Un reflet de Lune
Titre : Un reflet de Lune
Auteur : Estelle Faye
Éditeur : ActuSF
Date de publication : 2021 (janvier)
Synopsis : Paris, un siècle après l’apocalypse. La capitale est plongée dans les pluies de printemps et Chet, dans une affaire qui le dépasse. Des sosies apparaissent pour lui faire porter le chapeau de crimes dont il est innocent. Du lagon du Trocadéro au repaire lacustre des pirates de la Villette, Chet arpente les bords de la Seine en crue à la recherche de ces mystérieux doubles, autant que de lui-même.
Sais-tu pourquoi nous racontons des histoires ? Pourquoi nous continuons, jour après jour ? Parce que les mots nous forgent et nous renforcent, parce que les histoires nous aident à ne pas oublier nos forces, et nos erreurs aussi.
Du jazz, Paris et l’apocalypse
Sept ans après le remarqué « Un éclat de givre » édité par Les Moutons Électriques, Estelle Faye revient à son Paris post-apocalypse avec un nouveau roman, publié cette fois par ActuSF dans un superbe écrin. L’occasion de retrouver Chet, chanteur de jazz se produisant dans les différents bars de cette cité à la fois familière et méconnaissable mais incontestablement plus dangereuse et polluée que notre capitale actuelle. L’autrice se montre avare de détails concernant les raisons de cette évolution, mais le lecteur se passe finalement très bien d’explications dont l’absence ne fait que renforcer l’aura de mystère qui entoure ce Paris futuriste à la fois fascinant et inquiétant. Après avoir mené l’enquête à propos d’une drogue aux effets étranges dans « Un éclat de givre », Chet se retrouve à nouveau entraîné dans un tourbillon d’événements qui le touchent cette fois de plus près. En effet, des rumeurs se répandent dans la ville et mettent en cause le musicien qui aurait été vu ici en train de fomenter des troubles, là en train de participer à un incendie, et même en train de commettre un assassinat… Bien décidé à découvrir qui sont ces sosies qui usurpent son nom et son visage pour commettre ces exactions, Chet va se retrouver confronté à toute une galerie de personnages extravagants et plus ou moins puissants qui vont lui permettre de mieux cerner les enjeux dont il est question ici. Car il n’y a pas que la vie de Chet qui se trouve bouleversée : la ville elle-même semble dans un piteux état, la crue de plus en plus inquiétante de la Seine et la pluie tombant continuellement sur la capitale participant à instaurer un climat délétère propice aux débordements. Opéra Garnier, Louvre, couloirs du métro, Arènes des Rhéteurs… : l’enquête de Chet va l’entraîner dans différents endroits de la cité qui se dévoile toujours un peu plus tout en restant difficile à cerner. En dépit de ce que l’intrigue peut laisser sous-entendre, ne vous attendez pas à un roman d’enquête et d’action puisqu’« Un reflet de Lune » tient davantage du récit intimiste que du polar. Un pari risqué mais très réussi dans « Un éclat de givre », où l’autrice était parvenue à trouver un bel équilibre entre les passages visant à faire avancer l’intrigue et les scènes d’introspection, mais qui, ici, ne m’a malheureusement pas convaincue.
-Au fait, tu t’entends bien avec Enguerrand ?
J’écarquille les yeux :
-Enguerrand ?
-Enguerrand. Le commissaire-priseur. Le commandant de néo-Louvre.
Ah lui… Je pêche une réponse dans ce qu’il me reste de cervelle :
-La dernière fois qu’on s’est croisés, il n’a pas tenté de me tuer.
Un nouveau rendez-vous manqué
Malgré mon impatience à retrouver Chet et son univers, je suis ainsi totalement passée à côté de ce roman qui semble pourtant, d’après les premiers échos que j’ai pu entendre, avoir réussi à charmer à nouveau les lecteurs qui avaient déjà apprécié le voyage la première fois. Peut-être ne l’ai-je pas lu au bon moment. Peut-être n’étais-je pas dans le bon état d’esprit. Toujours est-il que je n’ai pas du tout accroché à cette suite. D’abord parce que l’intrigue est quand même sacrément limitée et ressemble plutôt à un prétexte pour relater les états d’âme du personnage. Tout tourne autour de Chet qui ne s’intéresse qu’à Chet, si bien que notre héros passe plus de temps à repenser avec nostalgie à ses anciens amant(e)s et aux blessures qu’ils ont pu lui infliger qu’à s’intéresser à ce qui se passe dans la ville. Les révélations ou scènes d’action qui font avancer l’histoire sont expédiées en quelques lignes seulement, quand les tourments du musicien s’étalent sur des pages et des pages, finissant immanquablement par tourner en rond. Difficile dans ces circonstances de ne pas s’agacer du nombrilisme dont fait preuve le personnage, impression renforcée par un usage effréné des pronom « mon » et « ma », que ce soit pour désigner d’autres personnages qui se retrouvent définis uniquement par le rôle que Chet a choisi de leur attribuer dans sa vie (« mon chevalier blanc », « mon sorbon », « mon pianiste ») ou même la ville elle-même dont l’artiste parle avec un orgueil un peu déplacé. J’ai également peu apprécié l’hyper-sexualisation permanente du héros : qu’il soit Chet ou Thaïs (la femme qu’il devient lorsqu’il monte sur scène pour chanter), le moindre geste, la moindre posture sembler exciter le désir de ses différents interlocuteurs. Le héros passe d’ailleurs un nombre assez impressionnant de pages à se remémorer ses anciennes coucheries, ou à se faire nouveaux/nouvelles amant(e)s (dont la plupart après seulement cinq minutes de conversation, voire seulement de regards langoureux…). Dans le même registre, j’ai eu beaucoup de mal avec la manie de l’autrice de détailler systématiquement les tenues vestimentaires et le maquillage du personnage qui n’en paraît qu’encore plus superficiel, surtout lorsque ces considérations esthétiques prennent le pas sur l’urgence de la situation.
