Trois jours et une vie
Titre : Trois jours et une vie
Auteur : Pierre Lemaître
Éditeur : Albin Michel [site officiel], puis Le Livre de Poche [site officiel]
Date de publication : 2 mars 2016
Synopsis : « À la fin de décembre 1999, une surprenante série d’événements tragiques s’abattit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt.
Dans cette région couverte de forêts, soumise à des rythmes lents, la disparition soudaine de cet enfant provoqua la stupeur et fut même considérée, par bien des habitants, comme le signe annonciateur des catastrophes à venir.
Pour Antoine, qui fut au centre de ce drame, tout commença par la mort du chien… » P.L.
Son sommeil fut hanté par son avancée vers le grand arbre couché avec Rémi sur le dos. Sans cesse les bras ballants et flasques de l’enfant lui passaient devant les yeux.
Dans la perspective de pouvoir regarder son adaptation cinématographique de 2019 et au hasard d’une découverte dans l’une des boîtes à livres du Mans, le roman Trois jours et une vie, de Pierre Lemaître chez Albin Michel, m’a arrivé dans les mains avec la gourmandise de découvrir un récit d’un des maîtres du polar.
Fait divers : une disparition d’enfant
23 décembre 1999, petite ville de Beauval. Antoine, 12 ans, s’amuse dans la cabane qu’il a construite dans un arbre près de chez lui. Mais après des circonstances malheureuses dues notamment au fait qu’un de ses amis ait désormais une PlayStation, que sa mère vive une existence difficile et que son voisin ait tué son propre chien qu’Antoine aimait beaucoup, après ces circonstances malheureuses donc, Antoine tue malencontreusement d’un coup de bâton Rémi, le fils du fameux voisin. Commence alors pour lui une longue réflexion partagée entre la culpabilité, qui monte et qui pourrait pousser Antoine à se dénoncer à la gendarmerie, et la possibilité d’échapper aux recherches, aux battues et aux soupçons. Tout se complique quand survient la « tempête du siècle », la « tempête de 99 » qui paralyse les communications et relègue la disparition soudaine du petit Rémi au second plan.
Variété des styles
Pierre Lemaître débute son histoire en la racontant comme on parlerait d’un fait divers classique : c’est fait avec l’esprit journalistique de quelqu’un qui s’attache à chaque détail sans dire au lecteur si cela va servir ou non. La mort du chien du voisin, une bagarre avec un camarade plus âgé, des cadeaux de Noël, une montre et une PlayStation : ce sont autant de petits grains dans la roue du destin. Puis, une fois l’acte enclenché, l’auteur s’intéresse dès lors à la psychologie du personnage principal : comment transcrire les pensées d’un enfant de douze ans ? comment imaginer la culpabilité d’un garçon pourtant conscient de ce qu’il a fait ? Le jeune Antoine imagine tout autant être arrêté et traîné en justice, qu’échapper aux tribunaux en espérant que le corps de Rémi reste caché le plus longtemps possible. Enfin, l’auteur passe sur un tout autre mode : en faisant avancer plus rapidement le temps, il mise sur une tragédie marquée par l’inéluctabilité de la découverte de sa culpabilité, que le lecteur attend presque à chaque page.
De l’art de la subtilité
Comme souvent Pierre Lemaître crée des personnages attachants qui se retrouve dans des situations inextricables, prêts à faire des choix complètement surréalistes mais qui s’imposent à eux. C’est dans ces choix parfois dus à des détails que l’on voit la subtilité d’un personnage. D’ailleurs, au fur et à mesure que le temps passe sur cette affaire, ce sont les personnages secondaires qui émergent, montrant ainsi que les choix faits par Antoine ont impacté sur sa culpabilité bien sûr, mais ont surtout eu un impact sur son entourage (mère, ami, médecin, etc.). Les non-dits, la narration faite dans la tête d’Antoine, tout cela, ce sont les points forts du roman, difficile de transcrire cela à l’écran dans l’adaptation faite en 2019. Dans ce film de Nicolas Boukhrief, plusieurs aspects psychologiques sont gommés, des éléments narratifs sont simplifiés et quelques scènes sont oubliées, ce qui enlève quand même pas mal de choses au récit. À la place, l’intrigue est recentrée sur les années qui ont passé et ce qui mène à la conclusion est très accentué à l’écran, on perd encore un peu de l’incertitude qui sert tant le roman, au profit de personnages mis en scène à l’écran par des acteurs comme Sandrine Bonnaire, Charles Berling, Pablo Pauly (qui joue ainsi Antoine adulte) ou Philippe Torreton, ce qui rend le cercle des protagonistes plus restreint.
Même s’il n’est pas forcément inoubliable, Trois jours et une vie est un roman efficace et prenant, qui fait réfléchir à bien des faits divers dont on ne saura jamais le fin mot. La force de Pierre Lemaître est encore de pousser la tragédie sur le temps long et son personnage principal dans ses retranchements.
Autres critiques :
2 commentaires
belette2911
Lui je l’avais adoré, parce que le final m’avait laissé sur le cul 😉
Dionysos
Carrément, ça m’a calmé aussi, ce côté tragique insurmontable.