Panopticon
Titre : Panopticon
Auteur : Nicolas Bouchard
Éditeur : Mnémos (collection Dédale / collection Hélios)
Date de publication : 2013 / 2015
Synopsis : « Au crépuscule de ma vie, je croyais être en mesure d’expliquer la plupart des comportements humains les plus violents, et d’apporter des éléments de réponse concrets pour les circonscrire. Comme je me trompais. Je me rappelle lorsque tout a commencé, en 1820, à Londres, après cet étrange attentat de nature… surnaturelle, pour ne pas dire magique… » Jeremy Bentham. Sur fond de conspiration internationale, dans un dix-neuvième siècle sombre et réaliste, un professeur philanthrope enquête sur des attentats menés par des enfants doués de pouvoirs surnaturels terrifiants.
L’homme n’est peut-être pas un animal, il n’est peut-être pas toujours dominé par ses instincts mais la plupart des règles qu’il a établies, en quelque endroit du globe, n’ont pour seul but que ces trois impératifs que l’on peut aisément résumer en un seul : la survie. J’en conclus donc que l’origine de la morale n’est pas dans l’homme, elle n’est pas non plus transcendante à l’homme, elle lui est nécessaire comme le fait de respirer ou de se nourrir.
1820. Londres. Le vieux philosophe anglais Jeremy Bentham est sollicité pour éclaircir le curieux incident ayant apparemment traumatisé les Londoniens présents à une représentation donnée au King’s Theatre en présence du premier lord du pays. Tous les témoins de la scène jurent en effet avoir vu des créatures mythologiques terrifiantes se matérialiser sous leurs yeux avant de les attaquer. A l’origine de ce qui s’avérera n’être que de simples illusions, le vieux professeur découvre un jeune garçon doté de puissants pouvoirs et de toute évidence manipulé par un mystérieux homme en noir. Commence alors pour le philosophe une vaste enquête qui l’entraînera en Europe de l’Est sur la piste d’autres enfants possédant eux aussi de bien étranges aptitudes. Sans pouvoir être qualifié de chef d’œuvre, le roman de Nicolas Bouchard repose sur des bases solides et offre par conséquent un agréable divertissement au lecteur. La période historique choisie est plutôt originale de même que la zone géographique puisqu’on passe l’essentiel du récit sur les routes de l’Europe de l’Est, encore bouleversée par la redéfinition des frontières décidée par le Congrès de Vienne. Les recherches de l’auteur et les petites anecdotes ou références dont il parsème son récit lui permettent de poser un cadre convainquant : on rencontre certains des grands hommes politiques de l’époque (Metternich, notamment), on prend conscience de la rancœur des populations à l’encontre des responsables du partage de Vienne, on découvre l’évolution des techniques de traitement en matière de problèmes psychiatriques…
L’un des aspects les plus intéressants du roman réside d’ailleurs dans la place accordée par l’auteur au mesmérisme, plus connu sous le nom de magnétisme animal, une pratique très décriée qui se répand en Europe à partir du XVIIIe siècle. Parmi les autres thèmes abordés par l’ouvrage, on trouve également celui du conditionnement des enfants et des expériences (souvent cruelles) qui ont pu être réalisées dans ce domaine. Que se passerait-il si, par exemple, on habituait un enfant dès son plus jeune âge à ne pas se servir de ses yeux comme ce fut le cas du petit Sérafim ? Ou à prendre du plaisir uniquement dans la douleur comme la sauvageonne Pavlina ? Ou encore à voir ses moindres caprices êtres obéis, sans aucune limite comme le petit « roi » Vassili ? L’auteur met en scène tous ces jeunes personnages de manière très touchante aussi est-ce avec beaucoup de curiosité que l’on suit leurs pérégrinations et leur progressive acclimatation à un mode de vie « normal ». Là encore l’auteur mêle habilement fiction et réalité en intégrant au récit des horribles mésaventures dont ont été victimes ses héros des témoignages historiques concernant par exemple les véritables expérimentations menées sur le sujet par Frédéric II (il fit élever deux bébés dans la solitude la plus complète afin de savoir quelle serait la première langue qu’ils finiraient par parler mais tous deux moururent avant d’avoir pu prononcer un mot) ou encore le cas d’enfants-sauvages (une excellente bande dessinée intitulée « Sauvage » a d’ailleurs récemment été consacrée à ce propos).
Nicolas Bouchard nous livre avec « Panopticon » un roman divertissant prenant place dans l’Europe du XIXe siècle dont il réutilise certaines des théories les plus en vogue en matière de philosophie et de médecine psychiatrique, le tout saupoudré d’une légère dose de fantastique. Une découverte dont vous auriez tort de vous priver, d’autant plus que le roman a récemment fait l’objet d’une réédition en poche dans la collection Hélios.
Critique réalisée dans le cadre du Challenge Francofou 3
Aucun commentaire
Lupa
Original et tentant sont les deux mots qui me viennent à l’esprit en lisant ta chronique, alors je prends note de ce titre ! Merci 🙂
Boudicca
Avec plaisir, en espérant que tu passeras un bon moment de lecture 🙂
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