Fantasy

Les Six Royaumes

Les six royaumes

Titre : Les six Royaumes
Auteur : Adrien Tomas
Illustrateur : Dogan Oztel
Éditeur : Mnémos (Ourobores)
Date de publication : 2019 (novembre)

Synopsis : Irego, Sœur investigatrice du Monastère d’Iriloyë, obtient enfin l’autorisation du Collège des sorcières de partir à la recherche du secret le mieux gardé des Six Royaumes : l’immortalité. La magicienne, plus habituée aux bibliothèques qu’à la vie au grand air, va sillonner le monde à la poursuite d’anciens savoirs, d’histoires oubliées et de témoins occultes, s’engageant dès lors dans la quête la plus dangereuse de sa vie. Entre trahisons, coups bas et tentatives d’assassinat, les obstacles ne manquent pas : c’est presque comme si les mystères de l’éternité souhaitaient rester dans l’ombre…

 

A la recherche du secret de l’immortalité

« Les Six Royaumes » est le dernier ouvrage en date paru dans la collection Ourobores de Mnémos, une collection qui réunit des « beaux livres » illustrés visant à présenter ou développer un univers imaginaire (je vous conseille de jeter un œil aux publications similaires des éditions, notamment « Jadis » ou encore « Un an dans les airs »). L’ouvrage est cette fois le fruit de la collaboration entre l’auteur Adrien Tomas et l’illustrateur Dogan Oztel qui nous entraînent tous deux au sein des Six Royaumes, univers mis en scène dans plusieurs romans parus depuis 2011 : « La geste du Sixième Royaume », « La maison des mages », et plus récemment la trilogie « Le chant des épines ». Le présent ouvrage met en scène Irego d’Eystilar, soeur investigatrice du Monastère d’Iriloyë, qui se lance, avec le soutien de son ordre, dans une quête pour découvrir le secret de l’immortalité. Pour ce faire, la jeune femme entreprend d’analyser un grand nombre d’ouvrages traitant plus ou moins directement du sujet, mais se voit aussi forcée de quitter ses bien aimées bibliothèques pour arpenter les différents royaumes afin de suivre les pistes qu’elle estime prometteuses. L’ouvrage est organisé en quatre grandes parties qui reproduisent le cheminement intellectuel de l’investigatrice qui écarte ou privilégie telle ou telle théorie en fonction de ses découvertes. Il s’agit donc à la fois d’un récit intime, puisque la narratrice nous expose au fil de son enquêtes ses réflexions, ses doutes et ses peurs, mais aussi d’un document servant de brouillon à un compte rendu officiel et qui se doit donc de respecter une méthodologie particulière. L’ouvrage prend ainsi la forme d’une préparation de thèse et est organisé en ce sens, avec des parties bien distinctes, des hypothèses, des analyses, des études de sources… Cet aspect est renforcé par la variété des documents présentés, qui vont des extraits de grimoires ou d’ouvrages de fiction, aux compte-rendu de conversation ou d’exploration, en passant par le tract publicitaire, l’annonce, le conte… Des commentaires insérés dans la marge par l’investigatrice elle-même permettent de ne pas se laisser disperser par les éventuelles digressions présentes dans les textes étudiés et de toujours garder en tête l’objectif des recherches.

