A bord de l’étoile Matutine
Titre : A bord de l’étoile Matutine
Scénariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Éditeur : Soleil (collection Noctambule)
Date de publication : 2009
Synopsis : Un homme vieillissant fait la lecture du roman de sa jeunesse. Il y évoque sa participation au monde des gentilshommes de fortune du XVIIIe siècle.
Mer océane, les poètes que j’ai lu te comparent à je ne sais quoi, selon l’excellence de leur éducation et la puissance de leur crise. Tu n’étais pour nous, vieille étendue mugissante, que notre instrument de travail : un établi pour artisans insoumis. Tu charries les dépouilles de nos amis et de nos ennemis, civils et militaires, et tu alimentes les superstitions dont les matelots et les gentilshommes de fortune parèrent les déserts arides de ton immensité invraisemblable.
« Welcome in hell, boys ! » C’est ainsi que le redouté capitaine George Merry accueille notre jeune narrateur qui, désormais âgé, prend ici la plume afin de relater sa jeunesse en mer à bord de « L’étoile Matutine ». Premier des trois ouvrages de Riff Reb’s chez Noctambule (suivront « Le loup des mers » et « Hommes à la mer »), la bande dessinée propose une adaptation d’un texte de Pierre Mac Orlan consacré aux aventures de ceux que l’auteur appelle « les gentilshommes de fortune », hors-la-loi ou simples miséreux partis en mer à la recherche de gloire et de richesse. Le récit est construit sous forme de petits épisodes nous en dévoilant chacun un peu plus sur tel ou tel personnage ainsi que sur les conditions de vie de ces brigands des mers. Et ce que l’on découvre n’est pas très gai. Mac Orlan brosse un portrait bien sombre de cette existence aventureuse et n’hésite pas à multiplier les scènes soulignant la cruauté, voire même la folie, de certains des personnages.
N’allez donc pas vous imaginez de braves pirates, forts et fiers, revendiquant leur liberté à la pointe de leur sabre et combattant avec honneur. Non, ici on a affaire à George Merry, capitaine dur et cruel n’hésitant pas à abandonner de jeunes prisonnières sur une île déserte. On a affaire à Mac Graw, sans doute le membre le plus civilisé et cultivé de l’équipage mais qui n’hésite pas à tuer pour une simple remarque. On a affaire à un narrateur qui, alors qu’il était enfant, n’hésita pas à tuer une jeune fille pour regarder sous ses jupes. Et il y a Monsieur de Marceau, et Meister et bien d’autres encore. Chaque chapitre lève un peu plus le voile sur la personnalité de chacun d’eux et certains sont particulièrement perturbants, à l’image de cette excursion nocturne dans un port ravagé par la peste et où la folie semble s’être emparée de la ville. L’ensemble du récit baigne ainsi dans une ambiance oppressante que viennent rehausser les graphismes de Riff Reb’s dont les jeux sur les couleurs et les expressions des personnages sont tout bonnement stupéfiants.
Une belle occasion de découvrir la sinistre histoire de l’équipage de « L’étoile Matutine » et d’admirer les graphismes de Riff Reb’s. Celui-ci semble d’ailleurs apprécier les textes de Pierre Mac Orlan puisqu’il en adaptera deux autres, deux nouvelles elles aussi plutôt tragiques, dans « Hommes à la mer » (« La Chiourme » et « Le Grand sud »)
Autres critiques : Arakasi (Scrogneugneu de scrogneugneu)