Les faibles et les forts
Titre : Les faibles et les forts
Auteur : Judith Perrignon
Éditeur : Stock
Date de publication : 2013
Synopsis : Il a l’air d’un roi, le fleuve. Il est là depuis toujours, rouge à force de creuser l’argile, rivière Rouge, c’est son nom. La nuit, il brille. Le jour, il est plat comme le verre et ne reflète que le ciel, les nuages et les arbres. Il semble ne pas nous voir. Nous sommes une quinzaine, nous venons ici presque chaque jour depuis deux semaines tant la chaleur semble vouloir nous punir, mais il passe, indifférent à nos enfants qui s’élancent, à leurs mères qui disent, Attention au courant, et aux vieilles, comme moi, qui se retranchent à l’ombre sur leurs sièges pliants.
Rien ne trouble le fleuve. Il connaît son sort, il descend l’Amérique et s’en va se noyer dans le Mississippi puis dans la mer. Il est tout petit là-bas dans la mer, mais si grand devant nous. J’ai peur de lui. J’ai l’impression qu’il rit, qu’il rit du pont un peu plus loin qui rouille en ayant cru l’enjamber, qu’il rit de nous aussi, de nos mains et nos pieds incapables de nager, de nos sueurs froides quand passe la police, j’ai l’impression que nous sommes comme les feuilles mortes qui dans quelques mois se détacheront des arbres, poussières dans l’eau.
Tout d’abord un grand merci aux Editions Stock du regretté Jean-Marc Roberts et à Babelio pour cette masse critique. Après le remarqué « Les chagrins » que j’avais beaucoup aimé, le nouveau roman de Judith Perrignon vient confirmer de bien belle manière son talent de romancière. A partir d’un fait divers tragique (la noyade de 6 jeunes adolescents afro-américains), Perrignon construit un récit pour tenter d’expliquer, à travers le portrait d’une famille noire américaine, les véritables causes d’un tel drame. En remontant aux années 60, Marie-Lee la grand-mère, petite fille à l’époque, découvre la bêtise, le racisme lors de la première ouverture d’une piscine municipale aux gens de couleurs. Et si cette interdiction de profiter d’un lieu public et d’y apprendre à nager étaient la cause de cet insupportable gâchis quarante plus tard ? Avec une justesse formidable, Judith Perrignon prête sa plume à ces petites gens, portraits magnifiques d’êtres qui restent dignes et debout malgré les injustices. Puis dans une deuxième partie, elle démontre que si un grand nombre de la population afro ne sait pas nager, cela vient justement de cette insupportable ségrégation subit pendant des décennies.
Un livre bouleversant, chant funèbre et coup de gueule désespéré devant l’inimaginable. A ne pas rater.
Autres critiques : Chroniques d’une lectrice