Fantasy

Le Prince du néant, tome 3 : Le chant des sorciers

Titre : Le chant des sorciers
Cycle : Le prince du néant, tome 3
Auteur : R. Scott Bakker
Éditeur : Fleuve noir / Pocket
Date de publication : 2009 / 2010

Synopsis : Anasûrimbor Kellhus, le Guerrier Prophète, est admiré et craint de tous car ses pouvoirs sont les seuls à rivaliser avec ceux de la Consulte, la créature des sorciers. Achamian est toujours son proche conseiller même si Esmenet, son amour de toujours, a finalement épousé le Prophète. Le destin de Kellhus est sur le point de s’accomplir, au cœur de la Guerre Sainte. Parviendra-t-il enfin à atteindre la ville de Shimeh et rejoindre son père ? La Seconde Apocalypse laissera-t-elle des survivants pour raconter son histoire ou verra-t-elle la fin de la civilisation ?

Lire, réalisa-t-elle, replaçait. Cela changeait en vapeur tout ce qui était immédiat, et permettait à ce qui était ancien et lointain d’apparaître à la vue. Cela changeait le « ici » en « partout ». Cela libérait l’instant de la prison du présent et lui donnait l’aspect de l’éternité.

 

Sans atteindre le niveau des deux précédents volumes, « Le chant des sorciers » met un terme à une trilogie de fantasy tristement méconnue en dépit de sa qualité. Terminés les balbutiements du début : le lecteur est désormais totalement à l’aise avec les spécificités de l’univers d’Eärwa et la complexité du jeu politique qui est en train de se jouer au delà de la guerre sainte (c’est à peine si on a besoin de consulter l’imposant glossaire proposé en fin de volume !). L’échiquier et toutes ses pièces sont désormais en place pour le grand final (attention, petits spoilers dans la phrase qui suit) : Kellhus est enfin parvenu à prendre le contrôle de la Guerre sainte et se lance à son tour à la conquête de Shimeh, tandis que la Consulte fait planer une menace de plus en plus grande sur le monde. Si on retrouve dans ce troisième tome la plupart des qualités qui faisaient le charme des précédents volumes, force est d’admettre que « Le chant des sorciers » nous laisse avec un léger goût d’inachevé. Alors que l’auteur prenait jusqu’à présent son temps, quitte à se permettre quelques longueurs par moment, on est surpris ici de le voir mettre les bouchées doubles pour bien clôturer son récit, quitte à frustrer quelque peu le lecteur. Certains événements attendus avec impatience depuis le commencement du récit sont ainsi abordés très (trop) rapidement comme l’arrivée de la croisade à Shimeh (la ville sainte qui est tout de même au cœur de toute cette croisade), ou encore de la confrontation entre Cnaïur, Kellhus et le père de celui-ci.

Que tout le monde se rassure, si le final n’est peut-être pas l’apogée que l’on espérait, l’ensemble reste tout de même de très bonne facture. R. Scott Bakker excelle encore une fois à nous plonger aussi bien au cœur des batailles les plus épiques qu’à nous exposer les conflits intérieurs de ses personnages qui ont parcouru bien du chemin depuis le début de cette aventure. Difficile de ne pas être sensible à la culpabilité d’Esmenet, tiraillée entre deux amours, ou bouleversé par la vision de deux des protagonistes complètement submergés, Cnaïur par la folie, et Drusas Achamian, par ses cauchemars. « Elle voyait tout cela clairement maintenant. Les cités abandonnées. Les temples en flammes. Les rangées de cadavres qui bordaient les routes des esclaves vers la Golgotterath. Elle suivit les Erratiques nonhumains alors qu’ils battaient la campagne à la recherche des survivants. Elle vit les srancs extirper les mort-nés pour les brûler sur des bûchers. Elle observa tout cela de loin, près de deux mille ans trop tard. Elle n’avait jamais rien lu d’aussi noir, d’aussi désespérant ni d’aussi glorieux.Voilà, se répétait-elle encore et encore, ce que sont ses nuits. » Difficile de rendre compte par de simples extraits de la qualité de la prose de l’auteur mais n’en doutez pas, R. Scott Bakker possède une plume capable de convoquer des images d’une rare puissance. Ses réflexions sur la politique, la religion, ou encore l’histoire sont également très pertinentes.

 

Trilogie de fantasy sombre et complexe, « Le Prince du néant » est le genre de récit qui marque durablement le cœur et l’esprit du lecteur. C’est très noir, très complexe mais aussi formidablement épique et tragique. Bref, si vous n’êtes pas rebutés par les univers foisonnants et les personnages torturés, l’œuvre devrait sacrément vous plaire !

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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