Fantasy

Noon, tome 3 : Le désert des cieux

Titre : Le désert des cieux
Cycle/Série : Noon, tome 3
Auteurices : Laure et Laurent Kloetzer
Éditeur : Le Bélial
Date de publication : 2025

Synopsis : Dans la ville aux mille fumées, rien ne va plus. Le fleuve Hlal se gonfle et déborde, les pauvres grelottent de froid, c’est le temps des combines et de la débrouille. Meg, l’apprentie sorcière, a intrigué pour survivre en l’absence de Noon le magicien et de son compère Yors, conteur et bretteur. Pourtant, Noon garde le sourire ! Le Trône vient de lui confier une mission à sa mesure : restaurer les vieux murs et les antiques sorcelleries qui font tenir le palais. Mais les logiques du pouvoir ne sont pas celles de l’occulte, chose que le magicien va apprendre à ses dépens. D’autant que les effondrements du palais détournent l’attention de ce qui se passe dans les catacombes et du drame qui se joue chez les Fossori, la riche corporation des fossoyeurs. Jusqu’où iront les folies du roi des morts ? Le Désert des cieux est le troisième et dernier volume des aventures de Noon du soleil noir, sorcier libre qui ne craint pas de provoquer des catastrophes pour réparer une injustice.

Une dernière enquête pour la route

Entamées en 2022, les aventures du sorcier Noon et de son garde du corps Yors viennent de trouver leur terme cette année avec la parution du troisième tome : « Le désert des cieux ». La recette a déjà fait ses preuves, et elle fonctionne à nouveau ici, Laure et Laurent Kloetzer nous offrant une nouvelle aventure captivante et bien ficelée inspirée de la fantasy des années 1960-1970. Tout commence par un double meurtre, celui d’un jeune architecte et d’une domestique dont les corps ont été soigneusement dissimulés pour faire croire à une disparition. La thèse de la fuite amoureuse adoptée par tous ne convainc cependant pas l’amante du jeune homme qui décide donc de solliciter l’aide du sorcier le plus en vue de la cité, un certain Noon du soleil noir. Jusqu’à présent cantonné à des enquêtes magiques confidentielles, le jeune magicien dispose depuis plusieurs mois d’une publicité efficace qui lui a permis de multiplier considérablement son nombre de clients et de se faire une excellente réputation. Problème : Noon et Yors viennent tout juste de remettre les pieds dans la capitale après des mois d’absence. Parallèlement à cette histoire, on suit celle du projet fou du chef de la corporation de l’équivalent des pompes funèbres qui a ordonné la construction d’une chambre mortuaire d’une splendeur inégalée afin de l’accueillir lui et trois de ses plus proches compagnons. L’objectif ? Accomplir un rituel oublié censé transformer la chambre en question en éden miniature où tous sont censés vivre dans la félicité pour l’éternité. Le problème ? Le fleuve est en pleine crue et sa montée risque de compromettre l’étanchéité de la chambre, tout en menaçant de détruire le très ancien sortilège qui permet à tout le complexe impérial de tenir debout.

Noon du Soleil noir

Intrigue et sous intrigues

Comme dans les précédents tomes, l’intrigue se révèle foisonnante mais toutes les pièces du puzzle finissent immanquablement par s’encastrer avec satisfaction. Le duo Noon/Yors fonctionne toujours aussi bien, même si ce dernier est ici un peu plus en retrait au profit de Meg, orpheline des rues désormais apprentie du sorcier, ce que j’ai trouvé très plaisant (non pas que Yors ne soit pas un personnage sympathique, mais il est intéressant de voir des personnages féminins jouer un rôle plus important dans cet univers). L’intrigue principale est ainsi régulièrement interrompue par des interludes prenant la forme d’une véritable nouvelle au cœur même du récit et mettant en scène Meg essayant de résoudre différents mystères n’ayant aucun lien avec l’intrigue principale, le tout sans l’aide de son maître. Ces apartés, loin d’être déstabilisants, sont au contraire très appréciables. D »abord parce qu’il s’agit d’enquêtes magiques bien ficelées, et ensuite parce qu’ils permettent d’enrichir un peu plus l’univers de Noon. Le changement de narrateur est également intéressant car Meg et Yors n’ont pas du tout la même façon de s’exprimer, le second cherchant à mettre les formes quand la première opte pour un phrasé plus nerveux et un vocabulaire plus familier. La trame principale est tout aussi intéressante, avec comme d’habitude une alternance entre les événements qui se déroulent dans le monde réel et les actions entreprises par Noon dans une sorte de monde astral où se trouve bien souvent la clé de l’énigme qu’il est chargé de résoudre. La construction de l’intrigue est intéressante dans le sens où les auteurices lèvent le suspens concernant certains aspects du récit très vite. On connaît immédiatement l’identité du meurtrier, on nous explique clairement les tenants et les aboutissants du rituel ainsi que la nature de la menace qui pèse sur lui, si bien que la plupart des enjeux nous sont clairement exposés dès le départ.

Univers foisonnant et personnages convaincants

Les personnages sont pour leur part convaincants, à commencer par le trio de protagonistes qui reprennent des archétypes de la fantasy et du roman policier que les auteurices sont parvenus à se réapproprier efficacement afin d’y apposer leur propre patte. Plusieurs personnages féminins jouent ici un rôle clé dans l’intrigue, et on peut saluer à la fois leur qualité mais aussi la diversité de leur profil. Les personnages secondaires sont également bien campés, ce qui n’est pas rien étant donné leur nombre conséquent qui s’explique par l’existence de multiples trames narratives. L’univers reste quant à lui toujours aussi plaisant, les auteurices parvenant à nous faire comprendre que le monde qu’ils ont créé est bien plus vaste et complexe que ce que l’histoire de Noon et Yors laisse entrevoir. Le voyage des deux compères hors de la cité en est un exemple parfait puisqu’il nous transporte dans de nombreuses régions, dotées chacune d’une histoire, d’un folklore ou d’une ambiance suffisamment bien caractérisés pour servir de cadre à un récit à part entière. Cette richesse rend frustrante l’idée de voir les aventures de Noon s’arrêter ici, même si rien n’exclue un retour à cet univers dans le futur (peut-être par le biais d’un autre personnage…?) Les références à la fantasy des années 1960/1970 et à certains de ses principaux tropes sont nombreuses mais sont là encore remarquablement exploitées pour communiquer un effet nostalgie sans pour autant tomber dans le pastiche vieillot. Le style, enfin, est des plus agréable, avec cette pointe d’humour sous-jacente jamais bien loin et liée aussi bien au regard critique porté par les deux narrateurs sur le comportement de certains de leurs concitoyens, qu’au décalage entre Noon et le reste de l’humanité, le sorcier n’étant pas des plus au fait des conventions sociales.

Troisième et dernier tome des aventures du sorcier Noon et de son acolyte Yors, « Le désert des cieux » met en scène une enquête toujours aussi bien ficelée qui rend un bel hommage à la fantasy de Fritz Lieber, tout en la modernisant. Des personnages nombreux et bien campés, un univers et un folklore foisonnant, sans oublier un sens de la narration efficace : Laure et Laurent Kloetzer signent avec ce troisième tome un roman qui a tout pour plaire aux amateurices de fantasy, au point de leur faire regretter que l’aventure ne puisse se prolonger un peu plus longtemps.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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