Fantasy

Le Silence des carillons

Le Silence des carillons

Titre : Le Silence des carillons
Auteur : Édouard H. Blaes
Éditeur : ActuSF (Bad Wolf) [site officiel]
Date de publication : 22 février 2023

Synopsis : Ermeline Mainterre s’est promis de devenir une magicienne dont chacun connaîtrait l’existence. Pour cela, elle ne reculera devant rien. Pas même lorsque le monde connaîtra sa perte.
La lumière du soleil ne traverse pas la Brume, à Tinkleham. Contre la menace des Spectres qui planent aux abords de la ville et font disparaître ses habitants sans laisser de traces, les mages du Beffroi apprennent à manier les carillons pour les repousser. Ermeline a choisi cette voie et compte bien devenir la meilleure de tous, portée par ses rêves de grandeur, à la fois fascinants et terrifiants.
Mais les Spectres ne sont pas le plus grand péril en vue. Ermeline réussira-t-elle à graver son nom dans l’histoire ? Jusqu’où ira-t-elle pour devenir inoubliable ?

Grâce à la fille au carillon, le tonnerre du Beffroi grondera de nouveau et les Spectres fuiront devant son chant !

Comme chaque début d’année, ActuSF (avec ses consœurs des Indés de l’Imaginaire, Les Moutons électriques et Mnémos) dégote une pépite à faire découvrir, souvent des premiers romans. En ce début d’année 2023, ActuSF met en lumière Édouard H. Blaes dont Le Silence des carillons est le premier roman. Il a toutefois déjà été reconnu pour au moins une nouvelle, « Ventreille », lauréate du prix Imaginales 2022.

Belfry Legacy

Ermeline Mainterre est la fille d’un entrepreneur possédant un moulin et désirant développer des nouvelles technologies, notamment des moteurs pour de nouveaux transports. Dans les quartiers périphériques de la petite ville proto-industrielle de Tinkleham, sa famille fait figure de notable. Elle a perdu sa mère à sa naissance, son frère est prêt à reprendre l’affaire paternelle et elle a l’opportunité d’être recrutée par la Loge, la corporation magique de Tinkleham. Toute cette ville s’est recentrée autour du bâtiment central, détenu par la Loge, le Beffroi. Celui-ci accueille les magiciennes et magiciens qui permettent de faire fonctionner les cloches du Beffroi : en effet, Tinkleham est sous la menace constante de Spectres qui ont la manie frénétique de faire disparaître les gens dans d’atroces souffrances, la Brume occultante (pas de soleil apparent) et les sorts tissés par les magiciens et magiciennes de la Loge permettent de les retenir. C’est dans cette corporation qu’Ermeline compte bien réussir sa vie, car s’il y a bien une question à laquelle elle compte bien donner une réponse très ambitieuse à mettre dans toutes les bouches, c’est « Qui est Ermeline Mainterre ? », avec des moments de gloire et de réussite publique si possible. Et si l’avenir du Beffroi est en jeu tant mieux du moment qu’elle peut montrer son savoir-faire.

Initiation magique

Nous suivons avant tout la progression initiatique, scolaire d’Ermeline au sein de ce Beffroi. Sorte de Poudlard en moins rigide et moins fréquenté, ce lieu ressemble à une tour de l’extérieur, mais se révèle bien plus labyrinthique à l’intérieur, puisque chaque initié·e peut, avec de la volonté, maintenir des « bulles », des salles entières, pour agrandir cet édifice magique. Le système de magie est finalement assez simple, avec quelques objets particuliers qui permettent de varier un peu les choses ; mais l’essentiel est tout de même centré sur le chant entonné en chœur par ces spécialistes pour faire tinter et résonner des cloches de toutes tailles : c’est ce phénomène, qu’il convient de maintenir constamment depuis le haut du Beffroi, qui permet de maintenir la paix sur Tinkleham et de repousser les Spectres. Ces choix font qu’Ermeline, une fois franchi les quelques lieues qui séparent son quartier de naissance du centre comportant le Beffroi, ne bouge plus du tout, elle est cantonnée à Tinkleham, et surtout à la place qui contient ce fameux Beffroi, et surtout pas plus loin ! C’est l’intérieur du bâtiment qui procure, en plus des quelques cours, certaines aventures ou périls au personnage principal : de nouveaux amis très vite mis en danger, des amourettes bien passagères et des relations avec les Magisters ou l’Archantre lui-même un brin tendues.

Une ambiance qui se cherche

Une fois passés les débuts du roman où la mise en place est intéressante, l’ambiance du roman se cherche et aurait pu partir dans de nombreuses directions. Il y a une certaine ambition d’écriture, qui renvoie d’ailleurs à l’ambition de la protagoniste, mais cela retombe comme un soufflet quand on ne sent pas venir les raisons pour justifier cela. Il y a sûrement un cap à passer pour faire d’une bonne idée avec des ramifications intéressantes un bon roman dense et copieux. En effet, il y a quelques passages dans les cent premières pages qui font appel à des thématiques très sociales : l’arrivée de cette fille de bourgeois dans un centre-ville un peu étranger, un peu hostile pose des questions sur l’appartenance de classe, surtout quand des classes sociales différentes se côtoient dans les dortoirs du Beffroi (différences sociologiques entre Ermeline et son amie Justine) ; de même, un moment violent pour la protagoniste fait poindre la notion féministe de consentement, sans pour autant que ça n’aille plus loin non plus, ce qui peut paraître étonnant pour cette collection Bad Wolf qui a déjà porté des titres qui prenaient cette considération à bras-le-corps (Grish-Mère, Boudicca pour n’en citer que deux). Passé le premier tiers donc, il y a la tentation de faire une transition plutôt vers un roman d’action ou d’enquête, quand bien même on revient régulièrement à l’ambition d’Ermeline, qu’on a du mal à justifier vraiment) et ses réflexions intérieures (le récit est d’ailleurs tout du long à la première personne), nous empêchant de découvrir vraiment le monde alentour. Enfin, plein d’explications sur l’origine des Spectres, du Beffroi lui-même, de la relation entre la corporation magique et le reste de la population ainsi que sur bien d’autres aspects de la cité de Tinkleham nous sont encore inconnues.

Le Silence des carillons est donc avant tout un roman sympathique, mais qui aurait pu nous emmener bien plus loin dans la réflexion et l’aventure en saupoudrant un peu des thématiques intéressantes mais trop peu abouties.

Autres critiques :
Amanda (Les Fantasy d’Amanda)
Célindanaë (Au pays des Cave Trolls)
Fantasy à la carte ; L’ours inculte

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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