La cité exsangue, tome 2 : Flamboyance
Titre : Flamboyance
Cycle/Série : La cité exsangue, tome 2
Auteur : Mathieu Gaborit
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2022 (avril)
Synopsis : Abyme, la cité baroque et grandiose n’est plus que l’ombre d’elle-même. Terne et défigurée, elle s’étiole sous le joug de lois austères et liberticides. Mais Maspalio, célèbre Prince-voleur revenu des Abysses, ne compte pas laisser sa cité périr. Au sein du labyrinthique et sulfureux quartier des Mille Portes, il a découvert que la révolte grondait dans les entrailles de la ville. Le vieux farfadet, aidé par une ogresse et cinq gamins des rues, se relève pour défier le pouvoir implacable et rendre à la Cité des Ombres son âme perdue. Exaltant, poignant, démesuré, tragique, et surtout, flamboyant, ce récit d’une rare puissance conclut l’un des plus grands cycles de la fantasy française. Habité par ce souffle enlevé et ardent, Mathieu Gaborit nous livre un dernier tome audacieux et épique au style prodigieux de poésie, à l’image de son univers dont les images ont marqué au fer rouge l’imaginaire de nombreux lecteurs depuis plus de vingt ans.
Elle était là, sans aucun doute possible. La Mufle observa un moment l’étrange silhouette humanoïde assise sur la margelle de la fontaine circulaire, surmontée en son centre d’une vasque de bronze. Composé exclusivement de parchemins froissés, brûlés ou roulés en boule, le corps évoquait les formes vagues d’une femme gironde à la chevelure abondante. Sa « peau » révélait des milliers de mots éparpillés et semés d’auréoles de Morabie ou de larmes et de sueur. Elle était une créature constituée exclusivement de manuscrits et de lettres reniées par leurs auteurs. Affublée parfois du surnom de Contre-Muse, la Dame Froissée palpitait d’échecs et de frustrations.
Suite et fin des aventures de Maspalio
En 2018, Mathieu Gaborit revenait à l’univers qui a fait son succès, vingt ans après « Agone » et « Aux ombres d’Abyme ». Ce retour dans les Royaumes crépusculaires c’était avéré particulièrement réussi, puisque l’auteur était parvenu en très peu de pages à nous faire ressentir la flamboyance de son univers tout en mettant en scène une nouvelle galerie de personnages convaincante. Il aura fallu quatre ans entre ce premier tome de retrouvaille et la seconde partie de ce qui sera donc un diptyque. Quatre ans, c’est long. Surtout lorsqu’on se rend compte que le second volume se situe dans la droite lignée du premier, sans interruption temporelle ou narrative justifiant d’un tel découpage. Difficile dans ces conditions de se remettre dans le bain tant on a l’impression de rattraper un train en marche. Le découpage est d’autant plus déroutant que chaque tome fait environ deux cent cinquante pages, et qu’on aurait donc tout à fait pu imaginer qu’ils soient réunis en un seul ouvrage, ce qui aurait été bien plus cohérent. Mais passons sur ces considérations d’ordre éditorial. Nous retrouvons donc ici la cité d’Abyme que le farfadet Maspalio, héros des précédentes aventures de l’auteur, avait quitté il y a longtemps afin de se retirer dans les Abysses. A son retour, notre protagoniste vieillissant découvre une ville méconnaissable suite à l’entreprise d’assainissement impulsée par l’Acier. Terminé, le joyeux bordel qui régnait dans la cité, avec ses démons, ses traditions et ses institutions emblématiques. La religion est passée par là et est en passe de tout « purifier » : Abyme a progressivement été mise au pas, et il ne reste plus aux partisans de la Cure qu’à mettre leur plan à exécution jusqu’au bout pour venir à bout des dernières résistances. [Attention, si vous n’avez pas eu l’occasion de lire le premier volet, la fin de ce paragraphe contient des spoilers.] Tout va donc mal pour Maspalio et ses alliés qui, en dépit du coup de force réalisé par ce dernier à la fin du précédent tome, sont en passe d’être vaincus : Mèche a été enlevée par la mystérieuse Vingt-Cinquième Heure, les orphelins de Cyre se retrouvent livrés à eux-mêmes et voient de vieux démons resurgir, quant aux rebelles qui tentent de s’opposer à l’assainissement de la ville, ils se terrent dans un recoin secret de la Cité des Ombres.
La fin d’une époque
Difficile à nouveau de ne pas être saisi par le charme qui se dégage de la plume de Mathieu Gaborit. L’univers est toujours aussi attrayant et mystérieux, l’auteur parvenant à enflammer l’imagination par la simple évocation du nom d’un quartier ou d’une institution abymoise. Le terme de flamboyant, qui revient souvent pour qualifier son univers (et qui donne même son nom à ce second volume), est à nouveau tout à fait approprié ici, de même que celui de crépusculaire. C’est en effet à la fin d’une époque que nous convie l’auteur, avec son lot de bouleversements, de drames et de destructions. On est à nouveau séduit par une multitude de petites trouvailles qui contribuent à donner de l’épaisseur au monde imaginé par Gaborit, dont certaines particulièrement ingénieuses (l’idée des tableaux-monde est par exemple très poétique, de même que celle de la Dame froissée). Les personnages sont attachants, même si la multiplicité des points de vue sur un nombre aussi restreint de pages ne permet pas de passer avec chacun suffisamment de temps pour les cerner tout à fait. Le cas des orphelins, notamment, est embêtant puisqu’on prend beaucoup de plaisir à suivre leur cheminement personnel afin de venir à bout des démons de leur passé, tout en ayant l’impression que ces bouts de vie ont été artificiellement rattachés au reste de la narration. Maspalio se fait plus discret dans ce tome-ci tandis que d’autres figures prennent au contraire davantage de lumière. Les « méchants » de l’histoire sont pour leur part très caricaturaux, puisqu’on n’échappe pas au fanatique dénué de scrupules et capable des pires cruautés. Difficile aussi de se départir du sentiment que tout le roman n’est en fait qu’une longue conclusion puisque l’action est extrêmement limitée dans le temps et qu’il s’agit avant tout de faire se rejoindre toutes les trames narratives évoquées jusqu’à présent. En dépit de l’attrait exercé par les personnages et l’univers j’ai par conséquent eu du mal à me sentir véritablement concernée par le récit, comme si je lisais les toutes dernières pages d’une histoire trop d’années après l’avoir découverte. Certes, l’intérêt est toujours là, mais les émotions, elles, sont émoussées.
Résultat en demi-teinte, donc, pour ce second tome qui met fin aux aventures de Maspalio dans la cité d’Abyme. L’univers de Mathieu Gaborit est toujours aussi envoûtant et prompt à enflammer l’imagination, mais le roman pâtit de son découpage en deux volumes, de même que du long temps d’attente qui a séparé les deux parutions.
Voir aussi : Tome 1
Autres critiques : ?
2 commentaires
Baroona
Est-ce qu’au moins il y a un résumé au début de ce tome ?
Boudicca
L’intrigue du premier tome est très rapidement esquissée au début…