La Vénus anatomique
Titre : La Vénus anatomique
Auteur : Xavier Mauméjean
Éditeur : Mnémos / Le livre de poche
Date de publication : 2004 / 2006
Récompenses : Prix Rosny aîné du meilleur roman (2005)
Synopsis : Voici une singulière uchronie. En 1752, Julien Offray de la Mettrie, qui vient de publier L’homme machine, ouvrage condamné et brûlé pour matérialisme, est tiré de sa retraite de Saint-Malo par ordre du roi. Enrôlé dans le Secret du Roi, cet ancêtre de l’espionnage, il lui faut gagner la Prusse et participer, en compagnie de Vaucanson, de Fragonard l’anatomiste, frère du peintre, et de Casanova, à une grande oeuvre : fabriquer une Vénus anatomique, une femme artificielle. Le siècle des lumières mérite ici pleinement son surnom tant une technologie débridée anticipe largement notre XXIe siècle.
Un pacte lie l’océan aux Malouins. Ce douloureux calcul est logé dans la tête du marin, et aucun trépan ne saurait en venir à bout. Il vaut pour contrat, comme ces promesses d’amour que l’on retrouve parfois gravées sur les galets. Il est cette association irrévocable entre la mer et ses gens. La marée mord le promontoire de schiste, émousse les maux des habitants, digère leurs vices. Et l’océan rappelle à chaque instant au cerveau qu’il est le berceau flottant de tous les êtres. (…) En retour, pour honorer sa part, la cité offre ses meilleurs fils à la mer : Jacques Cartier, qui porta les couleurs royales jusqu’aux rives du Saint-Laurent, Gouin de Beauchesne, premier Français à doubler le Cap-Horn, Mahé de la Bourdonnais, lieutenant à vingt ans de la Compagnie des Indes, puis gouverneur des îles Maurice et de la Réunion. Bien des hauts faits associés à notre belle ville, qui fut un temps république en cœur de France.
S’il y a un auteur que les uchronies semblent inspirer, c’est bien Xavier Mauméjean. Entre « Rosée de feu », « Bloodsilver » ou encore « Le cycle de Kraven », ce ne sont pas les exemples qui manquent, ni les périodes historiques abordées. Avec « La Vénus anatomique » c’est le XVIIIe qui est à l’honneur, siècle des Lumières qui voit l’émergence de nouvelles idées et la réalisation d’importants progrès scientifiques et techniques. Une émulation intellectuelle qui finit par pousser les principaux souverains d’Europe à lancer sous la férule de Frédéric II un concours réunissant les plus brillants esprits du continent dans le but de tenter l’impossible : recréer un nouvel Adam. Enfermés toute une année dans une ville de Berlin quasiment désertée de ses occupants et reconvertie pour l’occasion en un gigantesque panopticon, hommes de sciences et de lettres rivalisent d’ingéniosité pour contenter leurs mécènes et repousser les limites de leur art. L’occasion pour Mauméjean de mettre en scène quantité de personnages historiques plus ou moins connus comme Vaucanson (bio-mécanicien de génie), Fragonard (le cousin du grand peintre) mais aussi Diderot, Casanova, et bien sûr Julien Offroy de la Mettrie, médecin auteur de « L’Homme machine » qui se fait ici narrateur. Ajoutez à cela des intrigues de cours, des sociétés secrètes rivales, des expérimentations scientifiques et politiques à grande échelle et vous obtenez un roman divertissant mais peut-être un peu trop foisonnant.
La première partie du récit, pour intéressante qu’elle soit, est notamment un peu trop longue si bien que l’on tarde à comprendre les véritables enjeux de l’intrigue qui paraît par moment un peu trop fouillis. On passe cela dit un agréable moment au côté de ce Julien de la Mettrie grâce à la plume de Xavier Mauméjean qui s’est plu à restituer le style de l’époque pour renforcer l’immersion de son lecteur. On peut également saluer la qualité des recherches de l’auteur qui, en dépit de l’uchronie, nous propose ici une reconstitution réussie de cette Europe du XVIIIe en pleine mutation. Le récit est d’autant plus passionnant que certaines des expériences évoquées ne sont absolument pas nées de l’imagination de l’auteur mais ont bel et bien été réalisées par les personnes concernées (les automates de Vaucanson, ces bébés coupés de toute présence humaine sur ordre de Frédéric II afin de savoir s’ils développeraient un autre langage…) Le lecteur s’amusera aussi certainement de la rencontre du protagoniste avec certaines des figures emblématiques de l’époque comme Louis XV et sa Pompadour mais aussi Casanova ou encore le Chevalier d’Éon. Un bémol toutefois en ce qui concerne les personnages qui paraissent souvent trop distants et qu’on accompagne donc avec une relative indifférence que ne vient hélas pas atténuer la narration à la première personne du médecin philosophe.
Si « La Vénus anatomique » n’est sans doute pas la meilleure uchronie de Xavier Mauméjean, le roman n’en reste pas moins original par son sujet et convainquant au niveau de sa reconstitution historique. Un « Frankenstein » version cape et épée, en somme.
Autres critiques : Lhisbei (RSF Blog)
Critique réalisée dans le cadre du Challenge Francofou 3 et du Challenge ABC Littératures de l’Imaginaire 2016
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