Science-Fiction

1984

1984

Titre : 1984
Auteur : Georges Orwell
Éditeur : Galliamard / Folio SF
Date de publication : 1950 / 1972

Synopsis : De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston… Au loin, un hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas d’importance. Seule comptait la Police de la Pensée.

Note 4.5

Dans le passé, aucun gouvernement n’avait le pouvoir de maintenir ses citoyens sous une surveillance constante. L’invention de l’imprimerie, cependant, permit de diriger plus facilement l’opinion publique. Le film et la radio y aidèrent encore plus. Avec le développement de la télévision et le perfectionnement technique qui rendit possibles, sur le même instrument, la réception et la transmission simultanées, ce fut la fin de la vie privée.

 

Cela fait maintenant quelques années que les romans dystopiques, récits dépeignant une société futuriste dans laquelle un régime politique empêche les Hommes d’accéder au bonheur, ont tendance à se multiplier aussi bien auprès des adultes que d’un public beaucoup plus jeune (le récent succès de romans tels que « Hunger Games » ou encore « Divergente » l’illustre parfaitement). J’étais personnellement ressortie très troublée il y a quelques années de ma lecture des deux chefs d’œuvre que sont « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury et « La zone du dehors » d’Alain Damasio. Aujourd’hui, c’est surtout le caractère alarmant de la conjoncture politique actuelle qui m’a finalement incité à me plonger dans ce qui reste aujourd’hui encore LA référence en matière de dystopie : le « 1984 » de Georges Orwell. Autant vous dire que ce n’est pas ce qu’il y a de mieux pour remonter le moral… L’auteur nous y dépeint une société sous l’emprise d’un régime totalitaire à l’organisation si bien huilée qu’il est devenu, au fil des années, complètement indestructible. L’action se passe dans les années 1980, quelques décennies après une révolution ayant entraîné l’arrivée au pouvoir en Angleterre du Parti de l’Angsoc et de son leader incontestable et incontesté : Big Brother. Un phénomène qui semble s’être également produit partout ailleurs puisque le monde ne comprend alors plus que trois états (Océania, Eurasia et Estasia), tous dirigés par un régime totalitaire et tous perpétuellement en guerre les uns avec les autres.

1984 Big Brother

C’est dans ce contexte que vit Winston, habitant d’Océania et membre du Parti extérieur, une sorte de classe moyenne servant d’intermédiaire entre les prolétaires (les laissés pour compte) et les membres du Parti intérieur (les privilégiés). S’ils sont épargnés par la pauvreté, les membres du Parti extérieur se doivent de suivre à la lettre les règles du Parti et en sont ainsi réduits à une vie qui fait tout bonnement froid dans le dos. Il y a d’abord la surveillance constante par le biais des télécrans, des émetteurs-récepteurs dont sont équipées toutes les maisons et qu’il est évidemment impossible de débrancher. Observés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les membres du Parti doivent prendre garde à chacun de leur geste, chacune de leur parole. Il faut toujours montrer à la caméra un visage impassible, ne jamais manifester aucune émotion sauf bien sûr de la dévotion pour Big Brother et de la haine pour ses ennemis. Toute notion de loisir et de plaisir a depuis longtemps été bannie : les activités solitaires telles que la lecture ou la promenade sont jugées particulièrement suspectes, quant aux relations sexuelles, elles ne doivent plus servir qu’à la procréation et être considérées comme un devoir à remplir de manière hebdomadaire pour le bien du Parti. « On exige des membres du Parti, non seulement qu’il ait des opinions convenables, mais des instincts convenables. » : voilà le monde dans lequel doit vivre notre protagoniste, terrifié à l’idée d’être détecté et embarqué par la redoutable « Police de la Pensée » chargée d’éliminer les rebelles ou les membres « malades » de la société.

