Étonnants Voyageurs 2015, Exposition #1 : Aventures maritimes
Quel meilleur endroit que la ville de Saint-Malo pour parler d’aventures maritimes ? A l’occasion de la 25e édition du festival des « Étonnants Voyageurs », la ville corsaire a de nouveau été envahie le temps d’un week-end d’une cohorte d’auteurs, illustrateurs, journalistes et visiteurs venus parler de livres et de cinéma. Parmi les nombreuses thématiques abordées tout au long de ces trois jours, la mer a évidemment occupée une place de premier choix. D’abord parce que le festival était l’occasion de remettre un certain nombre de récompenses, à l’image du prix Gens de Mer attribué cette année à Nicolas Cavaillès (« Pourquoi le saut des baleines »). Ensuite parce que figuraient au nombre des invités des illustrateurs dont les derniers ouvrages ont été consacrés à la mer et à ceux qui y risquent leur vie depuis toujours.
Afin de rendre hommage à ces artistes, une exposition baptisée « Aventures maritimes » a été organisée au Palais du Grand Large où quelques orignaux de planches de bandes dessinées étaient présentées. Les visiteurs ont ainsi pu y découvrir les univers de quatre grands illustrateurs. Le premier, Chanouga, est l’auteur de « Narcisse », ouvrage relatant les aventures d’un jeune mousse vendéen sur un archipel de l’océan Pacifique. Le second, Sylvain Savoïa, a choisi de raconter l’épreuve endurée au XVIIIe par des naufragés d’un bateau négrier sur une île déserte de l’océan indien (« Les esclaves oubliés de Tromelin »). Les derniers artistes exposés ont tous deux opté pour l’adaptation de grands classiques de la littérature : « Le Vieil Homme et la mer » pour Thierry Murat, et un échantillon de nouvelles d’auteurs du XIXe pour Riff Reb’s dont les planches sont tout bonnement à couper le souffle. Tous deux figuraient d’ailleurs au nombre des invités d’une table ronde organisée samedi dans la Maison de l’Imaginaire, située dans la belle chapelle de l’école de la marine marchande. Florence Bouchy y recevait Thierry Murat, Riff Reb’s et Hélène Montadre (auteur du diptyque pour la jeunesse « Mirapolis ») pour débattre de leurs « fantastiques odyssées ». Voici, de façon succincte, en quoi ont constitués ces échanges.
La question de la difficulté d’adapter un texte en bande dessinée a évidemment fait l’objet de l’essentiel des échanges. Riff Reb’s ne manque d’ailleurs pas d’expérience à ce sujet puisque son « Hommes à la mer » fait suite à deux autres adaptations : « A bord de l’étoile Matutine » de Pierre Mac Orlan et « Le loup des mers » de Jack London. Le dernier volet de cette trilogie maritime diffère toutefois des précédents puisqu’il a été conçu comme un véritable recueil par l’auteur qui entendait proposer à ses lecteurs un tour d’horizon de différents écrivains, différentes époques et différents styles. L’ouvrage est donc composé de huit nouvelles, entrecoupées d’illustrations d’extraits d’autres œuvres littéraires comme celles d’Homère ou encore Jules Verne. Riff Reb’s rappelle pourtant que son objectif de départ était d’adapter uniquement des textes de W. H. Hodgson, qu’il considère comme le précurseur de Lovecraft. La chose s’est cependant vite avérée impossible puisque seulement deux textes de cet auteur ont alors parus convenir à une adaptation. Il s’est alors mis à chercher d’autres textes et s’est vite laissé séduire par les écrits de Pierre Mac Orlan, Stevenson, Conrad… La sélection des nouvelles présentent au sommaire a donc dans un premier temps été improvisée, puis il a fallu faire un tri pour que le recueil trouve sa cohérence.
Extrait de « L’Odyssée » d’Homère (Riff Reb’s, « Hommes à la mer », Noctambule, 2014)
Thierry Murat, lui, a opté pour l’œuvre d’Hemingway car il s’agit d’un livre qui l’avait marqué étant adolescent. Après une première adaptation réussie en 2005, il a donc décidé l’année dernière de réitérer l’expérience avec « Le vieil homme et la mer ». La première question à se poser lorsqu’on adapte un texte est pour lui : « qu’est ce que j’ai de plus à apporter à l’œuvre originale en tant qu’artiste ou en tant qu’auteur ? » Et cela vaut aussi bien pour les adaptations de romans que les adaptations de chansons, de pièces de théâtre ou autre. La seconde question a se poser c’est : « qu’est ce que je garde et qu’est ce que j’enlève ? » Malgré toute l’affection et le respect que l’on porte au texte d’origine, il faut nécessairement en passer par une coupe pour de simples raisons de format. C’est à l’occasion de ce travail que Thierry Murat s’est d’ailleurs rendu compte que, lorsque l’adaptation est vraiment réussie, ces retraits n’enlèvent rien à la force de l’œuvre qui gagne au contraire en intensité puisqu’on ne garde que la quintessence du roman. C’est ce qu’il a tenté de faire avec son adaptation du chef d’œuvre d’Hemingway dont il a voulu sublimer les grands thèmes (la relation de l’adulte à l’enfant, le goût de l’effort, la vieillesse…).
Thierry Murat, « Le vieil homme et la mer », Futuropolis, 2014
Que ce soit par le biais d’expositions, de débats, d’échanges informels avec les illustrateurs au cours de séances de dédicaces, ou tout simplement de promenades le long des remparts ou dans les rues de la vieille ville de Saint-Malo, il y avait bien des manières ce week-end de s’imprégner de l’ambiance « maritime » du festival. L’occasion pour les nombreux visiteurs de faire de belles découvertes sur le sujet, notamment en matière de bandes dessinées. En ce qui me concerne, c’est le travail de Riff Reb’s qui m’aura, de loin, le plus enthousiasmée. Et au vue des quelques bribes de conversations glanées lors de l’exposition, il semblerait que je ne sois pas la seule à avoir été sensible au talent de l’artiste et à sa vision de la mer.
NB : Grâce à ActuSF et leur promptitude, vous pouvez écouter directement la conférence via ce lien mp3.