Fantasy

Vauriens

Titre : Vauriens
Directeurs de l’anthologie : G. R. R. Martin et Gardner Dozois
Auteurs et nouvelles : Joe Abercrombie (Les temps sont rudes pour tout le monde) ; Gillian Flynn (Qu’est ce que vous faites dans la vie ?) ; Matthew Hugues (L’auberge des sept bénédictions) ; Joe R. Lansdale (Brindille tordue) ; Michael Swanwick (Tawny Petticoats) ; David W. Ball (Provenance) ; Carrie Vaughn (Les années folles) ; Scott Lynch (Un an et un jour à Theradane-la-Vieille) ; Bradley Denton (Durs à cuivre) ; Cherie Priest (Métaux lourds) ; Daniel Abraham (Le sens de l’amour) ; Paul Cornell (Une meilleure façon de mourir) ; Steven Saylor (Mal vu à Tyr) ; Garth Nix (Une cargaison d’ivoires) ; Walter Jon Williams (Diamants tequila) ; Phyllis Eisentein (La caravane vers nulle part) ; Lisa Tuttle (L’étrange affaire des épouses mortes) ; Neil Gaiman (Comment le marquis a récupéré son manteau) ; Connie Willis (A l’affiche ce soir) ; Patrick Rothfuss (L’arbre-éclair) ; Georges R. R. Martin (Le prince vaurien ou Le frère d’un roi)
Éditeur : Pygmalion
Date de publication : 2018 (octobre)

Synopsis : Crapules, escrocs, canailles, voleurs, tricheurs, coquins… Parfois héros, parfois non, ces personnages nous fascinent. Quels que soient l’époque, le lieu ou le genre dans lesquels ils prennent place, Gardner Dozois et George R.R. Martin les adorent autant que les bonnes histoires. Ils ont donc sollicité les plus grands auteurs de best-sellers pour créer les meilleurs bad guys de la littérature, sans restriction de genre. Découvrez ces vingt et une nouvelles inédites, pleines de rebondissements, de plans machiavéliques et de surprises. Tout le monde aime les vauriens… même si nous finissons par le regretter.

-C’est le bordel. Le bordel ! Sharplin, toi qui es plus ou moins sobre, combien de cartes dans un jeu standard ?
-Soixante, chef.
-Et combien de cartes actuellement visibles dans nos mains ou sur la table ?
-Soixante-dix-huit.
-C’est ridicule, commenta Amarelle. Qui ne triche pas ? On devrait en être à quatre-vingt-dix au moins ! Qui ne triche pas ?! (Scott Lynch, Un an et un jour à Theradane-la-Vieille)

Une fois n’est pas coutume, G. R. R. Martin et Gardner Dozois proposent à nouveau de rassembler certaines des plus belles plumes du moment autour d’un seul et même thème. Après les femmes dangereuses (« Dangerous Women » publié en 2016 chez J’ai lu), c’est au tour du vaurien de se retrouver sur le devant de la scène. Ils sont vingt-et-un auteurs à avoir été inspirés par le sujet : des auteurs de fantasy, de fantastique, de polar, ou encore de récit historique. Parmi les noms les plus prestigieux, on peut notamment citer ceux de Joe Abercrombie, Scott Lynch, Connie Willis, Neil Gaiman, ou encore G. R. R. Martin lui-même, mais l’anthologie regroupe aussi des textes d’auteurs peut-être moins connus en France, et ce en dépit de leur impressionnante biographie outre-atlantique. Le niveau est bien sûr très fluctuant en fonction des textes : certains promettent de très bonnes découvertes, tandis que d’autres sont moins marquants, aussitôt lus aussitôt oubliés. Proposer une chronique générale de l’anthologie me semblant compliqué compte tenu du grand nombre de nouvelles, aussi préfère-je vous proposer à la place un petit avis sur chacune d’entre elles.

Joe Abercrombie – Les temps sont rudes pour tout le monde

On commence avec un texte de fantasy signé Joe Abercrombie qui a déjà été publié en français en 2017 dans le recueil « Double tranchant » édité par Bragelonne. L’action prend place dans la peu ragoutante ville de Sipani où un mystérieux paquet passe de main en main, au fur et à mesure que le voleur devient le volé. L’auteur réutilise ici l’un de ses procédés narratifs fétiches (qu’on retrouvait déjà avec une maîtrise remarquable sur le champ de bataille du roman « Héros »), changeant de point de vue et donc de narrateur au fur et à mesure des rencontres effectuées par celui-ci. Une trouvaille brillamment exploitée, dont la saveur est ici renforcée par l’identité des voleurs croisés puisqu’ils font référence à des personnages mis en scène dans divers romans de l’auteur (le placide Cordial, le duo Abysses et Hautfond…).

