Le Cycle de Syffe, tome 4 : La maison des veilleurs
Titre : La maison des veilleurs
Cycle/Série : Le Cycle de Syffe, tome 4
Auteur : Patrick K. Dewdney
Éditeur : Au diable Vauvert
Date de publication : 2024 (mai)
Synopsis : …
Nous nous trouvions plus que jamais à un moment critique, et pour Aidan Corjoug, il s’agissait désormais d’enfoncer le clou. Il me semblait évident que si j’avais été appelé au château, c’était en ma qualité de marteau.
Mercenaire au service du primat
Six ans après nous avoir époustouflé avec « L’enfant de poussière, premier tome de ce qui deviendra « Le cycle de Syffe », Patrick K. Dewdney revient avec un quatrième tome dans lequel il développe toujours un peu plus son personnage ainsi que l’univers dans lequel il évolue. [Attention SOILERS : si vous n’avez pas eu l’occasion de vous pencher sur les précédents volumes, je vous conseille de passer directement au paragraphe suivant au risque de vous voir révéler certains pans de l’intrigue.] Nous retrouvons donc Syffe là où on l’avait quitté à la fin de « Les chiens et la charrue », à savoir au service du primat de Bourre, Aidan Corjoug, qui l’a sorti de ses geôles pour en faire le chef d’une petite troupe d’élite à qui il pourrait confier les missions les plus délicates. Pour le moins hétéroclite, la petite bande a déjà connu de beaux succès et s’est forgée une sacrée réputation bien au-delà des frontières de Bourre. Et ils ont encore du pain sur la planche, car les ennemis de l’ambitieux primat ne manquent pas. Parmi eux, la ligue de Franc-Lac, hostile à la volonté unificatrice de ce dernier et bien décidée à contrecarrer ses plans. Or, si Syffe se retrouve à nouveau entraîné dans les intrigues de cour et les conflits plus ou moins ouverts entre primautés, il ne perd pas de vue qu’il ne s’agit là que de chicaneries sans importance et qu’un bien plus grand danger les menace. Le mercenaire joue ainsi sur deux tableaux, tentant à tout prix de conserver les bonnes grâce d’Aidan (auquel il s’est sincèrement attaché), non pas dans le but de servir Bourre, mais dans celui de venir an aide aux Épones, ces guerrières qui se retrouvent malgré elles en première ligne face au péril terrible qui s’annonce, et qui ont a tout prix besoin de trouver un endroit plus sûr pour éviter à leur peuple de disparaître. Mais comment faire comprendre à son ami et seigneur que toute la politique subtilement élaborée et patiemment mise en œuvre depuis des années doit être abandonnée et tournée vers un nouvel objectif, qui plus est assez nébuleux ?
« -Vous savez, je pense que grâce à vos conseils et à ceux de dame Nivreroche, je réussirai peut-être à être un bon roi ». « Il n’y a pas de bons rois », lui répondis-je lorsqu’il me lâcha. « Et il n’y en aura jamais. » J’avais adouci le ton pour lui asséner ces duretés, mais je les avais assénées tout de même.
