La trilogie de Shiva, tome 1 : Les Immortels de Meluha
Titre : Les Immortels de Meluha
Cycle/Série : La trilogie de Shiva, tome 1
Auteur : Amish Tripathi
Éditeur : Fleuve (Outre fleuve)
Date de publication : 2018 (juin)
Synopsis : Shiva ! Le Mahadev. Le Dieu des Dieux. Destructeur du Mal. Au fil des siècles, aucun étranger ayant foulé notre sol n’a cru possible qu’un être aussi exceptionnel ait pu réellement exister. Et si nous nous trompions ? Et si le Seigneur Shiva n’était pas le produit d’une imagination débordante, mais un homme qui s’est élevé jusqu’à devenir l’égal d’un dieu, grâce à son karma ? Le riche et idyllique empire de Meluha est menacé. Pour renforcer ses rangs, l’empereur a envoyé des émissaires inviter les tribus voisines à rejoindre son royaume et jouir de son opulence en échange de leur allégeance. C’est ainsi que les Gunas, menés par leur jeune chef impétueux, Shiva, arrivent à la ville frontière de Srinagar, capitale du Kashmir. Après avoir absorbé une mystérieuse boisson médicinale, Shiva voit sa gorge luire d’un bleu iridescent. Il est le Neelkanth, le sauveur tant attendu…
Les gens font ce pourquoi la société les récompense. Si la société récompense la confiance, les gens feront confiance.
Une plongée dans la culture et la mythologie indienne
Premier roman d’Amish Tripathi, « Les Immortels de Meluha » a eu un succès retentissant en Inde, puisqu’il s’y est vu récompenser par pléthore de prix avant d’être traduit dans près de vingt langues. Or, huit ans après sa parution originale, voilà que le premier volet de « La trilogie de Shiva » débarque en France chez les éditions Fleuve. Mais le roman est-il à la hauteur de sa réputation ? S’agit-il d’une bonne pioche en matière de fantasy ? Malheureusement, de mon humble point de vue, la réponse est non, et ce pour une multitude de raisons. Mais commençons dans un premier temps par poser un peu le décor : le récit prend place dans un univers d’inspiration antique centré autour des civilisations ayant émergé dans la vallée de l’Indus entre le Xe et le IIe siècle avant J.-C. (soit grosso modo, le Nord de l’Inde, le Pakistan, l’Iran, et l’Afghanistan). Là, le lecteur fait la connaissance d’un certain Shiva, chef d’un petit village, qui décide d’accepter l’offre d’un envoyé de l’empire voisin de Meluha. L’offre en question ? S’expatrier pour venir travailler la terre pour le compte de l’empereur, en échange de la protection de ce dernier contre les ennemis de la petite tribu. Arrivé sur les terres des Meluhan, le jeune guerrier découvre avec fascination une civilisation bien plus avancée que celle qu’il vient de quitter, que ce soit en matière de médecine, d’ingénierie, d’hygiène ou encore d’organisation sociale. Meluha c’est donc en quelque sorte une utopie qui a réussi, une société dans laquelle tout le monde a un rôle qu’il accepte et une place dont il se contente. Seulement cette société (en apparence) idéale se trouve menacée par un ennemi redoutable qui entend bien mettre à bas le régime en place, en n’hésitant pas pour se faire à recourir aux méthodes les plus vils (assassinats de personnages hauts-placés, actes de terrorisme…). Heureusement, le jeune Shiva semble être en mesure de les aider à triompher de leur ennemi. Car il est le Neelkanth, le sauveur attendu par les Meluhan depuis des années.
Des personnages fades…
Commençons par le seul point positif que je suis parvenue à trouver au roman : son décor exotique. Il est en effet très agréable de sortir pour une fois des sentiers-battus et du traditionnel cadre européen pour découvrir une toute autre culture et une toute autre mythologie. Les romans consacrés à la culture hindoue ne sont en effet par légion, et le roman d’Amish Tripathi a au moins le mérite de nous faire sortir de notre zone de confort pour nous frotter à des références que l’on ne connaît malheureusement que trop peu. L’auteur n’hésite pas, pour renforcer l’immersion, a faire appel à quantité de termes renvoyant à des concepts qui sont parfois difficiles à appréhender pour le lecteur européen, mais qui permettent d’aborder des thématiques elles aussi rarement évoquées d’ordinaire. Pour ce qui est du dépaysement, donc, le roman est une vraie réussite. Le problème, c’est que tout le reste n’est pas à la hauteur. C’est le cas notamment des personnages qui sont, hélas, dénués de toute profondeur. Shiva, notamment, est d’une candeur hallucinante qui donne souvent au lecteur l’envie de le prendre par les épaules pour le secouer un peu. Le jeune homme se contente dans ce premier tome du rôle de spectateur, ne voyant de toute évidence aucun désagrément à être manipulé par tous ceux qui croisent sa route, et considérant comme son ami toute personne qui lui témoigne un peu d’intérêt. Les autres personnages sont tous aussi fades ou caricaturaux, à commencer par la belle princesse bad-ass qui en pince pour le héros. Leur histoire d’amour est d’ailleurs dépeinte avec une mièvrerie telle qu’elle donne parfois à elle seule l’envie d’abandonner là la lecture : machin aperçoit machine, c’est le coup de foudre pour machin (parce que machine est sublime évidemment, et tant pis s’il se révélerait plus tard qu’il s’agit d’une vraie gourde), alors machin poursuit machine de ses assiduités mais machine résiste alors qu’elle l’aime elle aussi, etc, etc… Voilà, c’est juste insupportable.
