Avant la forêt
Titre : Avant la forêt
Auteur/Autrice : Julia Colin
Éditeur : Aux forges de Vulcain
Date de publication : 2023 (août)
Synopsis : Dans un monde à bout de souffle, l’économie s’effondre et les grandes villes se vident, relâchant sur les routes des familles à la recherche de protection et de nourriture. Elie, ses parents et Calme, une amie d’enfance désormais orpheline, s’installent à Massat, au coeur d’une vallée des Pyrénées, protégée depuis longtemps de la folie du monde. Les gens y vivent d’entraide et de troc. Il y a un maire, de l’eau potable et un peu d’électricité. Elie rejoint la Milice, le services d’ordre formé par les jeunes, tandis que Calme plonge dans la forêt. Et, peu à peu, deux mondes vont s’affronter : la Nature et les humains, incapables de se libérer de leur violence.
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Un oasis dans une France en ruines ?
Pour son premier roman, Julia Colin opte pour un récit à mi chemin entre l’anticipation et le fantastique. Tout commence avec Elie, adolescent lambda dans une France en pleine déliquescence, et par son départ de Paris avec sa famille. Également accompagné de sa meilleure amie, Calme, et de ses parents, le jeune garçon traverse le pays afin de rejoindre un oncle à Lyon où, paraît-il, la situation est un peu moins mauvaise qu’ailleurs. Très vite, le quotidien en ville devient intenable, les poussant à reprendre leur route vers une nouvelle destination : le petit village isolé de Massat, relativement bien protégé de la violence grimpante parce que situé au cœur d’une vallée des Pyrénées. Ici, on n’a pas attendu que l’état et l’économie se cassent la figure pour basculer dans le système D : le village a son propre modèle économique, son fonctionnement politique, et même sa milice qui aide aux gros travaux et veille à ce que les engagements pris soient respectés. Pour Elie et ses parents c’est à la fois une découverte enthousiasmante et une grosse désillusion. Enthousiasme, d’abord, parce que les voilà enfin à peu près à l’abri et que les gens sur place ont l’air de bonne volonté. Désillusion, malgré tout, parce que la maison pour laquelle ils disposent d’un acte de propriété est totalement en ruine, et que les règles de trocs et d’entre-aide sur place sont suffisamment strictes pour retarder la rénovation du bâtiment jusqu’à l’hiver, qui pourrait s’avérer mortel. A cela s’ajoute une autre problématique, plus inquiétante encore : le cas de celle qu’il considère comme sa sœur, Calme, qui ne s’est pas remise de la disparition tragique de ses parents et qui vit très mal la présence de cette milice menée par la fille du maire du village. Pourtant, la jeune fille semble avoir trouvé sa place à Massat, non pas auprès des habitants du village, mais dans cette forêt à l’orée de laquelle la maison a été bâtie. Très vite, cette dernière parvient à entrer en symbiose totale avec son environnement, s’éloignant par la même du monde des hommes et de leur violence qu’elle a de plus en plus de mal à supporter.
Un contexte difficile mais porteur d’espoir
« Avant la forêt » est un roman à l’intersection de plusieurs sous-genres de l’imaginaire à même de séduire un large lectorat grâce à ses nombreuses qualités. Le cadre dans lequel se déroule le récit, d’abord, est intéressant dans la mesure où il dresse un portrait d’une France pas si futuriste que cela et surtout plutôt réaliste. Ici, pas d’apocalypse à la « Walking dead » ou de grosses catastrophes responsables de l’effondrement soudain de notre civilisation. On a plutôt affaire à un mouvement lent, un délitement économique, d’abord, qui oblige l’état à se désengager de nombreux secteurs comme l’éducation ou encore les transports, mais qui le pousse tout de même à maintenir sur le territoire une armée bien équipée capable d’intervenir pour mater les poches de rébellions qui se multiplient. Le manque de plus en plus criant de ressources reste le problème principal, qu’il s’agisse de nourritures ou d’essence, ce qui encourage des comportements de plus en plus violents d’individus qui n’hésitent pas à se regrouper en bandes et à s’affranchir de tout cadre légal. On assiste au cours du périple d’Elie et sa famille à une montée en puissance de cette violence et au basculement du pays vers l’inconnu, avec des sortes de cités-états contrôlées par des forces armées ou des mafias et de plus en plus de gens désespérés jetés sur les routes. Si le portrait de cette France potentiellement à venir est loin d’être idyllique, le roman n’est pas non plus totalement sombre, loin de là. En effet, si l’autrice décrit avec acuité les travers de l’humanité et la violence qu’elle est capable de déchaîner, le récit se focalise aussi beaucoup sur ses capacité d’adaptation et sur la relation nécessaire et bénéfique qu’elle peut entretenir avec son environnement naturel. Certes, le personnage a échos de l’évolution de la situation hors de Massat et est même directement confronté aux conséquences de certains de ces événements, mais l’essentiel de son quotidien concerne ses relations avec les villageois, l’avancée des travaux de restauration du terrain et de la maison qui est désormais celle de sa famille, ainsi que la nature de sa relation avec celle qu’il appelle sa « presque soeur ».
