Dracula [1897]
Titre : Dracula
Auteur : Bram Stoker
Éditeur : J’ai Lu
Date de publication : 1897 (VO) / 1978 (traduction française)
Synopsis : En arrivant dans les Carpates, le clerc de notaire londonien Jonathan Harker est épuisé par son périple. Mais son client et hôte, le comte Dracula, a tout prévu : une chambre lui a été retenue à l’auberge pour la nuit, an attendant de rejoindre le château en calèche. Mais pourquoi les habitants du village se signent-ils avec des mines épouvantées quand Jonathan leur dit où il compte se rendre ? Pourquoi lui fait-on cadeau d’un crucifix et de guirlandes d’ail ? Malgré ces mises en garde, Harker poursuit sa route. Certes, ces montagnes escarpées, ces loups qui hurlent dans le lointain ont de quoi faire frissonner. Mais enfin, tant de superstitions au cœur du XIXe siècle ! Jonathan est un homme raisonnable…
Nul homme ne soit, tant qu’il n’a pas souffert de la nuit, à quel point l’aube peut être chère et douce au cœur.
Dracula de Bram Stoker appartient à cette catégorie d’ouvrages assez rares : ceux qui ont marqué leur époque et la littérature de manière générale. Composé au XIXème siècle et qualifiable de Pavé (plus de 500 pages), dans un style d’une autre époque, il peut de prime abord démotiver un certain nombre de vocations, ce qui serait tout simplement une grave erreur.
Le style épistolaire donne une profondeur certaine et une qualité indéniable au texte. Cette force combinée aux points de vue rétrospectifs des personnages embarque le lecteur dans une aventure à part entière. Il est ainsi possible de lire, d’essayer de reconstruire l’histoire, voir de l’analyser pour les plus audacieux. Les relectures permettent à chaque fois de découvrir un autre pan de l’histoire. Contrairement aux Liaisons dangereuses, les supports ne lassent jamais, tant ceux-ci sont divers : lettres, journaux intimes, récits oraux retranscrits, billets et mêmes quelques (trop rares, hélas) coupures de presse.
Le rythme de l’intrigue monte crescendo. Les lecteurs contemporains, et notamment ceux de L’Assassin royal ne pourront qu’être séduits. Certes, le récit est un peu long à démarrer et quelques longueurs viennent retarder le dénouement mais celui-ci reste haletant et bien travaillé.
Ce grand classique est l’une des pierres angulaires de la mythologie vampirique. Une certaine orientation sensuelle sous-jacente est indéniable. Elle tranche avec les grands principes et témoignages de valeur (l’honneur, l’amitié, les principes religieux) fréquemment évoqués par tous les personnages. L’approche est toutefois bien plus maitrisée que celle d’Anne Rice. Les personnages sont passionnants à suivre, même si l’on peut regretter que Lucy ne tienne pas une place importante et soit aussi vite remplacée. De même, la personnalité de Jonathan Harker semble décidément bien falote malgré une première partie prometteuse. Quincey Morris, qui fait l’objet de tant d’éloges, semble ne tenir aucune correspondance, même avec son Texas natal, ce qui est quelque peu étrange à la réflexion. Une place laissée libre pour un éventuel continuateur ?
Certains choix de l’éditeur J’ai Lu demeurent pour le moins contestables. Il a été décidé de placer une nouvelle introductive « L’invité de Dracula » après le dénouement de l’œuvre éponyme. Le préjudice est ici double : le lecteur va se sentir frustré de ne pouvoir bénéficier de cette mise en bouche préalable. Elle aurait certes contribué à retarder le démarrage de l’intrigue mais cette attente fait partie de l’aventure et il s’agit du choix de Bram Stoker. Par ailleurs, les événements de Dracula prennent ainsi un sérieux coup dans l’aile, leur conclusion donne même l’impression d’être niée. Des commentaires viennent enrichir le texte original. Dommage que ceux-ci oublient de faire référence à un écrit de Dom Calmet. C’est pourtant ce texte-là qui est à l’origine du roman. Dommage, car l’écrit en question est basé sur des faits… ayant réellement eu lieu.
Il n’y a pas à hésiter : Dracula est une référence qu’il faut absolument lire. Sa lecture aura pris quelques rides (le lecteur contemporain déjà habitué à la faune vampirique peut avoir du mal à se laisser porter par le suspens de l’époque), mais celles-ci sont vite reléguées au second plan, tant le récit est riche et profond. N’oublions pas que nous avons ici affaire à un grand classique qui pose les jalons d’une mythologie, avec de nombreuses surprises et sans les rajouts des auteurs qui se sont lancés dans la brèche ainsi ouverte.
Autres critiques : Belette (The Cannibal Lecteur) ; Je Lis et Je Raconte ; Lydia Bonnaventure ; Miss Bouquin (Le Blog des livres qui rêvent) ; Mokamilla (Au milieu des livres) ; Oriane (La Pile à Lire) ; Vil Faquin (La Faquinade)