Olympe de Gouges
Titre : Olympe de Gouges
Scénariste : Catel
Dessinateur : José-Louis Bocquet
Éditeur : Casterman (Écritures)
Date de publication : 14 mars 2012
Synopsis : Mariée et mère à 18 ans, veuve aussitôt après, Marie Gouzes décide ensuite de vivre librement. Elle se fera désormais appeler Olympe de Gouges. Femme de lettres, fille des Lumières, libertine et républicaine, Olympe a côtoyé la plupart de ceux qui ont laissé leur nom dans les livres d’histoire au chapitre de la Révolution : Voltaire, Rousseau, Mirabeau, Lafayette, Benjamin Franklin, Philippe Egalité, Condorcet, Théroigne de Méricourt, Desmoulins, Marat, Robespierre… En 1791, quand elle rédige la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Olympe demande l’égalité entre les sexes et le droit de vote; des propositions qui resteront révolutionnaires jusqu’au XXe siècle.
Mon corps est prisonnier mais mon esprit est libre.
Olympe de Gouges est de ces personnages historiques que beaucoup ne connaissent uniquement par des rues portant son nom. Catel nous offre la possibilité d’approfondir ses faits et gestes alors que l’Ancien Régime vit ses derniers jours.
Le scénario a un but clair et net : rétablir la chronologie de la vie d’Olympe de Gouges de sa naissance à sa mort. L’introduction est vraiment longuette, car le scénario s’attarde beaucoup sur l’enfance de l’héroïne afin de montrer toutes les discriminations et autres travers de la société de l’époque qu’elle a pu rencontrer et qui ont pu influencer son futur combat politique. Une très grande justesse historique est recherché dans les événements dépeints, mais certains faits donnent l’impression d’être utilisés pour façonner l’image de cette héroïne que voulaient les auteurs, malgré les contradictions que cela suscite, comme le choix par Louis XIV de Versailles qui est très mal justifié ou bien l’organisation du Serment du Jeu de Paume qui apparaît ici consensuelle parmi l’Assemblée constituante ce qui fut loin d’être le cas. Reconnaissons en tout cas un style pédagogique assez engageant, qui cherche à nous exercer l’esprit étape par étape et qui, malgré tout, nous offre là un beau conte sur le féminisme qui mériterait d’être davantage mis en valeur, car tant d’inégalités et de mauvais réflexes sexistes sont encore tenaces de nos jours.
Qui dit biographie, même en bande dessinée, dit des choix compliqués à réaliser. Le récit initiatique de cette Olympe de Gouges qu’on nous propose est un poil naïf au départ, puis gentillet pendant un petit moment, surtout quand ladite Olympe tantôt se décide sur un coup de tête d’embaucher un précepteur, tantôt s’étonne d’un rien alors qu’elle se veut plutôt débrouillarde, d’autant qu’elle se fiche comme de sa première chaussette de « lancer une rumeur dans le tout Paris ». Cette insouciance me gène, je l’avoue, d’autant que tout lui vient comme par enchantement, mais, au moins, il faut saluer son enthousiasme de tous les instants. Ces différents choix me gênent car ils faussent l’idée volontariste et réformiste de cette héroïne. En effet, je trouve dommage de suivre une histoire où l’aspect libertaire d’Olympe de Gouges est toujours exploité du point de vue de sa frivolité ; je suis déçu que l’aura du personnage principal soit éclipsée dès qu’un autre personnage historique (superbes Jean-Jacques Rousseau et Benjamin Franklin, par exemple) apparaît ; enfin, je trouve aussi bien réducteur de voir les débats de l’époque ramenés à la portion congrue. Bref, des choix qui ne me satisfassent pas, sans pour autant être des points majeurs de l’intrigue générale.
Enfin, l’aspect graphique va peut-être en gêner quelques-uns parmi les lecteurs de ce roman graphique. Si le côté « roman » est très développé, le dessin paraît au premier abord comme moins enrichi. Le choix du noir et blanc n’apporte pas grand-chose, mais est au moins très lisible, ce qui n’est pas toujours le cas du lettrage en majuscule qui fausse trop souvent la lecture de certains passages. Je ne sais pas si c’est un effet de style, mais le dessin perd franchement de sa teneur au fur et à mesure, notamment passées les deux cent cinquante premières pages. En plus, dès l’apparition d’un personnage, on sait tout de suite, au trait utilisé, s’il sera un « gentil » ou « méchant » vis-à-vis de notre chère Olympe de Gouges. En revanche, pour rester sur le lettrage, qui prend d’autant plus d’importance que nous sommes dans du noir et blanc justement, les choix effectués pour les messes en latin et les onomatopées conviennent parfaitement et sont incrustés comme il faut dans les scènes concernées. Bizarrement, j’ai surtout adhéré aux scènes de déluge, dantesques et confuses, qui comblent bien mieux, et surtout utilement, les cases.
Malgré les quatre cents pages de récit et les nombreux bonus finaux, tout cela tient donc bien plus de l’évocation que de l’exposé sérieux, alors qu’un tel objet aurait pu être une référence en la matière, à la hauteur d’un ouvrage scientifique sur le sujet.
Voir aussi : La critique de Carre