Polar - Thriller

V pour Vendetta [comics]

V pour Vendetta comics

Titre : V pour Vendetta (V for Vendetta)
Scénariste : Alan Moore
Dessinateur : David Lloyd
Éditeur : Urban Comics (Vertigo Essentiels) (fiche officielle)
Date de publication : 18 mai 2012 (1882-1990 en VO chez DC Comics-Vertigo)

Synopsis : 1997, une Angleterre qui aurait pu exister… Dirigée par un gouvernement fasciste, le pays a sombré dans la paranoïa et la surveillance à outrance. Les « ennemis politiques » sont invariablement envoyés dans des camps et la terreur et l’apathie règnent en maître. Mais un homme a décidé de se dresser contre l’oppression. Dissimulé derrière un masque au sourire énigmatique, il répond au nom de V : V pour Vérité, V pour Valeurs… V pour Vendetta !

Note 4.5
 
Coup de coeur

– C’est ça, le pays de Fais-ce-qu’il-te-plaît ?
– Non. Tout cela n’est que le pays de Prends-ce-que-tu-veux. Anarchie veut dire « sans maître », pas « sans ordre ». Avec l’anarchie vient une ère d’ « ordung », d’ordre vrai, qui ne peut être que volontaire. Cette ère d’ « ordung » commencera lorsque le cycle de « verwirrung » que révèle l’écoute de ces bulletins aura atteint son terme.

La lourde intégrale de V pour Vendetta me fut offerte avec la mention, tirée d’une pensée d’Oscar Wilde, « J’ai les goûts les plus simples du monde, je me contente du meilleur. » Cela est également valable pour cette lecture, car ce comics d’Alan Moore et de David Lloyd vaut tous les superlatifs du monde.

La postface d’Alan Moore nous éclaire très concrètement sur l’élaboration de cette œuvre majeure, sur sa collaboration serrée avec David Lloyd : cela vaudrait presque plus le coup de la lire avant d’attaquer le cœur de l’histoire. En effet, avec V pour Vendetta, Alan Moore tient un autre chef-d’œuvre, en plus des Watchmen, de Killing Joke et de bien d’autres encore. Parodiant ses nombreuses allitérations, nous pourrions facilement dire qu’ « avec sa verve vigoureuse et virulente, vociférant de vaillants vœux envers les vipères voyeuses, l’auteur est voué à vous inoculer sa virtuosité »*.

Dans cette Angleterre dystopique (bien avant les pseudo-scénarios sucés et pompés jusqu’à la moelle des adaptations adaptées d’aujourd’hui), où la dictature point irrémédiablement, une figure s’élève dans un combat pour le droit des peuples. Sa rencontre avec une jeune femme qu’il sauve d’un viol programmé va nous amener à suivre son implacable révolution, aussi bien politique que personnelle. Notons, car ce n’est pas anodin, qu’avec Evey Hammond, Rosemary Almond et Hélène Heyer, voire aussi le personnage de Valérie Page, les femmes sont loin d’être faibles dans le scénario d’Alan Moore (or, rappelons que nous sommes au milieu des années 1980). Entre ces entités secondaires et le mastodonte archétypal qui sert de personnage principal, le scénariste ne place pas ses billes au hasard et nous concocte un récit poignant qu’il conviendra de relire régulièrement afin de s’en imprégner année après année pour traquer dans nos sociétés ce type de débordement.

Au niveau du style, si les premières pages pourront désarçonner, l’ambiance nous prend vite à la gorge. Alan Moore et David Lloyd ont décidé d’en finir ici avec les onomatopées et les dialogues en bulle, pourtant ils nous créent un récit bien plus vivant et parlant pour le lecteur. De plus, David Lloyd aime jouer avec les lumières, les ombrages et les éclairages. Chaque plan est une construction complexe et cela devient vraiment jouissif dans les moments-clés du récit. Ainsi, nous trouvons de temps en temps deux scènes élaborées et racontées en parallèle, alternant champs et contre-champ, pour tenter de nous faire perdre le fil de ces deux dialogues imbriqués. De la même façon, peu oublieront le changement culotté de sens des cases uniquement pour servir un interlude sonore sur fond de portées musicales.

Peut-on tirer une conclusion sur un tel chef-d’œuvre ? Non. Il faut le lire, point. Et vite ! car sa force est lourdement actuelle.

* C’est de moi, je ne savais pas où le placer, au moins c’est fait.

Autres critiques : Belette (The Cannibal Lecteur) ; Yaneck Chareyre (Chroniques de l’Invisible) et Yvan Tilleul (Sin City)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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