Punk Rock Jesus
Titre : Punk Rock Jesus
Scénariste et Dessinateur : Sean Murphy
Éditeur : Urban Comics (Vertigo Deluxe)
Date de publication : 2013 (2012 pour la version originale)
Synopsis : Dans notre société de consommation, les chaînes de télévision sont prêtes à tout pour faire de l’audience. Le concept d’une nouvelle émission de télé-réalité consiste à bouleverser l’éthique et la religion et à re-créer un clone de Jésus. Arrivé à l’âge adulte, Chris devient le leader d’un groupe punk.
Alors qu’on pouvait croire que la télévision de tomberait pas plus bas… Cet après-midi, OPHIS a annoncé son projet de nouvelle émission de télé-réalité avec, en vedette, le premier clone humain de l’histoire : Jésus Christ !
Après « Off Road », œuvre de jeunesse du désormais célèbre Sean Murphy, c’est au tour de « Punk Rock Jesus », considéré comme LE chef d’œuvre du scénariste/dessinateur, de se voir publier en un seul et magnifique volume par les éditions Urban Comics. Le concept est simple et repose sur l’idée qu’à partir de l’ADN prélevé sur le suaire de Turin, un grand groupe américain serait parvenu à créer un véritable clone de Jésus Christ, nouvelle vedette de la plus grande émission de télé-réalité jamais produite. C’était toutefois sans compter sur le caractère rebelle du jeune Chris, athée convaincu et passionné de musique, qui tentera par tous les moyens de se libérer de cet encombrant héritage qui est le sien. Avouez que l’idée ne manque pas de panache ! Le résultat est absolument bluffant, Sean Murphy nous offrant une histoire à la fois originale, captivante et surtout d’une qualité de réflexion remarquable. Tout au long de ces six chapitres correspondant chacun à une période ou un moment clé de l’histoire de Jésus et de son clone, l’auteur pointe ainsi du doigt les plus grands fléaux de nos sociétés occidentales actuelles : le fanatisme religieux et le « divertissement à la dérive ».
S’il n’y aurait qu’un message à retenir de ce « Punk Rock Jesus », ce serait sans aucun doute celui-ci : nous sommes, chacun, les seuls maîtres de notre destin. En faisant de ce soi-disant clone du « fils de dieu » un athée pur et dur, Sean Murphy dénonce avec virulence mais intelligence les nombreuses incohérences et surtout le caractère souvent extrême des grandes religions monothéistes, à commencer évidemment par l’église catholique qui en prend ici pour son grade. « La religion est dangereuse. Elle entrave les progrès de l’humanité comme un cancer. C’est l’opium dégelasse du peuple (…) Allez tous vous faire foutre, Jésus vous hait ! » Difficile d’être plus clair. A travers cette histoire qui se déroule clairement dans une société future tout à fait crédible, c’est aussi le caractère nocif et manipulateur des médias qui est ici dénoncé. Sean Murphy fait ainsi rapidement naître chez le lecteur la dérangeante et inquiétante sensation que le concept développé ici pourrait parfaitement avoir ça place chez nous d’ici quelques décennies. Il suffit, après tout, d’allumer n’importe quel poste télévisé pour se rendre compte du niveau de bassesse auquel nous sommes d’ores et déjà tombé…
Le second point fort de l’œuvre de Sean Murphy tient évidemment à la qualité de ses personnages : Thomas, catholique fervent et ancien combattant de l’IRA recruté en tant que garde du corps du jeune clone et de sa mère pour lesquels le colosse risquera tout ; Gwen, jeune américaine issue d’une famille pauvre embarquée dans cette aventure en tant que « mère de Jésus » par pure naïveté et dont on assiste avec tristesse à l’irréversible déchéance ; et bien sûr Chris, premier clone de l’histoire portant en lui tous les espoirs de millions de disciples, que l’on voit grandir et peu à peu plier sous le poids insoutenable que font peser sur lui plus de deux milles ans de croyance. Admirables ou faibles, attachants ou opportunistes, inconscients ou manipulateurs, les personnages de Sean Murphy se distinguent tous par leur remarquable complexité qui ne manquera pas d’émouvoir ou de révolter le lecteur. Le petit supplément proposé en fin de volume dans lequel l’auteur nous expose la genèse de son projet et propose une bande-son idéale pour accompagner chacun des six chapitres de l’ouvrage est également un bonus appréciable, de même que la très belle galerie de couvertures qui clôt l’ouvrage.
Des personnages attachants et complexes, un concept original, des dialogues qui sonnent toujours justes, des sujets difficiles abordés avec intelligence : voilà tous les éléments qui font de ce « Punk Rock Jesus » un véritable coup de cœur que je ne manquerai certainement pas de relire un jour. N’hésitez pas à franchir le pas, voilà bien une lecture que vous ne regretterez pas !
Voir aussi : La critique de Dionysos (Le Bibliocosme), , de Kissifrott (Le Dévoreur de livres), de PoisonFanny (ComicsPourNoob) et de Yaneck (Chroniques de l’Invisible)