Fantasy

L’instinct du troll

L'instinct du troll

Titre : L’instinct du troll
Auteur : Jean-Claude Dunyach
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2015(mars)

Synopsis : Glissez-vous dans l’intimité d’un troll le temps de quatre aventures qui font trembler la terre jusqu’aux tréfonds des mines les plus obscures. Bien sûr, pour cela, vous allez devoir franchir les falaises du Désespoir, affronter les périls du col des Assassins et vous enfoncer dans les marais de la Mort sinueuse, mais ne vous inquiétez pas : après, c’est fléché. Et, avant, mieux vaut savoir que, s’il faut qu’un troll s’habille pour une occasion spéciale, il convient de le prévenir dix ans à l’avance. Surtout, n’oubliez jamais que l’eau ferrugineuse est un fléau qui ravale le troll au rang de l’homme. Alors, vous qui entrez ici, laissez toute espérance ainsi que vos affaires personnelles au vestiaire. Et n’oubliez pas de rapporter vos notes de frais.

Note 3.5

Au carrefour de deux chemins se dressent deux pierres levées. Entre elles est tendue une bâche d’un noir de suie sur laquelle est écrit à la craie : « Grandes fêtes du solstice. Dégustation de bière nouvelle. Ménestrels, saucisses, bûchers d’hérétiques. Trolls s’abstenir.

 

Quand on parle de « light fantasy » aujourd’hui, on pense évidemment aussitôt à Pratchett et ses « Annales du Disque-monde ». Certains auteurs français se sont pourtant eux aussi essayés à marier humour et fantasy : c’est le cas notamment de Catherine Dufour (« Quand les dieux buvaient »), Fabrice Colin (« A vos souhaits ») ou plus récemment de Jean-Claude Dunyach qui signe avec « L’instinct du troll » un recueil de quatre nouvelles franchement désopilantes. Il faut dire que son idée ne manque pas de panache : transposer le monde du travail en entreprise dans un univers fantasmé peuplé de nains, elfes, trolls, licornes et autres créatures surnaturelles. Vous imaginez un peu des héros obligés de produire un planning prévisionnel avant de partir en mission ? Ou des « forêts maléfiques » transformées en parc naturel dans lequel les espèces les moins ragoutantes sont désormais protégées ? Ou des chemins balisés indiquant la route la plus courte pour trouver la tanière de dangereux sorciers ? « -On va jeter un coup d’œil avant de rentrer. C’est juste à côté. -Juste à côté comment ? Je me méfie avec vous ! -Le chemin est un peu compliqué, admets-je. On va devoir franchir les falaises du Désespoir, affronter les périls du col des Assassins et nous enfoncer dans les marais de la Mort sinueuse. Après, c’est fléché. » Guère étonnant dans ces circonstances que l’auteur ait choisi pour héros un troll chargé de l’exploitation d’une mine et de la gestion de sa masse salariale (des nains particulièrement zélés) tout en étant forcé de se coltiner le pire fléau que son patron pouvait lui imposer… : un stagiaire !

Les quatre nouvelles du recueil nous permettent chacune de découvrir un aspect différent du management exercé par les humains sur leurs homologues magiques. Et c’est justement de ce décalage entre une vision très contemporaine du travail et des personnages issus du folklore ou de la mythologie évoluant dans un décor à forte influence médiévale que se déclenche l’humour. « –Vous voulez que je vous fasse un paquet cadeau ? On a de très jolis fourreaux pour enterrement de vie de garçon. -Vous avez de la graisse pour la lame ? -On ne s’en sert plus, sourit-il. On a des lingettes autonettoyantes. Parfums soir de bataille, vieux cuir ou entrailles fumantes. Je vous mets lesquelles ? » Les dérives de la bureaucratie, l’inutilité de la tonne de paperasse qu’on nous impose de remplir, le décalage entre les ordres émanant de la direction et la situation sur le terrain… : autant de thématiques abordées ici par l’auteur qui grossit (à peine) le trait pour provoquer l’hilarité du lecteur... et ça fonctionne ! Dans « Respectons les procédures », nouvelle préalablement publiée dans l’anthologie « Magiciennes et sorciers » et chargée d’ouvrir le recueil, notre sympathique troll se retrouve par exemple sanctionné pour ne pas avoir rapporté ses notes de frais. Et peu importe si la mission fut un succès ou non : ce qui compte, c’est de suivre les procédures à la lettre. « Même si elles ne servent à rien » ! Dunyach n’hésite pas non plus à se réapproprier certains mythes bien connus, proposant, entre-autre, un détournement pour le moins culotté d’un des plus célèbres épisodes de la légende arthurienne. Attention vous risquez de ne plus voir Excalibur de la même façon !

 

Pari réussi pour Jean-Claude Dunyach qui signe avec « L’instinct du troll » un recueil très amusant reprenant des thématiques propres au monde du travail d’aujourd’hui pour les appliquer à des créatures qu’on imaginait pourtant jusqu’à présent bien loin de telles considérations. De quoi faire travailler vos zygomatiques !

Autres critiques : AcrO (Livrement) ; Blackwolf (Blog-O-livres) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Eleyna (La bulle d’Eleyna) ; Xapur (Les lectures de Xapur)

Critique réalisée dans le cadre du Challenge Francofou 4

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Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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