Un univers enrichi

La première partie creuse la piste des arts magiques : l’occasion de revenir sur le fonctionnement de la magie utilisée par les Dames Grises (mais pas que) dans l’univers d’Adrien Tomas. Ces considérations m’ayant déjà beaucoup plu dans les romans de l’auteur, j’ai évidemment particulièrement apprécié de les voir ici davantage détaillées. L’ouvrage revient notamment sur le fonctionnement des limbes et sur les esprits qui y résident, chacun appartenant à différentes catégories (liées à un élément : le feu, l’air, l’eau, la pierre…) et de puissance variable. Les recherches de l’investigatrice permettent aussi de présenter d’autres méthodes que celles utilisées par les Soeurs pour se servir de ces esprits, ce qui permet de revenir sur la civilisation elfique (désormais éteinte), et de présenter d’autres formes de magie comme le chamanisme. La partie suivante s’intéresse aux secrets de la technologie, ce qui n’est guère surprenant dans la mesure où les œuvres de l’auteur font souvent mention de créatures semblant davantage animées par une force mécanique que magique. Les réflexions de la narratrice sur le sujet permet de mettre en avant la Maison des mages, une institution qui concurrence depuis peu celle des Soeurs et qui prône une démocratisation de la magie. Enfin, cette partie nous permet de retrouver (d’une certaine manière), l’un des personnages de la trilogie « Le chant des épines » dont tous les secrets n’ont visiblement pas été percés. La troisième partie explore la piste de l’alchimie naturelle, ce qui permet à l’auteur de mettre en avant son bestiaire, mais aussi l’un des territoires les plus emblématiques de son univers, la Grande forêt. La quatrième et dernière partie voit l’enquête de l’héroïne progresser de manière significative et les mystères planant sur le récit être enfin résolus. En parallèle de ces précisions concernant des aspects précis liés à la magie ou l’histoire des peuples ou régions qui composent les Six royaumes, Adrien Tomas nous fait voyager dans plusieurs des territoires qui composent son univers (et qui sont représentés sur une magnifique carte colorée et illustrée). Certains paraîtront familier aux lecteurs ayant lu les précédents romans de l’auteur, d’autres moins, mais tous sont influencés par des cultures différentes et aisément identifiables (la région de Valé rappelle l’Afrique, les plaines de Khara la Mongolie…)

Une grande variété de sources

Si les documents présentés sont extrêmement variés, les personnages, eux, sont assez limités. On rencontre certes quelques informateurs ou partenaires de l’ordre des Soeurs, mais le seul véritable personnage est la l’investigatrice Irego. Le problème, c’est que la jeune femme, fidèle à la réputation des membres de son ordre, est particulièrement antipathique. Arrogante, cruelle, butée, dénuée de la moindre empathie… : la narratrice n’est clairement pas le genre de personnage qu’on prend en affection. Heureusement, la diversité des sources consultées permet de se frotter, même brièvement, à d’autres narrateurs. Inévitablement, certains textes laissent peu de souvenirs quand d’autres se révèlent passionnants : les minutes du procès du Chevalier noir ; le conte du bûcheron et de la dryade ; les notes non corrigées des carnets de voyage d’un « gentilhomme voyageur »… L’ouvrage contient une bonne dose d’humour, l’auteur multipliant les clins d’œil et n’hésitant pas à se moquer de lui-même (ses romans font parties de son univers dans lequel ils ont aussi été publiés mais où ils sont considérés comme de pures affabulations). L’humour naît aussi parfois du décalage entre l’univers de fantasy médiéval mis en scène et des aspects qui rappellent notre monde moderne (une publicité pour une armure, un extrait de manuel à destination de la jeunesse…). Mais le récit sait aussi se montrer grave, et la tension se fait d’ailleurs de plus en plus palpable alors que les obstacles semblent se multiplier sur la route d’Irego. La dernière partie, qui voit tous les mystères enfin résolus, est habilement construite et se lit de manière plus fluide, les « interruptions » au récit de l’héroïne se faisant moins nombreuses. Un mot, pour finir, sur les illustrations qui viennent compléter ou renforcer les propos de l’auteur. Si je ne suis pas particulièrement fan du style de l’artiste (notamment en ce qui concerne la représentation des visages), il faut reconnaître que le rendu général est des plus réussi et que certaines illustrations (dont les cartes) sont magnifiques.

« Les Six Royaume » est un ouvrage collector de qualité aussi bien sur la forme que sur le fonds. S’il peut sans doute permettre aux lecteurs ne connaissant pas l’œuvre de l’auteur de se familiariser avec son univers, je conseille malgré tout sa lecture à ceux qui ont déjà eu l’occasion de lire les ouvrages précédents, et ce afin de mieux saisir les références et clins d’œils qui parsèment le récit. Adrien Tomas a en tout cas créé un univers passionnant et qui ne cesse de s’enrichir et se complexifier à chaque nouvelle parution. Espérons qu’il continuera à s’étoffer.

Voir aussi : La geste du Sixième royaume ; La maison des mages ; Le chant des épines : tome 1 ; tome 2 ; tome 3

Autres critiques : Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Xapur (Les lectures de Xapur)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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