Gillian Flynn – Qu’est ce que vous faites dans la vie ?

Une jeune fille a l’opportunité de quitter le milieu de la prostitution pour se lancer dans l’escroquerie surnaturelle : on lui demande de désenvoûter une maison. Convaincue de pouvoir ainsi récupérer une coquette somme d’argent sans trop d’efforts, elle accepte la demande d’une femme qui semble véritablement désespérée. Depuis qu’elle et son mari ont déménagé, son beau-fils devient de plus en plus étrange, au point de littéralement terroriser toute la famille. Notre experte en herbe n’y croit pas une seule seconde, mais bientôt des événements troublants la poussent à revoir sa position. On a affaire ici à un récit fantastique bien ficelé dans lequel la tension va crescendo jusqu’à mettre le lecteur franchement mal à l’aise. La chute est d’autant plus excellente qu’elle laisse le personnage comme le lecteur libres de choisir l’interprétation qui leur semble la plus cohérente (ou la moins effrayante). Sans doute l’une des meilleures nouvelles de l’anthologie.

Matthew Hugues – L’auberge des sept bénédictions

Je suis beaucoup plus mitigée sur la nouvelle suivante qui relève à nouveau de la fantasy. Une fantasy très classique, avec des magiciens, un pauvre hère perdu dans une forêt et des divinités plus ou moins puissantes qui considèrent les mortels comme de simples jouets. On a affaire à une aventure qui n’a rien de bien originale, avec des personnages qui ne sont pas particulièrement attachants ou étoffés et une chute qu’on voit venir d’assez loin. Dispensable.

Joe R. Lansdale – Brindille tordue

Le texte suivant met en scène deux héros apparemment célèbres de Joe R. Lansdale, Hap et Léonard, qui vont se lancer à la recherche d’une jeune fille disparue et très certainement en danger de mort. J’ai également eu du mal à adhérer à l’histoire : d’abord parce que l’enquête n’est pas franchement passionnante, et surtout parce que l’auteur a tendance à faire dans le trash, multipliant les détails sordides sans que cela ne serve véritablement l’intrigue (surtout en ce qui concerne les sévisses subis par la fameuse disparue). Le fait que les deux héros me soient totalement inconnus n’a cela dit certainement pas dû jouer en faveur du texte.

Michael Swanwick – Tawny Petticoats

C’est également ce qui s’est passé avec la nouvelle de Michael Swanwick, qui recycle lui aussi deux de ses personnages fétiches : Darger et Surplus. Le décor est cela dit plus immersif que dans le texte précédent puisqu’on a affaire à une ville de Nouvelle-Orléans uchronique, dans laquelle humains et créatures surnaturelles cohabitent en plus ou moins bonne entente. C’est dans ce contexte que nos deux escrocs vont faire la rencontre d’une jeune femme pleine de ressources qui leur propose de les aider à mener à bien leur prochaine arnaque. Mais quand on cherche à tromper une patronne de bordel, un pirate et un dresseur de zombies, il faut s’attendre à quelques pépins… Sans être ennuyeux, le texte pâtit d’une intrigue dont la complexité et la construction laissent à désirer. Même chose pour les personnages qui auraient mérité d’être davantage étoffés.

David W. Ball – Provenance

Le texte suivant nous entraîne dans les méandres de la Seconde Guerre mondiale par le biais de la documentation d’un expert en peinture qui cherche à retracer le parcours d’un tableau très recherché attribué au Caravage. On suit ainsi les différents possesseurs de l’œuvre, à commencer par un officier SS coupable des pires crimes et qui parvient pourtant à fuir après la guerre pour trouver refuge dans divers pays d’Amérique du sud. L’enquête est intéressante, et permet de mettre l’accent sur un épisode peu reluisant de la fin de la Seconde guerre mondiale : la protection accordée à certains officiers nazis. La chute de la nouvelle vaut à elle seule le détour et ne manquera pas de surprendre le lecteur. Documenté et bien construit : à lire !

