Martha Jane Cannary, tome 1 : Les années 1852 – 1869
Titre : Martha Jane Cannary : Les années 1852 – 1869
Série : La vie aventureuse de celle que l’on nommait Calamity Jane
Scénariste : Christian Perrissin
Dessinateur : Mathieu Blanchain
Éditeur : Futuropolis
Date de publication : 2008
Récompenses : Prix Ouest France (2008). Prix Essentiel à Angoulême (2009).
Synopsis : Martha Jane Cannary est certainement l’une des personnalités les plus connus des États Unis d’Amérique, sous le nom de Calamity Jane. Mais qui est-elle réellement ? Christian Perrissin et Matthieu Blanchin se sont penchés sur les écrits de Calamity Jane, Les Lettre à sa fille, et sur de nombreux autres écrits pour nous raconter la vie de cette aventurière, célèbre, mais assez méconnue, qui a croisé le Général Custer, et dont le grand amour se nommait Wild Bill Hickok. Mais c’est avant tout le portrait d’une femme que les auteurs dévoilent au-delà du mythe dans cette trilogie intimiste à grand spectacle.
Je vais vous dire, MISS CANNARY : vous êtes une véritable calamité, pour ce convoi et pour l’armée des États-Unis toute entière ! Voilà ce que vous êtes : une CALAMITÉ !!!
Figure emblématique de la conquête de l’Ouest, Calamity Jane est de ces personnages dont la légende a pris une telle proportion qu’il devient impossible de discerner la réalité de la fiction. Éclaireur pour l’armée américaine à l’heure des heurts avec les Indiens puis vedette d’un spectacle itinérant consacré à ses propres exploits, il faut dire que le parcours de cette jeune femme est loin d’être atypique ! Proposer un récit cohérent et le plus proche possible de la réalité ne se fait donc pas sans mal, mais Mathieu Blanchin et Christian Perrissin y parviennent brillamment avec ce premier album consacré aux années 1852 à 1869 de la vie de l’aventurière. On y découvre son enfance et ses premiers exploits, jusqu’à sa décision de rejoindre l’Est du pays où l’attendent de nouvelles aventures qui seront relatées dans les deux albums suivants. Tous les événements marquants qui contribuèrent à forger la légende de Calamity Jane sont ici relatés : son premier voyage en convoi avec toute sa famille pour Salt Lake City, la mort de ses parents qui l’oblige à veiller sur ses cinq frères et sœurs, sa décision de partir afin de subvenir à leurs besoins, et enfin le début de sa vie d’aventurière. La jeune femme voyage dans un premier temps seule puis, consciente des risques qu’elle encoure, décide de s’installer à Laramie où elle travaille comme lavandière avant de rejoindre un convoi partant pour Fort Kearney et de traverser le territoire cheyenne, travestie en homme. C’est là qu’elle acquerra le surnom de « Calamité » qu’elle gardera fièrement jusqu’à la fin de sa vie.
Au-delà de l’histoire de Martha Jane Cannary, Mathieu Blanchin et Christian Perrissin brossent un portrait saisissant de l’Ouest américain de la fin du XIXe. Une époque à laquelle les États-Unis sont en fait coupés en deux : d’un côté l’Est, très peuplé et structuré par un réseau d’infrastructures ferroviaires élaboré ; de l’autre l’Ouest sauvage constitué de vastes territoires où seuls quelques forts et relais de poste témoignent de la présence des Blancs et où les tribus indiennes sont encore nombreuses. La bande dessinée nous permet de nous faire une idée un peu plus précise de la vie menée dans les colonies par tous ces hommes et femmes qui se sont lancées à l’assaut de l’Ouest, aussi bien des repris de justice désireux de se faire oublier que des familles entières en quête de l’eldorado, ou encore des militaires accompagnés de leur épouse et stationnés sur tel ou tel fort. Un mélange très hétéroclite qui, comme on peut s’en douter, va rendre la cohabitation un peu difficile. Sans oublier les conditions de vie très rudes dans lesquels ces pionniers doivent vivre : habitations constituées de simples tentes ouvertes à tous les vents ou de cabanes de fortune pour les plus chanceux ; besoin constant d’attendre le ravitaillement, en nourriture aussi bien qu’en matériel ; longueur des liaisons entre les différents postes… (NB : De ce point de vue, la bande dessinée m’a beaucoup fait penser à deux œuvres cinématographiques vues récemment : le film « The Homesman » qui donnait un aperçu glaçant de ce que pouvait être la vie des femmes vivant dans ces territoires sauvages et désertiques de l’Ouest, et la série « Deadwood » qui nous dévoilait presque au jour le jour la création et l’évolution d’une colonie).
Le lecteur prend conscience de la dureté des conditions de vie imposées à ses pionniers non seulement grâce aux personnes ou communautés que l’héroïne rencontre mais aussi par son parcours à elle. Car la vie aventureuse a un prix, et la jeune femme va vite en faire la rude expérience. On l’a voit par exemple obligée de se travestir en homme afin d’échapper aux assauts des hommes (souvent d’anciens criminels désireux d’échapper à la justice), ce qui ne l’empêchera pas d’être malgré tout victime de viol et de nombreuses humiliations. Au-delà de l’empathie ressentie par le lecteur au vue des épreuves traversées par l’héroïne, c’est surtout la personnalité de celle-ci qui la rend attachante. Il faut dire que Calamity Jane a du caractère à revendre ! Maladroite et un peu brusque mais aussi courageuse et déterminée, la jeune femme force l’admiration par son habilité à s’adapter à n’importe quel travail (lavandière aussi bien que cocher) et amuse par son extravagance qui la pousse souvent à l’exagération dès qu’il est question de relater ses propres exploits. Les graphismes sont pour leur part très simplistes, uniquement des coups de crayon qui esquissent des paysages, des formes et les contours des personnages, le tout en noir et blanc. Un choix artistique qui peut légèrement déstabiliser au début mais auquel on se fait rapidement, ce dépouillement n’étant au final pas sans un certain charme et permettant au lecteur de véritablement s’immerger dans le récit et l’histoire de ces personnages qui, pour la plupart, vivent dans un grand dénuement.
Mathieu Blanchin et Christian Perrissin signent avec ce premier album de « La vie aventureuse de celle que l’on nommait Calamity Jane » une bande dessinée de qualité qui ne manquera pas de ravir les amateurs de western. Nul doute que les deux autres volumes qui nous entraînent jusqu’à l’année 1903 sauront se montrer aussi convaincants et aussi passionnants.