Fantasy

La Horde du Contrevent, tome 3 : La flaque de Lapsane

Titre : La flaque de Lapsane
Cycle/Série : La Horde du Contrevent, tome 3
Scénariste et dessinateur : Éric Henninot (d’après le roman d’Alain Damasio)
Éditeur : Delcourt
Date de publication : 2021

Synopsis : La Horde, menée d’une main de fer par son traceur, entame la traversée de la Flaque de Lapsane, dont nul n’est jamais ressorti vivant. Une épreuve pour tous, sans compter que la saison des pluies approche et que Callirhoé a secrètement décidé de garder son enfant. Pour Sov, qui doit tout à la fois la protéger et maintenir la cohésion du groupe, l’épreuve de vérité approche…

C’est la petiote qui chiale, c’est ça ? Ça a le feu au cul mais ça sait plus l’allumer sous la flotte, hein ? Pour la labourer grandes largeurs, y a du monde au portillon, et elle se fait pas prier, mais dans sa version cul-de-jatte, elle fait moins recette on dirait … Ils sont où les laboureurs, la bande de bouche-trous ? Faut assumer, les bitards ! Faut payer sa passe maintenant ! C’est le moment ou jamais… Les Silamphre, les Talweg, les Fifi, les Larco ! Vous attendez quoi pour la porter ? Qu’elle vous taille une pipe ?

La Horde menacée de l’extérieur…

Deux ans après la parution du deuxième volume de l’adaptation en bande dessinée du roman d’Alain Damasio « La Horde du Contrevent », Éric Henninot nous revient avec un troisième opus qui s’inscrit dans la droite lignée de ses prédécesseurs et maintient toujours un équilibre parfaitement maîtrisé entre fidélité à l’œuvre d’origine et libertés prises pour des raisons techniques ou/et de compréhension. Après un deuxième album consacré à l’un des passages clés du roman, à savoir la rencontre entre la Horde et l’Escadre frêle (troupe itinérante voyageant à bord d’énormes vaisseaux volants), ce troisième tome met en scène un autre moment marquant de l’œuvre de Damasio : la périlleuse traversée de la flaque de Lapsane, immense étendue de terres plus ou moins immergées dans laquelle ont élu domicile des créatures encore plus étranges et mortelles que celles rencontrées jusqu’à présent. Cette traversée, aucune horde n’avait jusqu’à présent réussi à l’effectuer, pourtant Golgoth y tient énormément car elle leur ferait gagner de précieux mois qui pourraient leur permettre de rattraper leurs aînés. Bien que résolus à suivre leur chef et à maintenir autant que possible la cohésion de la horde, certains Hordiers se montrent de plus en plus critiques vis à vis des choix du traceur qui, par son comportement tyrannique et son apparent manque total d’empathie, suscite de plus en plus d’hostilité. Personne n’a toutefois le cran de tenir tête à Golgoth, à l’exception de Callirhoé, la feuleuse du groupe, qui ne digère pas le choix de leur chef de s’aventurer sur un chemin aussi périlleux et peine à suivre le rythme pour une raison qui risque bien de provoquer son éviction de la Horde si elle s’ébruitait au-delà du petit cercle restreint de compagnons qui lui sont dévoués. Après des personnages comme Erg, le protecteur du groupe, ou encore le prince Pietro, davantage mis sur le devant de la scène dans le tome précédent, ce troisième album se concentre avant tout sur Callirhoé, essentielle à la Horde pour sa capacité allumer un feu dans n’importe quelles circonstances, mais aussi (à nouveau) sur celui de Sov, le scribe du groupe, qui demeure toujours aussi attachant par son humilité et la bienveillance dont il fait preuve à l’égard des autres. Tous les membres de la Horde sont cela dit mis en avant à un moment ou un autre, qu’ils appartiennent au Fer ou au Pack, l’artiste restant ainsi fidèle au récit d’origine qui se voulait polyphonique.

… mais aussi de l’intérieur

Déjà, dans le roman, cette traversée de la flaque de Lapsane s’était révélée un moment particulièrement éprouvant pour les nerfs du lecteur comme des personnages. Il en va de même avec l’adaptation qui parvient à nouveau à capter parfaitement l’essence du texte et nous livre des représentations remarquables tant des paysages traversées que de l’évolution des relations entre les Hordiers. Car, au-delà de l’aspect « aventure » et des spécificités (passionnantes !) propres à la Lapsane, c’est encore et toujours autour des personnages que tourne l’intrigue. Désespoir, déchirements, culpabilité, solidarité… : nos Hordiers passent par une multitudes d’états et connaissent de nombreuses désillusions qui, cette fois, risquent bien de venir à bout de la cohésion du groupe, pourtant constitué depuis près de trente ans et habitué aux coups durs et aux pertes tragiques. C’est ce soin apporté à la personnalité des personnages et à leurs interactions qui rend le récit passionnant et fait de chaque disparition un rude coup porté au moral du lecteur. L’univers, lui, n’est pas toujours facile à cerner, de même que certains concepts clés de l’auteur qu’Éric Henninot parvient pourtant à vulgariser, faute de pouvoir s’étendre à leur sujet autant que Damasio dans son roman. Les quelques flashbacks qui nous permettent de découvrir certains Hordiers bien plus jeunes, alors qu’ils étaient encore en formation à Aberlaas et qu’ils n’avaient pas encore été sélectionnés pour faire partie de la trente-quatrième Horde, sont pour leur part toujours aussi pertinents car ils permettent souvent de mieux cerner la personnalité des membres du groupe. Les dialogues, eux, sont pour la plupart directement tirés du roman, et on retrouve avec un immense plaisir certains extraits, à commencer par les tirades pleine de morgue et de gouaille de Golgoth qu’on ne peut s’empêcher d’admirer au moins autant qu’on le déteste. Les graphismes sont quant à eux toujours aussi réussis, de même que la colorisation, tous deux collant parfaitement à l’ambiance de cette traversée aussi éprouvante nerveusement que physiquement.

La horde du contrevent, tome 2

Sans surprise, Éric Henninot poursuit sur sa lancée et nous offre une nouvelle adaptation de qualité consacrée cette fois à la marquante traversée de la flaque de Lapsane. Les illustrations sont toujours aussi appropriées et les choix d’adaptation astucieux puisqu’ils permettent à la fois de convoquer la nostalgie des lecteurs de l’œuvre d’origine tout en rendant le récit accessible à un public qui lui serait totalement étranger. Le voyage de la Horde étant loin d’être terminé, j’ai hâte de découvrir ce que l’artiste nous réserve pour la suite.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 4

Autres critiques : ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.