Ecowarriors
Titre : Ecowarriors
Auteur/Autrice : Jean-Marc Ligny
Éditeur : Mu
Date de publication : 2024 (octobre)
Synopsis : Il suffit parfois d’un évènement. Fiora voit son mentor terrassé par un tir de LBD lors d’une manifestation pacifique. Le père de Malik décède, lui, dans un accident industriel. Deux jeunes gens face à la violence d’un système : celle de l’État qui justifie son acte, celle d’une entreprise qui se dédouane de sa responsabilité sur un salarié. De leur colère respective va naître, avec quelques autres, les EcoWarriors, un mouvement spécialisé dans l’extorsion des patrons d’entreprises écocides. Mais confronté à la pression constante des autorités et à leurs tensions internes, leur groupe survivra-t-il à l’épreuve de leurs idéaux divergents ?
…
De l’usage de la violence
S’il y a bien une préoccupation qui traverse la plupart des œuvres de Jean-Marc Ligny, c’est bien la catastrophe écologique en cours. Après avoir questionné les enjeux liés à la raréfaction de l’eau (« Aqua ») ou avoir imaginé le futur de la Terre à différents stades dans une trilogie post-apo passionnante (« Exodes » ; « Semences » ; « Alliances »), l’auteur nous livre avec « Ecowarriors » un roman d’anticipation politique et écologique dans lequel on retrouve ses principales marottes. Un roman qui n’est pas tout à fait inédit puisqu’une première version du livre était sorti en 2010 aux éditions Intervista, avant une réécriture presque totale en 2024. Alors, de quoi ça parle ? Jean-Marc Ligny met en scène ici un avenir tellement proche qu’il pourrait presque être confondu avec notre présent. Là, en dépit de la multiplication des catastrophes liées au dérèglement climatique, la vie continue comme avant pour les patrons des grosses entreprises les plus polluantes qui n’ont visiblement aucune intention de renoncer à leurs profits et de mettre fin à leurs activités nocives. Cette absence totale de prise de conscience de la part des politiques et des entreprises va se cristalliser à travers le parcours de deux jeunes de la banlieue lyonnaise qui, en dépit de leurs différences en terme d’origine sociale ou de degré de politisation, vont faire l’amère expérience de l’implacabilité du système capitaliste écocide. La première, Fiora, est une jeune militante membre d’une association écologique pacifiste dont le mentor va être défiguré et paralysé suite à un tir de LBD lors d’une manifestation. Le second, Malik, est un jeune de la cité dont le père, ouvrier dans l’une des entreprises les plus polluantes de la région, va mourir après avoir été envoyé au casse-pipe par son supérieur, provoquant par la même occasion un incident industriel majeur. La rencontre de ces deux personnages révoltés et désespérés va être l’étincelle qui va allumer l’incendie. Car, très vite, un plan germe dans la tête de Fiora et Malik : constituer un petit commando spécialisé dans l’extorsion de grands patrons. C’est la naissance des « Ecowarriors » : six individus aux compétences diverses et variées qui vont à eux seuls parvenir à faire vaciller le système.