1984 Slogans

Publié en 1949, le roman emprunte évidemment pas mal de choses aux régimes totalitaires ayant fleuri tout au long du XIXe siècle que ce soit le nazisme, le fascisme, ou encore le stalinisme. La grande force de l’ouvrage tient à l’exceptionnelle lucidité d’Orwell concernant le fonctionnement de ces régimes totalitaires et à la qualité de ses descriptions. Il montre très bien, par exemple, que la manipulation des masses passe aussi bien par la propagande que par une progressive restriction de la pensée du peuple par le biais d’un reformatage de la langue. Cela passe aussi, et c’est même l’élément clé pour Orwell, par une manipulation systématique du passé grâce à des falsifications visant à faire correspondre l’histoire et la version officielle du Parti : qui contrôle le passé contrôle l’avenir, c’est aussi simple que cela. L’auteur dépeint également brillamment le processus d’endoctrinement de la jeunesse utilisé par ces régimes pour tuer dans l’œuf toute attitude rebelle chez les futures générations. Impossible de ne pas être glacé à la lecture de cette société complètement formatée et dévitalisée, régie par une puissance devenue quasiment omnipotente et omnisciente. Le final est d’ailleurs particulièrement désespérant, et c’est peut-être là qu’il y aurait une critique à formuler : à l’exception du protagoniste (et d’une certaine mesure de sa compagne) personne ne montre ne serait-ce qu’une toute petite velléité de rébellion qui pourrait laisser entrevoir une lueur d’espoir. Une vision à mon sens un peu trop pessimiste, même dans une dictature aussi élaborée que celle de Big Brother…

 

Difficile un fois l’ouvrage refermé de ne pas saisir en quoi « 1984 » a pu marquer des générations de lecteurs et en quoi il reste plus que jamais d’actualité. Orwell fait preuve d’une perspicacité stupéfiante et nous décrypte par le détail tous les mécanismes utilisés par les régimes totalitaires pour transformer les masses en bons petits troupeaux obéissants, et ce bien souvent sans qu’ils s’en rendent même compte. Une lecture dérangeante, démoralisante, mais surtout d’un tel réalisme et d’une telle force qu’elle ne peut manquer d’éveiller les consciences. Quelque chose me dit que certains en auraient bien besoin…

Autres critiques : Adlyn Loompa (Livers & petits papiers) ; Gaelle (Pause Earl Grey)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

Aucun commentaire

  • Belzaran

    C’est marrant que tu cites « Fahrenheit 451 » et « La zone du dehors », car ce sont deux (rares) livres que je ne suis pas arrivé à terminer… Et en m’y reprenant à deux fois pour le premier !

    Par contre, aucun souci pour aller au bout de « 1984 » !

  • Holly Goli

    J’avais lu ce roman au lycée et je l’ai étudié en L1 d’anglais. J’adore ce roman. Je l’aime tellement que lors de mon année d’assistanat en Angleterre, j’ai vu la pièce de théâtre (si ça t’intéresse, j’ai fait un article dessus avec des photos à l’appui). Du même auteur, je te conseille le superbe « Animal Farm » pardon ! « La ferme des animaux » (réflexe d’angliciste). Ces deux romans sont au programme du CAPES d’anglais. A part ça, si je peux te conseiller un roman qui est loin de la dystopie mais une uchronie, « The plot against America »/ »Le complot contre l’Amérique » de Philip Roth qui lui pourrait correspondre à ce que l’on vit actuellement en France et ailleurs.

    • Boudicca

      J’ai vraiment beaucoup aimé aussi et je pense que je vais effectivement me laisser tenter par « La ferme des animaux ». Je note également pour le Philip Roth (je connaissais l’auteur mais pas ce roman) et je vais aller jeter un œil à ton article sur la pièce de théâtre 🙂

      • Holly Goli

        Philip Roth est un excellent auteur. Dire qu’il n’y jamais eu de prix Nobel de littérature … j’y comprends rien. Tous ses romans sont géniaux. Mémé (ma grand-mère quoi) a adoré son dernier roman, « Némésis » (moi aussi). J’ai juste eu du mal avec « Pastorale Américaine ».

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