… et un style maladroit
Outre ce manque d’intérêt manifeste pour les personnages, j’ai également été gênée par le style de l’auteur, même s’il est toujours délicat de commenter la plume d’un auteur qui est passé par la case traduction Seulement, dans le cas présent, il est assez difficile de faire abstraction de la simplicité des dialogues (ce qui ne serait pas un aussi gros problème en soi, s’ils n’occupaient pas une grosse partie du récit). Le ton de la plupart des échanges entre les personnages alternent ainsi entre une candeur déplacée ou une obséquiosité agaçante : tout le monde se fait des ronds de jambes, se congratule, se complimente, et ce presque sans arrêt (« ah que machin est sage ! » « ah que bidule est grand et fort » « ah que cet empire est bien organisé » « oh mais voilà une question qu’elle est bonne ! »…), et ça devient vraiment fatiguant. J’ai également été gênée par la mauvaise utilisation qui est faite ici du glossaire qui, parce que situé en fin du volume, oblige à effectuer des aller-retour incessants entre le texte et le lexique. C’est d’autant plus agaçant qu’on se rend vite compte que la plupart de ces définitions sont complètement inutiles, soit parce que le terme se comprend très bien tout seul grâce au contexte, soit parce que l’auteur le définit lui-même un peu plus loin dans la phrase. Pour ce qui est de l’intrigue, enfin, là encore la déception est au rendez-vous. L’auteur nous brosse un récit reposant sur des ressorts très classiques et qui évolue avec une lenteur d’escargot pendant au moins la première moitié du roman. On peut également reprocher le manque de subtilité avec lequel l’auteur nous balance les informations dont on a besoin pour comprendre le contexte local, explications qui prennent la forme de longues tirades émanant de la bouche des Meluhans qui n’en peuvent plus de vanter les mérites de leur civilisation.
En dépit de sa très belle couverture qui reflète parfaitement l’exotisme du décor, ce premier tome de « La trilogie de Shiva » a donc été une grosse déception. Personnages fades, histoire d’amour datée, intrigue peu captivante, plume maladroite… : autant d’éléments qui ont très vite douché mon enthousiasme et qui m’ont complètement fait passer à côté du roman. Dommage.
Autres critiques : Jean-Philippe Brun (L’ours inculte)
8 commentaires
L'ours inculte
Complètement d’accord, on frise le ridicule assez souvent, surtout cette histoire d’amour XD
Boudicca
Ouf, au moins on est deux ^^
John Évasion
Mmh, compliqué de donner un vrai avis sur un texte qui a subit différentes traductions. La langue en Inde possède des mots qui n’ont pas d’équivalent à la traduction chez nous je crois donc ça doit pas être évident de réécrire la chose et de retransposer l’essence même du texte original (de l’hindi à l’Anglais il y a déjà dû avoir des différences et de l’anglais au français).
Après, il faut aussi penser à la mentalité des Indiens qui est de loin très différente de la nôtre (il suffit de regarder l’un ou l’autre de leurs films et on est tout de suite fixé). C’était un risque de Fleuve Éditions de publier un machin si exotique qui ne passerait peut-être pas bien par ici. C’est dommage car la couverture est superbe.
Boudicca
Tout à fait pour la traduction, et c’est pour ça que je ne rejette pas la faute sur l’auteur. C’est vrai que c’était assez risqué de la part de Fleuve, et je suis d’autant plus déçue de ne pas avoir réussi à adhérer au bouquin.
Mais sans doute que d’autres lecteurs lui trouveront des qualités (j’ai vu des retours positifs sur Babelio, par exemple).
Enzo Marie
Bonjour, je viens de découvrir ton site et… c’est vraiment pas mal. 👍
J’ai aussi un blog et si tu le souhaites, tu peux aller y jeter un coup d’oeil et t’y abonner 😉
lutin82
ben décidément, il n’y a pas tant de superbes pioches au Bibliocosme ce mois-ci!
Sorry pour vous
Boudicca
On a des trucs très sympas qui se préparent (on fait un petit break pendant l’été^^). Mais j’avoue que pour celui-ci tu peux malheureusement passer ton chemin… :s
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