Un thriller palpitant
Je ressorts mitigée de cette lecture qui m’a tour à tour captivée ou agacée, même s’il faut reconnaître au roman un côté un peu addictif qui incite à avaler rapidement ses presque six cents pages. Parmi les points positifs figure donc le sens de la mise en scène de l’auteur qui signe avec « Ecowarriors » une sorte de thriller écologique palpitant puisqu’on suit en parallèle les actions menées par ce petit groupe d’activistes, mais aussi l’avancée de l’enquête du duo de policiers/policières chargés de l’arrêter. Difficile dans ces conditions de ne pas se prendre d’intérêt à la fois pour la préparation minutieuse et la réalisation des opérations coups de poing des Ecowarriors, mais aussi pour la progression des recherches des enquêteurs qui font planer une menace permanente sur les personnages, instaurant un climat de tension et de curiosité propice à la poursuite de la lecture. Sans surprise, on peut également saluer la qualité de la documentation scientifique de l’auteur qui nous livre en filigrane de son récit un constat plus qu’alarmant concernant la situation actuelle de la planète, même si, contrairement à ses précédents romans, cet aspect reste en toile de fond pour donner toute sa place à la dimension politique de la réflexion. On peut à se sujet saluer l’intelligence dont fait preuve Jean-Marc Ligny en usant du plus de nuances possibles et en se gardant d’émettre un avis tranché sur l’épineuse question du la pertinence du recours ou non à la violence. Plusieurs points de vue sont représentés, y compris au sein des Ecowarriors, ce qui permet aux lecteurices de s’interroger sans se voir asséner brutalement les opinions de l’auteur qui se contente ici d’insister sur la nécessité d’un changement d’ampleur pour tenter d’endiguer la catastrophe écologique, sans prendre parti sur la question des moyens pour le faire. Enfin, on peut saluer le réalisme avec lequel Jean-Marc Ligny relate la façon dont industriels, politiques et médias réagissent face à un événement comme celui mis en scène au départ qui n’en devient ainsi que plus réaliste.
Improbabilités et traitement des personnages féminins
Ce qui paraît moins réaliste en revanche, c’est la façon dont se monte le groupe des Ecowarriors ainsi que leurs opérations. On prend pourtant plaisir à suivre ces dernières, à assister à la mise en place minutieuse de leur plan et à les voir gérer les imprévus, seulement tout cela reste très improbable. Non pas parce que les cibles de ces activistes seraient véritablement intouchables, mais parce que, compte tenu du laps de temps limité et de leurs compétences de base, tout cela paraît totalement impossible. Certes, les compétences en hacking de l’une et la connaissance des arcanes du grand banditisme de l’autre permettent de comprendre comment le groupe peut se permettre de rêver aussi gros, mais on a du mal à croire que les quatre autres, n’ayant aucune expérience de la violence ou de la clandestinité parviennent à se transformer aussi vite et aussi efficacement en membres d’un commandos d’élite. J’ai également été gênée (comme souvent chez l’auteur) par le traitement des personnages féminins, à commencer par Fiora qui est hypersexualisée en permanence. L’auteur s’attarde en effet sans arrêt sur son physique de rêve et multiplie les « séances de baise » la mettant en scène. Le pseudo triangle amoureux Malik/Fiora/TitNat figure pour cette raison parmi les aspects du roman qui m’ont déplu dans la mesure où il n’est là que pour permettre à l’auteur de multiplier les scènes de sexe qui sont non seulement inutiles pour l’intrigue mais finissent par occuper une place franchement disproportionnée dans le dernier tiers où ça vire à la partie de jambes en l’air toutes les dix pages, y compris dans des circonstances totalement ubuesques. Enfin, j’ai trouvé la conclusion un peu bâclée, certaines questions demeurant en suspens, notamment le sort de quelques personnages qui disparaissent brutalement de la scène.
Dans « Ecowarriors », Jean-Marc Ligny signe un thriller écologique palpitant dans lequel il imagine la formation d’un groupe d’activistes se spécialisant dans l’extorsion de patrons d’entreprises écocides dans le but de déciller leurs concitoyens sur la catastrophe écologique et la nécessité d’agir. Le roman est bien construit, avec peu de temps morts et une alternance astucieuse entre l’enquête policière et le montage des opérations coups de poing. L’ouvrage souffre tout de même d’un certain nombre de défauts, à commencer par l’improbabilité de l’efficacité d’un groupe composé de membres aussi novices, sans oublier le traitement réservé à l’héroïne et la surabondance de scènes de sexe inutiles qui plombent le dernier tiers.
Autres critiques : ?
2 commentaires
L'ours inculte
J’hésitais parce que j’avais bien aimé un autre de ses romans, mais la partie sur l’hypersexualisation et les galipettes toutes les 10 pages, non merci !
Boudicca
Désolée de doucher ton enthousiasme ^^