A mon grand étonnement je suis donc complètement passée à côté de ce roman qui met pourtant en scène un décor et un personnage qui m’avaient enthousiasmée il y a quelques années. Peut-être mes attentes ont-elles changées, ou bien le moment choisi n’était pas propice à ce type de roman, toujours est-il que j’ai trouvé le héros trop égocentrique, l’intrigue trop mince, et certains choix narratifs trop exagérés. N’hésitez pas à aller lire les chroniques bien plus positives rédigées par les autres blogueurs, pour ma part j’ai l’impression d’avoir été à côté de la plaque tout au long de ma lecture.
Voir aussi : Un éclat de givre
Autres critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Fantasy à la carte ; Les Chroniques du Chroniqueur ; Zoé Lucaccini (Zoé prend la plume)
12 commentaires
Adlyn
Je suis en pleine lecture de ce roman et, étonnement, ça me fait du bien de lire un avis un peu plus mitigé dessus que les louanges que je ne cesse de lire à son sujet ! Pourtant, j’apprécie beaucoup ma lecture jusque là, mais justement ça baisse un peu la pression que je peux mettre sur cette première lecture, pour moi, de l’autrice. Je n’avais pas lu Un Éclat de givre, je prends donc actuellement beaucoup de plaisir à découvrir Chet et ses extravagances ; son égo-centrisme éclate aux yeux, en effet, mais je crois que c’est justement ce qui me le rend attachant quelque part ! J’attends d’avoir fini pour me faire un avis final mais je retiens, en tous les cas, qu’il faudra que je lise Un Éclat de givre après ça^^
Boudicca
Ah tant mieux car mon but n’était pas de décourager de potentiels lecteurs ^^ En tout cas, même si je n’ai pas accroché à ce roman, les autres de l’autrice sont vraiment très bien 🙂
Aelinel Ymladris
On a effectivement le même ressenti. Excepté que je n’ai pas lu le premier opus et du coup, j’étais vraiment perdue par moment.
Boudicca
Ça me rassure, parce que je n’ai vu que des chroniques très positives jusqu’ici et je commençais à me dire que j’étais vraiment la seule à être passée à côté ^^
Les Fantasy d'Amanda
Je n’ai pas encore lu Un Éclat de givre qui attend sagement dans ma PAL. Celui-ci me tentait également jusqu’à ce que je lise ton avis et celui de Célindanaé, qui sont mitigés. Les arguments que vous avancez toutes les deux me semblent très pertinents, du coup je pense d’abord lire Un Éclat de givre pour me faire un avis, ne serait-ce que sur le personnage et l’univers.
En tout cas, je suis ravie de découvrir des avis plus nuancés que ceux, très élogieux, vus jusqu’à présent ;).
Boudicca
J’ai un très bon souvenir de ‘ »Un éclat de givre » en effet : je ne sais pas trop si je n’ai pas aimé la suite parce qu’elle est complètement différente ou si c’est moi qui ai évolué depuis ^^
Baroona
Ça me fait un peu peur, parce que j’avais aimé « Un éclat de givre » mais tous les éléments que tu cites sont fortement susceptibles de me déplaire aussi. =/ J’essaierai sûrement un jour, mais je suis bien moins impatient. ^^’
Boudicca
Moi aussi, et je suis d’autant plus surprise de ne pas avoir aimé la suite… Les autres avis sont très positifs cela dit, c’est peut être moi 😉
Ping :
Ping :
Bee
Je suis en pleine lecture…. J’avais adoré Chet et un éclat de givre. J’attendais depuis des années son retour et bien… patatra… Je cherchais un avis d’une personne qui avait aimé le 1er et pas celui-ci et tu as très bien résumé mon ressenti. Je n’arrive pas à savoir si c’est moi qui est changée ou si c’est Chet qui différent. A 100 pages de la fin, il ne s’est rien passé, Chet est ultra passif sauf pour flirter et le personnage est noyée dans les multiples descriptions de Paris. Bref… je suis déçue.
Boudicca
Je suis également contente de voir que je ne suis pas la seule à ne pas avoir accroché à ce roman et, comme vous, j’ignore si c’est parce que j’ai évolué depuis ma lecture du premier ouvrage et si c’est tout simplement l’intrigue qui ne fonctionne pas ici… Déception également de mon côté.