Toujours le nord

Titre : Toujours le nord
Auteur : Vicki Jarrett
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2025 (avril)
Synopsis : Océan Arctique, , dans un futur proche. Isobel embarque pour une mission d’exploration pétrolière. Alors que des éco-activistes s’opposent à ces forages, elle et son équipe cartographient les fonds marins. Mais bientôt, l’impensable se produit : un phénomène inconnu secoue leur navire et met brutalement fin à leur expédition. Vingt ans plus tard, le monde a basculé. La montée des eaux a transformé l’Écosse en terre d’asile pour les populations déplacées. Isobel tente de survivre quand son ancien coéquipier la met en relation avec un mystérieux centre de recherche. Là-bas, des scientifiques semblent fascinés par ce qu’elle a vécu en Arctique… et par une étrange découverte qui pourrait remettre en question la nature même du temps.
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Une expédition polaire qui tourne mal
Quel meilleur moyen de se rafraîchir en plein été que de lire un roman se déroulant en Arctique ? Isobel est une jeune scientifique travaillant pour le compte d’une entreprise qui met au service de groupes écocides des données leur permettant de continuer à épuiser encore davantage les ressources de la planète. En dépit de sa confrontation avec des militants écologistes et de sa certitude que le monde court effectivement à sa perte, notre héroïne a tendance à adopter l’attitude de l’autruche et à faire son boulot en laissant de côté ses états d’âme. C’est la raison pour laquelle elle accepte sans hésiter de participer à une expédition polaire visant à cartographier les fonds marins pour ensuite revendre les informations glanées à un géant du pétrole, avide de zones de forage encore inexploitées. L’expédition ne va cependant pas se dérouler comme prévu et provoque une réaction en chaîne qui va progressivement plonger le monde dans le chaos. On suit tout au long du roman le personnage d’Isobel mais à deux temporalités différentes : d’abord pendant la fameuse expédition catastrophe, puis après l’effondrement. Le récit est ainsi divisé en trois parties composées respectivement de ces deux périodes puis d’un aller-retour entre l’une et l’autre. Si j’ai globalement bien accroché à la première partie en dépit de légers défauts de rythme, la suite a progressivement douché mon relatif enthousiasme initial au point de me faire décrocher à environ la moitié du roman (que j’ai malgré tout terminé en lecture rapide).
Problèmes de rythme…
Le roman commençait pourtant bien, avec une expédition à priori banale mais au cours de laquelle se multiplient les cafouillages rendant la situation des personnages de plus en plus précaire. Le côté huis-clos fonctionne ici assez bien, d’autant que le malaise éprouvé par le confinement dans un espace aussi restreint que celui du navire s’accompagne d’une désorientation totale provoquée par l’absence de cycle jour/nuit, et donc par une perte des repères temporels. Le profil des membres de l’expédition et la bizarrerie du comportement de certains encouragent quant à eux une certaine paranoïa, renforcée par l’omniprésence en toile de fond de la figure de cet ours polaire terrifiant rôdant sur la banquise tout autour d’eux. Bref, on sent que quelque chose cloche et cette ambiance m’a beaucoup fait penser au roman « Eversion » d’Alastair Reynolds. Malheureusement les choses ne tardent pas à se gâter. En dépit d’un rythme assez lent, on est tout de même curieux de savoir ce qu’il va advenir de l’expédition et surtout quelle est la nature de la catastrophe qu’elle va provoquer. Seulement c’est au moment où tout s’accélère enfin que l’autrice choisit de placer son ellipse et nous entraîne vingt ans plus tard. Le monde a alors radicalement changé : la montée des eaux et l’exacerbation de phénomènes climatiques violents ayant provoqué l’effondrement de tout système étatique digne de ce nom et favorisé l’émergence de gangs de plus en plus violents, ainsi que l’apparition de gigantesques bidonvilles.
… et manque de réponses
On n’en saura hélas guère plus, à la fois sur la cause de la catastrophe que sur la façon dont le monde s’est écroulé. A la place, l’autrice préfère se focaliser sur le projet fou d’une entreprise qui rêve de mettre la main sur ses souvenirs de l’expédition polaire. L’homme à l’origine du projet est une sorte de magnat féru de philosophie et de spiritualité, accompagné d’un scientifique un peu perché à qui on a visiblement ordonné de faire de la rétention d’information. Tout ceci n’est malheureusement pas très intéressant, l’autrice se perdant dans des considérations pseudo philosophiques ennuyeuses pour lesquelles l’intrigue ne semble être qu’un prétexte. Le message écologique est certes intéressant, mais le manque de détails et de réponses au mystère initial l’empêche de prendre toute son ampleur. Les personnages, enfin, peinent à convaincre, à commencer par Isobel dont j’espérais une prise de conscience mais qui évolue finalement assez peu. Égoïste et froide, la jeune femme peine à susciter l’empathie, et il en va de même des personnages secondaires qui restent pour leur part largement sous exploités. L’insistance apportée par Vicki Jarrett aux coucheries de son héroïne est également assez pénible car celles-ci occupent une place démesurée dans l’intrigue par rapport à leur impact véritable sur le récit. Le caractère abrupte de la conclusion et l’absence totale de réponses concernant le sort des personnages développés dans la première partie a fini par avoir raison de ma patience et ne m’a malheureusement pas permis de refermer cet ouvrage sur une note positive.
« Toujours le nord » est un roman de Vicki Jarrett relatant le déroulement d’une expédition polaire menée par une jeune femme ainsi que les conséquences catastrophiques de cette dernière sur le dérèglement climatique. En dépit d’une première partie intrigante, le roman peine à convaincre et se perd dans des considérations peu passionnantes tout en laissant de côté les aspects les plus intéressants de l’intrigue. La dimension écologique du récit en prend ainsi un coup, et ce d’autant plus qu’il est porté par une héroïne assez antipathique et des personnages secondaires fades ou au potentiel inexploité. Dommage…
Autres critiques : ?