Une galerie de personnages attachants
En dépit du contexte difficile « Avant la forêt » n’est donc absolument pas un roman mettant en scène une vision du futur désespérée. Le récit se révèle même par certains aspects très lumineux, et cela tient beaucoup à la personnalité de son protagoniste. Elie est en effet de ces personnages bienveillants et chaleureux auprès desquels on aime cheminer. Le jeune homme se caractérise par une grande bonté et par une certaine candeur rafraîchissante, ce qui ne l’empêche pas de faire preuve de finesse dès lors qu’il s’agit de cerner les personnes de son entourage et du village. Tous bénéficient d’ailleurs d’un portrait soigné, l’autrice se montrant assez habile pour laisser entrevoir la vulnérabilité ou les contradictions de chacun, ce qui ne fait que les rendre plus attachants. Le mode de vie dépeint ici est également porteur d’espoir, même si Julia Colin se garde bien de vendre une image idyllique d’un retour à la nature et d’une mini-société vivant en parfaite autarcie et harmonie. Certes, certains aspects du fonctionnement de Massat sont intéressants, comme le système de troc ou la volonté de privilégier le bien commun, mais tout est loin d’être rose, et cette volonté de ne pas passer sous silence les erreurs ou les dissonances du modèle de société présenté participe à le rendre plus crédible. Le récit est globalement fortement imprégné par la thématique écologique, mettant en avant la faune et la flore locale qui occupent une place prépondérante dans le quotidien et cessent de n’être qu’un élément du paysage pour devenir des acteurs de l’intrigue à part entière.
« Avant la forêt » est un premier roman enthousiasmant qui raconte l’arrivée d’un adolescent et de sa famille dans un petit village isolé, le tout dans le contexte d’une France futuriste en plein délitement. A ce cadre violent et sombre vient se superposer celui de la forêt et de la communauté de Massat qui permet de prendre une grande bouffée d’air frais et de réfléchir au rapport que nous entretenons avec la nature tout en mettant en scène un modèle d’organisation sociale différent. Une vraie réussite.
Autres critiques : …
Un commentaire
Jean-Claude ROUQUET
Bonjour à l’équipe,
Je vois que vous avez retenu l’aspect ”idyllique ” du roman. Perso, ce que j’ai retenu c’est une certaine noirceur des êtres. Derrière l’apparence sympathique d’une société qui s’est refermée sur elle même, c’est la violence sous jacente pour se sauvegarder ! Elle en oublie les autres et son environnement.
La France décrite rappelle des épisodes douloureux de l’Histoire, notamment l’Exode des populations vers un avenir moins noir pensent elles. Mais partout il y corruption, milices, pègre mafieuse. Notamment l’arrivée à Marseille où vit l’oncle.
Le personnage lumineux reste Calme, la jeune fille. Qui va trouver la sérénité magique au sein de l’environnement de la faune et de la flore. Et comprendre inconsciemment,
son héritage familial.
Le roman , en tout cas, est d’un accès facile pour un lectorat large. Je recommande !