Carrie Vaughn – Les années folles

Carrie Vaughn opte pour sa part pour de l’urban-fantasy et met en scène deux héroïnes de caractère : M et Pauline, sa garde du corps. Je ne sais pas s’il s’agit de deux personnages déjà exploités par l’auteur, mais j’ai encore une fois eu l’impression d’avoir loupé quelque chose et de ne pas tout saisir aux allusions du récit, comme s’il me manquait des éléments pour bien appréhender le texte. L’histoire en elle-même n’a rien de fracassante, mais l’ambiance cabaret et le climat particulier de la prohibition ne sont pas sans lui donner un certain charme.

Scott Lynch – Un an et un jour à Theradane-la-Vieille

Après Joe Abercrombie, on retrouve ici une autre figure familière de la fantasy en la personne de Scott Lynch qui mise comme son confrère sur le registre de l’humour. Amarelle est une voleuse à la retraite qui boit plus que de raison et supporte de plus en plus mal les dommages collatéraux des combats que se livrent les grands sorciers de la ville. N’y voyez là aucune grandeur d’âme, c’est juste que l’ancienne arnaqueuse n’apprécie pas qu’on interrompe ses soirées beuveries ou ses parties de cartes. Bien décidée à dire deux mots à la magicienne à l’origine de ce barouf, la voilà qui se retrouve engagée malgré elle dans une mission pour le moins atypique : voler à la barbe du mage ennemi la rue dont il tire son pouvoir. Oui oui, vous avez bien lu : le défi consiste à voler une rue… L’histoire est drôle, bien construite, et les diverses tentatives entreprises par l’héroïne et sa troupe pour s’emparer de la dite rue sont pour le moins truculentes. Les dialogues sont pour leur part percutants et plein d’humour, à l’image de qu’on pouvait trouver dans « Les salauds gentilshommes ». Une nouvelle de bonne facture qu’on s’amuse beaucoup à lire.

Bradley Denton – Durs à cuivre

Le texte suivant est nettement mois enthousiasmant : il met en scène un professeur remplaçant dans un petit lycée tranquille et expert en l’art de repérer les mauvais coups. Pas pour les arrêter, attention, mais plutôt pour prendre une petite commission au passage. Quand il entend parler de quelques uns de ses élèves qui se livreraient à du trafic d’instruments de musique, il décide donc naturellement de creuser un peu la question. Sauf que l’affaire à l’air plus compliquée que prévue… Le texte souffre d’une intrigue peu captivante et d’un gros manque de suspens et surtout d’enjeux : on pense au début qu’il s’agit d’une histoire sans intérêt… et la conclusion nous conforte dans cette hypothèse plutôt que de nous détromper. Le personnage pourrait pour sa part être intéressant, mais il se cantonne pendant les trois-quart du récit au rôle de simple spectateur, n’intervenant véritablement qu’à la toute fin. Bof.

Cherie Priest – Métaux lourds

Une jeune étudiante envoyée sur le site d’une ancienne mine au fin fond des États-Unis voit ses deux camarades mourir coup sur coup à quelques semaines d’écart. La cause de la mort : ils se sont noyés, entraînés au fond du lac par une créature à l’origine inconnue. Et ça tombe bien, parce que Kilgore Jones, ancien bras-droit d’un pasteur renommé, s’y connaît en problème de ce type. Une nouvelle plus courte que les autres et qui intrigue au début mais ne décolle jamais vraiment.

Daniel Abraham – Le sens de l’amour

On replonge dans la fantasy avec la nouvelle suivante qui nous entraîne dans une cité franche à la réputation douteuse et qui met en scène un duo plutôt inattendu : une jeune femme débrouillarde, habituée à arpenter les quartiers mal famés de la Rive nord, et l’héritier de la couronne, pourchassé par sa belle-mère qui refuse de lui laisser le trône. C’est dans ce contexte que le jeune homme va s’éprendre d’une belle inconnue qui, manque de chance, vient d’être vendue en esclavage. Heureusement qu’il peut compter sur l’ingéniosité de son amie qui met alors au point un plan alambiqué pour réunir les deux tourtereaux. Le récit commence bien : le décor est plutôt immersif et le personnage d’Asa est intéressant. Le problème, c’est l’intrigue : chaque fois que l’on croit que l’auteur va nous surprendre avec un retournement de situation qui trancherait avec la mièvrerie du projet du prince, on finit par être déçu. Dommage.