Un univers de plus en plus riche
Sans surprise, ce quatrième tome des aventures de Syffe se révèle aussi haletant et enthousiasmant que les précédents. On retrouve avec grand plaisir la plume toujours aussi élégante de Patrick K. Dewdney, de même que son univers qui ne cesse de s’étoffer encore un peu plus. Par le biais des missions confiées par la primauté de Bourre, notre mercenaire est en effet amené à se déplacer ou à rencontrer des personnes issues d’horizons très divers, ce qui nous permet de découvrir de nouveaux pans de la carte imaginée par l’auteur. Une grande importance est chaque fois accordée aux spécificités des cultures évoquées, que ce soit en terme de fonctionnement politique ou de coutumes, ce qui contribue à renforcer l’immersion et donne l’impression d’évoluer dans un monde tangible et crédible, et non pas un simple décor de carton-pâte. L’intrigue évolue pour sa part selon le même rythme, alternant de longues périodes de tranquillité permettant au personnage de se livrer à l’introspection et au lecteur de savourer sa familiarité nouvelle avec les personnages et les lieux au coeur de l’intrigue, périodes interrompues par des coups de théâtre épisodiques qui viennent tout chambouler et rebattre les cartes. L’intrigue de ce quatrième tome est d’autant plus intéressante qu’elle permet enfin de rattacher certaines pièces du grand puzzle que constitue le parcours de Syffe à l’intrigue principale. C’est l’occasion pour l’auteur de revenir sur un certain nombre d’aspects laissés en suspens dans le deuxième tome, notamment en ce qui concerne la principauté de Vaux dont il sera à nouveau question ici sous un jour inattendu. La qualité de l’intrigue se mesure aussi à celle de la réflexion proposée par Patrick Dewdney qui, sous couvert d’une fantasy en apparence relativement classique en terme de décor, rompt néanmoins assez radicalement avec la vision politique généralement véhiculée dans ce type de récit.
Sur tous les continents connus on pouvait dépouiller chaque seigneur, chaque nation de ses lois, de ses drapeaux de ces oripeaux qui déguisaient le pouvoir, en dessous il n’y avait jamais rien d’autre que la violence. J’avais la conviction que les puissants n’avaient pas le monopole de cet outil là. S’il pouvait servir à asseoir vanités et privilèges, on pouvait tout aussi bien en user pour s’en défaire.
Un propos très politique
Les thèmes et concepts de l’anarchisme sont ainsi au coeur de l’oeuvre de l’auteur qui, à l’image d’une Margaret Killjoy, utilise la fantasy comme d’un outil pour mettre en lumière les rapports de domination et réfléchir à une manière de les dépasser. Cela se traduit notamment par le recul que manifeste le personnage dès lors qu’il est question d’évoquer le fonctionnement politique de Bourre, et des primautés en général. Un fonctionnement fondé sur une société très hiérarchisée et aucunement démocratique, quand son éducation le pousse au contraire à rejeter toute forme de domination et à trouver des solutions dans la discussion et le consensus. L’auteur propose dans les différents tomes de sa série plusieurs autres modes de fonctionnement, dont certains radicalement opposés à celui des principautés. La question, toujours présente en arrière-plan depuis le début de la série, devient ici d’autant plus cruciale qu’elle conditionnera le chemin emprunté par Syffe, et par conséquent l’avenir de la compagnie. Ainsi, si l’essentiel de l’histoire se focalise effectivement sur des intrigues de cour, des conflits larvés entre vieille garde conservatrice et jeunes ambitieux, ou des guerres ouvertes entre principautés rivales, il n’en reste pas moins que le protagoniste appréhende tous ces enjeux avec une circonspection et un recul qui invitent le lecteur à les aborder à son tour avec davantage de regard critique que d’ordinaire.
« La maison des veilleurs », quatrième volume du « Cycle de Syffe », est un roman aussi remarquable que ses prédécesseurs qui permet à l’auteur d’enrichir toujours un peu plus son univers tout en continuant à creuser la psyché de son personnage. Si certains pans des intrigues précédentes pouvaient paraître quelque peu brouillonnes car en apparence déconnectées de la trame principale, tout ce met ici efficacement en place et donne irrémédiablement envie de poursuivre l’aventure (qui se termine une fois encore avec un cliffhanger du plus bel effet). Bref, vivement la suite !
Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 3
Autres critiques : ?
4 commentaires
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Tachan
N’ayant que lu (mais adoré) le tome 1 à sa sortie et attendant la suite pour embrayer, je suis toujours ravie de lire que l’univers s’enrichit en étant fidèle à lui-même et en développant les de belles surprises. Pour l’instant je stocke comme une écureuil mais j’espère dans quelques années pouvoir lire l’ensemble de ce cycle si qualitatif.
Boudicca
Je pense que c’est une bonne tactique de tout lire d’un coup mais je ne suis pas assez patiente 😉 En tout cas la qualité est toujours au rendez-vous oui !