd pressentiment au creux du ventre, que nous allions devoir vendre la maison de notre enfance, j’aimerais anéantir ces deux douleurs, les faire disparaître, les renvoyer au néant, j’aimerais retrouver le monde d’avant, un monde qui tenait, c’est pour cette raison chimérique que chaque matin depuis le 8 janvier je me mets à ma table de travail et tente de me frayer un chemin à travers les mots.
À l’occasion d’un partenariat avec PriceMinister, la possibilité a été offerte de découvrir certaines sorties de la rentrée littéraire 2016. À la fin le silence, de Laurence Tardieu, m’a attiré par son sujet lié à la vente de la maison familiale qui serait comme un déracinement, l’allusion de la quatrième de couverture aux attentats de Charlie Hebdo ne m’a pas plus parlé que ça.
À la fin le silence est le récit autobiographique de Laurence Tardieu sur certains aspects de sa vie qui se sont entrechoqués en quelques mois cruciaux. En effet, nous suivons l’année 2015 de l’autrice, des attentas du 7 janvier jusqu’au début de l’hiver, en passant par les attentats suivants du 13 novembre et la naissance de son fils au début de l’été. De grands thèmes captivants, Laurence Tardieu choisit surtout de conter ses ressentis, et non la construction de ces événements (qui aurait pu constituer une quelconque intrigue). Nous pouvons tout à fait comprendre quel choc les attentats de Charlie Hebdo ont pu être, même pour ceux dont la vie n’a jamais été en danger et qui nous connaissaient personne dans ce cas-là, tout comme il est aisé de comprendre combien ces événements tragiques peuvent secouer une personne qui se sent fragilisée par une perte familiale (ici la vente de la maison de son enfance) et par une période naturellement éprouvante (ici la naissance d’un troisième enfant). Malgré tout cela et avec toute la bonne volonté du monde, il est bien difficile de ne pas voir que ce livre ne fait pas preuve d’une grande imagination. Je m’attendais à une parenthèse, à un beau récit, clairement pas à un monologue façon « psychologue du coin de la rue », un récit complètement autocentré qui met sur le même plan des choses totalement déconnectées, et (personnellement, évidemment) j’ai trouvé cela extrêmement déplacé. En définitive, je ne garderais que le premier et l’ultime chapitre qui creusent, un peu, la thématique attendue : le premier nous happe en quelques mots chocs, l’ultime développe (enfin) une pensée plus conséquente.
On m’avait également parlé du style de Laurence Tardieu en bien, introspectif et recherché. Clairement, je n’ai pas dû avoir « les yeux en face des trous » pendant cette lecture car ce n’est pas du tout ce que j’y ai vu. En effet, l’auteur multiplie des accumulations à n’en plus finir, des listes de synonymes, ainsi que des répétitions qui ont normalement pour effet de s’appesantir sur un effet particulier, mais là ce n’est plus s’appesantir, on est au-delà de ça, je crois. Elle use d’un vocabulaire quand même plutôt pauvre, ce qui n’a pas manqué de m’étonner, ce qui favorise d’autant moins l’approche de questions basiques sans cesse rabâchées. Enfin, je suis sceptique sur l’organisation même des phrases : le choix très particulier de la ponctuation, on s’en doute, est fait pour montrer que ses pensées s’enchaînent sans filtre, mais à lire, ce n’est quand même pas beau – je ne dis pas « pas aisé », car si cela servait vraiment une volonté stylistique notable, cela faciliterait de fait l’aisance de lecture – non, c’est juste qu’un tel récit haché n’est juste pas possible à apprécier. Cela donne la fâcheuse – et sûrement bien trompeuse – impression que tout cela a été rédigé à la va-vite.
Ce livre est donc une vaste réflexion sur les vides qui nous construisent, ou qui nous sapent, selon les moments où ils interviennent. Malheureusement, de mon humble point de vue, c’est surtout un livre construit sur du vide, car j’en ressors avec la ferme impression de m’être fait arnaquer.
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