Paul Cornell – Une meilleure façon de mourir

Changement de registre avec Paul Cornell qui nous plonge dans un récit de science-fiction mettant en scène l’un de ses personnages phares : l’espion Jonathan Hamilton. Honnêtement je n’en garde pas un énorme souvenir : le récit peine à démarrer et le personnage n’est pas particulièrement attachant.

Steven Saylor – Mal vu à Tyr

Steven Saylor choisit pour sa part d’aborder le thème du vaurien par le biais du récit historique : nous sommes à Tyr, au Ier siècle avant J.-C., au côté du poète grec Antipatros de Sidon et de son jeune disciple. C’est là que le vieil homme est abordé par un étrange marchand qui lui propose d’acquérir pour une coquette somme « les livres de la sagesse », de vieux textes recensant des centaines de formules et potions magiques. Mais si le poète s’affirme comblé par l’échange, son disciple, lui, semble douter de la bonne fois du marchand… L’intrigue en elle-même n’a rien de captivante, le principal intérêt du texte venant des références appuyées à un classique de la fantasy et aux célèbres héros de Fritz Leiber : Fafhrd et le Souricier.

Garth Nix – Une cargaison d’ivoires

Garth Nix rejoint le camp des auteurs qui réutilisent d’anciens héros puisqu’il met à nouveau en scène ici le duo Sir Hereward / Monsieur Fitz. Dans cette nouvelle, il est question de cambriolage, de dieux endormis, de pantins enchantés, et de statuettes en ivoire. Rien de bien folichon : l’histoire se suit sans ennui mais sans grand intérêt non plus. Certainement pas une des nouvelles les plus marquantes du recueil.

Walter Jon Williams – Diamants tequila

Un acteur sur le retour accepte de tourner dans un film d’action au Mexique, histoire de relancer sa carrière. Le problème, c’est que sa partenaire est retrouvée un matin dans sa loge avec une balle dans la tête. Et avec ses antécédents, notre héros se doute bien que l’affaire ne va pas tarder à lui retomber dessus. On a clairement affaire ici à un thriller qui reprend lui aussi un personnage déjà exploité auparavant par l’auteur. Pas passionnant non plus…

Phyllis Eisentein – La caravane vers nulle part

Phyllis Eisentein nous fournit également l’occasion de nous familiariser avec son principal héros : Alaric, un ménestrel doté du pouvoir de se téléporter. Dans cette nouvelle, on suit le périple du jeune homme au sein d’un groupe de marchands du désert dont il a intégré la caravane. Mais très vite, l’attitude étrange du fils du chef et les tensions qu’elle fait naître au sein de la troupe va bouleverser les plans de tout le monde. Le texte est sympathique, bien rythmé, et (pour une fois) le fait qu’on ne connaisse pas le protagoniste n’a pas trop d’incidence sur l’intérêt que l’on porte au texte.

Lisa Tuttle – L’étrange affaire des épouses mortes

On arrive enfin avec la nouvelle de Lisa Tuttle à la partie de l’anthologie que j’étais la plus impatiente de découvrir étant donné la réputation des auteurs chargés de clôturer l’ouvrage et, effectivement, le niveau augmente de manière significative. L’auteur s’inspire ici du duo Sherlock / Watson et nous offre une enquête évoluant à la frontière du fantastique : une jeune fille croit un jour reconnaître sa sœur, morte de manière étrange quelques semaines plus tôt et enterrée dans un cimetière géré par un homme lui aussi bien étrange. Alors, histoire de fantômes ou simple subterfuge ? La construction du récit est bien maîtrisée, et on se prend vite au jeu de cette enquête qui ne manque pas de titiller notre curiosité. Une réussite.

Neil Gaiman – Comment le marquis a récupéré son manteau

On continue avec une autre très bonne nouvelle dans laquelle Neil Gaiman (qu’on ne présente plus) remet en scène la fameuse Londres d’En-Bas ainsi que l’une de ses figures les plus emblématiques : le marquis de Carabas. Un marquis en difficulté depuis la disparition de son précieux manteau et qui va se voir confronté à de vieux ennemis à la rancune tenace. On retrouve ici les mêmes qualités qui ont fait le succès de « Neverwhere » : de l’humour décalé, des personnages pleins de panache, et surtout une atmosphère à nulle autre pareille qui nous permet de découvrir la capitale anglaise sous un tout autre aspect. Savoureux.

