Le Chant des cavalières
Titre : Le Chant des cavalières
Auteur : Jeanne Mariem Corrèze
Éditeur : Les Moutons électriques (La Bibliothèque voltaïque) [site officiel]
Date de publication : 21 février 2020
Synopsis : Dragons, cavalières et herboristes !
Un royaume divisé, instable, des forces luttant pour le pouvoir. Un Ordre de femmes chevauchant des dragons. Des matriarches, des cavalières, des écuyères et, parmi elles, Sophie, qui attend. Le premier sang, le premier vol ; son amante, son moment ; des réponses à ses questions. Pour trouver sa place, elle devra louvoyer entre les intrigues de la cour et de son Ordre, affronter ses peurs et ses doutes, choisir son propre destin, devenir qui elle est vraiment.
Considérons l’ordre comme un arbre ; si les feuilles dans leur multitude sont les écuyères, si les branches, solides et poussant toujours plus haut, sont les cavalières et si les racines, qui puissent savoir et nutrition dans la terre, sont les Aînées, alors le tronc ne peut être que la Matriarche. Sans son tronc, un arbre reste un buisson rachitique : il n’y a pas de citadelle sans Matriarche ; de même une Matriarche n’est rien sans sa citadelle.
Après deux années où leurs nouvelles publications s’orientaient davantage vers des romans pulp, Les Moutons électriques proposèrent, dans le cadre de l’opération des Pépites de l’Imaginaire (conjointement avec les autres Indés de l’Imaginaire avec Les Chevaliers du Tintamarre chez les éditions Mnémos et Cuits à point chez les éditions ActuSF) un nouveau roman de fantasy d’une autrice pour l’instant inconnue, Jeanne Mariem Corrèze : Le Chant des cavalières !
Geste d’une chevaucheuse de dragon
Sophie est une petite fille recueillie dès son plus jeune âge par le principal ordre militaire du royaume auquel elle appartiendra désormais : les Cavalières. Elle grandit dans la citadelle de Nordeau auprès de la Matriarche, des écuyères, des soigneuses de dragons, des herboristes et des intendantes. Il n’y a pas grand-chose à faire à part attendre de grandir, apprendre un peu quand c’est possible, mais globalement elle n’a pas trop à se plaindre, ce n’est pas la vie des paysannes… Or, à la mort étrange de la Matriarche, elle est désignée comme la future héritière à former, héritière de la nouvelle Matriarche, mais elle serait aussi héritière de la dernière grande reine locale. Sauf qu’une prophétie ne s’applique pas par l’opération du hasard, il faut bien s’y préparer et clairement la nouvelle Matriarche n’est pas motivée pour entraîner la petite Sophie. Il s’agit alors de se débrouiller pour être reconnue comme importante, elle la petite cavalière sans dragon à chevaucher. Quelques intrigues de cour, surtout quelques amies motivées et l’arrivée très étrange de Myrrdin, un très ancien mage aux pouvoirs incommensurables, font pencher la balance, tantôt dans le sens d’une plus grande liberté dans le royaume, tantôt dans celui des intérêts personnels de plusieurs personnages. En effet, bien peu veulent vraiment voir émerger une nouvelle souveraine sortie de nulle part.
Corpus thématique
Le début du roman peut paraître long à de nombreux lecteurs, si on s’attend à une intrigue très rythmée, voire enlevée, mais l’autrice prend son temps, car cela lui permet de mettre en place plusieurs visions du monde qui se dénouent dans le dernier tiers. Au premier abord, cela peut paraître insignifiant, mais c’est utile malgré tout. Elle met d’abord en place une société féminine, difficile de parler de matriarcat, car il me semble qu’il n’y ait dans ces citadelles que des femmes, donc pas de véritable domination du genre féminin sur le masculin. Par contre, les métiers sont souvent mis au féminin, les postes militaires ont l’air destiné aux femmes et deux postes de décision sont tenus par des hommes mais non seulement ils sont secondaires, mais en plus cela semble exceptionnel pour cette société. Cette dernière remarque est d’ailleurs la conséquence locale de la géopolitique du Royaume mise en place par l’autrice. Ainsi, le Royaume est dominé par un peuple voisin, les Sabès, et est divisé en différentes provinces (Nordeau, Soufeu, Estari, Ousterre et la capitale Zinia au centre, en gros) où agissent différents corps de Cavalières qui sont l’élite militaire et religieuse. Enfin, l’autrice insiste beaucoup sur les volontés contradictoires d’assurer la paix dans cette contrée et l’envie de recouvrer une certaine indépendance, sachant que chaque région du Royaume a une vision différente de la bonne manière de l’obtenir. En cela et en bien d’autres aspects qu’il peut être amusant de détailler au fur et à mesure de la lecture, Le Chant des cavalières semble un volontaire pastiche des aventures des Chevaliers de la Table Ronde avec son roi légendaire, sa geste épique, son mage au nom si reconnaissable et son dénouement tragique.
Nos alliés, seigneur ? Est-ce ainsi que l’on qualifie celui qui pille et s’approprie le travail de nos paysannes ? Est-ce ainsi que l’on nomme celui qui blesse et ampute nos terres ? Est-ce ainsi que l’on appelle celui qui nous impose sa tutelle et son jour ? […]
Je ne qualifie pas d’allié un voleur, je ne nomme pas voisin un bourreau, je n’appelle pas ami un tyran.
Du style, madame !
Le Chant des cavalières peut paraître au départ pour le moins lent : le rythme suit les interrogations de la jeune protagoniste, alors forcément au début, elle hésite beaucoup, elle n’y croit pas, elle tâtonne. Du même coup, autant s’intéresser au style. Au fur et à mesure que Sophie se forme, le vocabulaire s’affirme à la fois riche, fin et soigné. La narration faisant commencer chaque chapitre par un extrait de chronique ou un poème issu de l’histoire de ce monde, ainsi que la toute fin nous laissant sur un nouveau départ, plusieurs éléments peuvent faire hésiter le lecteur sur la manière de recevoir ce roman. En effet, c’est une très belle introduction à un monde dont nous aimerions en apprendre davantage, tant sur la géopolitique extérieure au Royaume, sur les mœurs des paysannes qui sont quasiment absentes que sur le devenir de l’héroïne, mais c’est tout autant une aventure qui peut se lire seule et être appréciée comme une intrigue dont on ne saura jamais davantage. Une fois la lecture terminée, qu’il est difficile de pencher d’un côté ou de l’autre de ces deux visions !
Le Chant des cavalières est donc un premier roman tout à fait captivant : le style est riche, l’univers prometteur, les thématiques approfondies et les choix de narration se défendent (même si certains peuvent en être lassés). Une autrice à suivre, c’est certain !
Autres critiques :
Célindanaé (Au pays des Cave Trolls)
Jean-Philippe Brun (L’Ours inculte)
Le Chroniqueur (Les Chroniques du Chroniqueur)
3 commentaires
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belette2911
On peut dire qu’on chevauche le dragon… mdr
Dionysos
C’est mieux que le tigre !
Et au moins on trouve autre chose à bord que juste du fromage, du jambon…