Le double corps du roi
Titre : Le double corps du roi
Auteurs : Thomas Day et Ugo Bellagamba
Éditeur : Mnémos (Icarès) / Folio SF
Date de publication : 2003 / 2007
Synopsis : À Déméter, la monarchie se meurt. Absû Déléthérion, général ambitieux, assassine le vieux roi Yskander et se proclame régent. Pour asseoir son règne, il a besoin de l’armure fabriquée jadis par le Dieu-Forgeron, symbole de la légitimité monarchique : l’Hérakléion. Malheureusement pour le régicide, Égée Seisachtéion, poète et bretteur hors pair, confident d’Yskander, s’empare de l’armure. Aidé du contrebandier Johan Solon, il la cache dans la Canopée, royaume sylvestre réputé impénétrable, où vivrait un héritier au trône. La lutte contre le despote Déléthérion s’engage, inégale, sanglante, désespérée…
Personne ne vit ici, seuls les fous dans votre genre. Vous voilà prisonniers du domaine de la pluie, des parasites, de la boue, des plantes qui poussent en un jour, des arbres qui tombent foudroyés, des talus qui s’effondrent et des gouffres qui apparaissent comme par magie. D’un voyage à l’autre nous ne reconnaissons jamais les endroits par lesquels nous passons. Nous survivons car nous savons la forêt vivante et lui expliquons à chaque pas que nous ne représentons que peu de nourriture pour elle.
Voilà un roman bien atypique que ce « Double corps du roi » qui prend le parti d’un mélange des genres (fantasy-science fiction), et le résultat se révèle au final une très bonne surprise. Il faut dire que le roman est le fruit du talent de non pas un mais deux auteurs : Thomas Day, l’une des figures phares de la fantasy françaises actuelle, ayant déjà à son actif un nombre conséquent d’ouvrages (« Women in chains », « Du sel sous les paupières », « L’instinct de l’équarisseur »…) et Ugo Bellagamba, historien mais aussi écrivain dont la très bonne uchronie « Tancrède » a connu un important succès. C’est donc de la collaboration de ces deux auteurs qu’est né ce roman assez court mais néanmoins très dense. Le lecteur y découvre un monde fortement inspiré de la Grèce antique (tant au niveau de la géographie que des noms employés) dont l’équilibre se retrouve bouleversé par un coup d’état.
L’intrigue peut, certes, paraître basique mais n’en reste pas moins efficace, d’autant plus qu’elle est étoffée par de très bonnes idées, notamment celle de l’Hérakléion, cette fameuse armure à la fois symbole et mémoire de la monarchie. Le principal atout de ce roman reste toutefois l’univers élaboré par les deux auteurs et qui lui se distingue nettement par son originalité et sa richesse. Des palais aux bas quartiers de la ville de Déméter en passant par la forêt luxuriante et mortelle de la Canopée, on peut dire que les décors évoqués ont de quoi éveiller notre imagination et c’est un véritable plaisir de les arpenter et d’en découvrir les coins et recoins. Les personnages sont également très réussis, qu’il s’agisse des protagonistes ou même de ceux que l’on ne croise que très brièvement comme le jeune idéaliste Thésée ou le sage Mamayoun. Le style, enfin, est extrêmement soigné et donne lieu à de très beaux passages et à des dialogues qui sonnent toujours justes.
Une bonne découverte et une association qui fonctionne à merveille. Les deux auteurs ont d’ailleurs également collaboré pour l’écriture d’un autre roman (de science-fiction, cette fois), « L’école des assassins ».