Connie Willias – A l’affiche ce soir

Dans un futur proche, aller au cinéma n’aura pas tout à fait la même signification que maintenant. Imaginez plutôt une sorte de parc d’attraction géant façon Disney avec, certes, des salles de cinéma, mais surtout des manèges, des restaurants ou encore des magasins estampillés « La reine des neiges », « Transformers » ou je ne sais quel autre film à succès. C’est dans ce contexte qu’une jeune fille passionnée de cinéma retombe sur le garçon dont elle est amoureuse et qui a soudainement disparu de la circulation. Son excuse : il est en train d’enquêter sur ces fameux « cinémas » qu’il soupçonne de proposer des centaines de films par jour… mais de ne pas en diffuser certains, s’arrangeant pour que les spectateurs voulant les voir ratent leur séance et se rabattent plutôt sur les bons vieux blockbusters. Véritable complot, ou délire paranoïaque : Lindsay ne sait pas trop quoi penser, jusqu’à ce qu’elle échoue séance après séance à obtenir des places pour le film qu’elle souhaite voir. Encore une fois la plume de Connie Willis fait merveille si bien qu’on se prend à dévorer cette petite nouvelle pleine de suspens qui pullule de références cinématographiques et dénonce l’uniformisation et la marchandisation de tout ce qui tourne autour des films. Une réussite, comme tous les textes de l’auteur que j’ai pu lire jusqu’à présent.

Patrick Rothfuss – L’arbre-éclair

Cela fait maintenant des années que l’on attend avec impatience le troisième tome de « Chronique du tueur de roi » de Patrick Rothfuss qui ne semble toujours pas près d’écrire la suite. Heureusement, cette nouvelle située dans le même univers propose d’atténuer un peu la frustration du lecteur en nous en apprenant davantage sur l’un des personnages de la série : Bast, garçon de course du mystérieux aubergiste de la Pierre Levée. On va suivre le déroulement de toute une journée du protagoniste, entre ses batifolages avec les belles villageoises du coin, ou encore ses conseils aux enfants cherchant à échapper à une correction ou à régler un quelconque problème. On prend plaisir à suivre ce héros roublard et épicurien dont les actions nous paraissent au départ totalement fortuites, jusqu’à ce qu’un chemin complexe mais logique finisse par se dessiner. C’est bien écrit, bien construit, intriguant et souvent drôle : une réussite.

Georges R. R. Martin – Le prince vaurien ou Le frère d’un roi

Georges Martin revient lui aussi à un univers connu puisque sa nouvelle met en scène les préludes d’une des périodes les plus troublées de Westeros : la danse des dragons. Le récit met en scène une multitude de personnages, à commencer par les membres de l’entourage du roi Viserys Ier entre lesquels les tensions ne cessent de s’exacerber. Il y a d’abord son frère, Daemon Targaryen, un vrai vaurien qui ne tient pas en place et dont les ambitions ne cessent d’être contrecarrées. Et puis il y a surtout sa fille, la princesse Rhaenyra, et son épouse, la reine Alicent, qui rivalisent de ruses et d’influences pour faire valoir leurs droits ou ceux de leur progéniture sur le trône de fer. Le texte constitue en fait un prélude à la nouvelle « La Princesse et la Reine » (ou « Les Noirs et les Verts ») publiée dans une autre anthologie dirigée par l’auteur : « Dangerous Women ». G. R. R. Martin montre à nouveau ici toute l’étendue de son talent, nous offrant en une trentaine de pages seulement une véritable chronique historique palpitante, mettant en scène des personnages haut-en-couleur et des intrigues politiques retorses. Sans doute la meilleure nouvelle du recueil.

Après huit-cent pages passées en compagnie d’une vingtaine de vauriens différents, il faut bien reconnaître que le bilan est plutôt mitigé. En dépit d’un thème intéressant, les quelques bons (voire très bons) textes qui composent l’anthologie ne suffisent pas à compenser un gros ventre mou qui ne laissera pas énormément de souvenirs au lecteur. Le principal problème vient du fait que beaucoup d’auteurs prennent le parti de réutiliser les héros de leurs anciennes œuvres. Or, au lieu de nous donner envie de découvrir plus longuement leurs aventures, ces nouvelles nous donnent au contraire trop souvent l’impression d’avoir loupé un épisode, et nous laissent part conséquent sur la touche. Si vous ne deviez lire que quelques unes de ces nouvelles, je vous conseille surtout celles des auteurs suivants : Joe Abercrombie, Gillian Flynn, Scott Lynch, Lisa Tuttle, Neil Gaiman, Connie Willis, Patrick Rothfuss, et bien sûr G. R. R. Martin lui-même.

NB : Vous remarquerez qu’il est donc possible pour les éditions Pygmalion de sortir un volume de 800 pages sans le découper. On est donc bien d’accord que pour tous les romans de Robin Hobb et de G. R. R. Martin ils se fichent de nous ? !

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

11 commentaires

  • Baroona

    Mais qu’est-ce qui a bien pu leur prendre de ne pas sortir la nouvelle de George R.R. Martin toute seule pour le même prix ? Ils sortaient d’une soirée trop arrosée au moment de la décision ? =O

  • lutin82

    Oui, visiblement ils parviennent enfin à sortir un pavé de 800 pages. Ils ont résolu les pb techniques, alors espérons que la recette sera conservé pour le futur (ironie/off)

    Gros ventre mou sur 800 pages… un recueil… je passssssse!

    • Boudicca

      Étrangement ils viennent de publier un nouveau roman de G. R. R. Martin… coupé en deux volumes ! Mais ils sont sympas, ils préviennent que d’ici deux ans ils sortiront le tout en intégrale. Qui a dit « foutage de gueule » ? 😉

  • Davalian

    Bien donc, tout le monde est d’accord : 800 pages chez Pymalion pour quelques pépites… même eux ont eu des doutes sur le lectorat. c’est navrant… mais tentant quand même !

  • Le Scribouillard

    Mine de rien, ce recueil me donne bien envie. Même les trucs qui semblent sans intérêt me semblent pour la plupart intrigants, et Lynch est un génie dès le moment où il ne tente pas de faire de la romance.
    Et bien d’accord que dans le monde de l’édition, certains aiment bien se rafler des pépètes en rab. Y’a qu’à voir Bragelonne qui nous vend à 25€ le tome la trilogie de Patrick Rothfuss en petites coupures… Enfin, quelques vauriens de plus ou de moins…

    • Boudicca

      Tout à fait, ça donne quand même un bon aperçu du style de certains auteurs peu ou pas connus en France.

      De Lynch, je n’ai lu que « Les salauds gentilshommes » (que j’ai adoré) mais je ne connais pas le reste de son oeuvre…

  • Elhyandra

    Je vais déjà me motiver à sortir le Dangerous Women avant d’investir dans celui-là ^^
    Quid de Rothfuss, je n’ai toujours pas lu Le nom du vent et comme le T3 tarde à venir je me demandais s’il allait paraitre un jour vu qu’apparemment sa nouvelle est dans le même monde c’est bien qu’il y travaille encore…hum intense questionnement ^^

  • John Évasion

    Ah mince il m’intriguait fortement celui-là :-O Je ne connaissais pas du tout le soucis avec Pygmalion ^^ merci pour cette petite remarque qui me fait prendre conscience de la malignité de certains éditeurs peu scrupuleux ^^ Humour à part, je pense que 20 auteurs différents dans un seul livre c’est too much. J’avais déjà lu une anthologie d’une quinzaine d’auteurs différents sur un peu moins de 350 pages et je trouvais déjà cela énorme (surtout quand on est chroniqueur et qu’il faut essayer de se replonger à chaque fois dans une nouvelle histoire, redécouvrir de nouveaux codes et reprendre des notes entre chaque texte). Après, le fait qu’il y ait Abercrombie, Rothfuss, Gaiman ou encore GRR Martin peut me faire acheter le livre, mais est-ce suffisant ?
    Merci pour ce bel article qui a dû demander pas mal de boulot !

    • Boudicca

      Merci à toi, c’était effectivement un peu long de tout détailler ^^

      Ce sont les grands noms qui m’ont aussi motivé pour lire cette anthologie, mais j’avoue qu’en dehors de ceux-là (qui valent le coup !), le reste est bien mou…

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