Station Symbiose

Titre : Station Symbiose
Auteur : Noëmie Lemos
Éditeur : Critic (collection Déclic)
Date de publication : 2025
Synopsis : Dans Station Symbiose, chaque alien a sa place, son rôle, marche sur son trottoir et traite les humains de djeket. C’est bien connu, si ces derniers sont tolérés au sein de cette société, c’est seulement pour traiter les eaux usées ou sagement s’occuper des bébés jiihs. Mais parmi eux, Myrina fuit cet absurde destin. Organisant secrètement des concerts olfactifs afin de redorer l’image des siens, elle perd pied le jour où sa mère est emprisonnée sans aucune explication. La passivité de son père l’amenant à enquêter, son chemin va croiser celui d’un bien étrange alien… qui vient ajouter une voix à ses esprits déjà bien occupés. Alors qu’elle mène l’enquête, son chemin va croiser celui d’un étrange alien impossible à faire taire.
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Un bon roman tout public
Dernier roman paru dans la collection Déclic des éditions Critic, « Station Symbiose » est un ouvrage qui attire irrésistiblement l’œil grâce à une couverture clinquante pleine de couleurs et d’aliens signée Thomas Arnaud. Après avoir longuement hésité, j’ai finalement sauté le pas et bien m’en a pris, car le fond est à l’image de la forme : à la fois très fun mais aussi suffisamment complexe pour satisfaire un large lectorat. Bien qu’initialement destiné à la jeunesse, le roman de Noëmie Lemos possède en effet différents niveaux de lecture qui séduiront aussi bien de jeunes lecteurs/lectrices découvrant la science-fiction que des amateurs/amatrices chevronné.es. Le récit met en scène une jeune humaine, Myrina, qui réside dans Station Symbiose, une station spatiale au sein de laquelle la quasi totalité des espèces aliens existantes vit en harmonie. Dans cet écosystème fragile mais fonctionnel, les humains ne font pas partie des espèces les plus populaires. Cantonnés aux tâches ingrates (comme gérer la station d’épuration de la station), ils sont également victimes de racisme de la part des autres extraterrestres qui les considèrent comme des incapables en raison de leurs sens peu développés, sans oublié la réputation de destructeurs de planètes qu’ils se trimballent. Myrina est encore jeune mais elle a déjà parfaitement intégré que son espèce est victime de discrimination, et que le nombre d’opportunités qui s’offrira à elle à l’âge adulte sera plus que limité. C’est la raison pour laquelle, chaque soir, elle se produit secrètement dans un bar où elle donne des concerts olfactifs destinés à certains aliens particulièrement sensibles aux odeurs, une idée originale qui lui permet d’amasser un petit pécule et se mettre à rêver d’une vie meilleure. Tout vole cependant en éclat lorsque sa mère est arrêtée après un problème détecté dans la station d’épuration et dont les ouvrières sont jugées responsables. Accompagnée d’un extraterrestre télépathe rencontré par hasard, Myrina va arpenter tout Station Symbiose pour tenter de trouver des preuves de l’innocence de sa mère.
Cohabiter en dépit des différences
L’enquête de notre héroïne va nous permettre de nous balader un peu partout dans la station qui se compose de zones très différentes les unes des autres pour s’adapter aux métabolismes et aux besoins de chaque espèce. On s’amuse énormément à se familiariser avec chaque type d’aliens qui, à l’image de ceux représentés sur la couverture, possèdent tous un physique et des particularités nombreuses et variées. Si l’on apprécie autant le voyage, c’est aussi et surtout grâce au duo formé par Myrina, l’adolescente humaine déterminée à innocenter sa mère, et Pyr’hus, le télépathe clandestin qui l’accompagne partout et lui permet d’en apprendre davantage sur l’organisation de Station Symbiose et la façon dont fonctionne chacune des espèces qui la composent. Leur relation est l’une des plus grandes réussites du roman qui met en scène une amitié naissance convaincante dans laquelle les incompréhensions mutuelles et les moqueries vont bon train, mais où une forme de confiance parvient progressivement à s’instaurer. Ce n’était pourtant pas gagné, dans la mesure où les humains sont vraiment considérés comme une sous-espèce par l’ensemble de la station qui restreint leurs droits et libertés tout en ne se gênant pas pour les exploiter en tant que main d’œuvre. Le sous-texte, s’il ne sautera pas forcément aux yeux des plus jeunes, paraîtra évident pour le lectorat plus âgé qui ne manquera pas d’identifier ici et là des marqueurs bien connus d’un racisme structurel profondément ancré (discrimination, contrôle des naissances, justice à deux vitesses…). Si la tolérance est une thématique abondamment abordée dans les ouvrages destinés à la jeunesse, le roman de Noëmie Lemos le fait avec beaucoup de finesse, mettant en lumière les différentes formes dont peut prendre le racisme dont sont ici victimes les humains, tout en nous livrant un vibrant plaidoyer pour le vivre-ensemble et le multiculturalisme. L’intrigue, elle, tient ses promesses et nous offre une enquête pleine de rebondissements au cours de laquelle notre héroïne ne sera pas épargnée mais verra aussi ses propres à priori progressivement balayés.
Destiné à un jeune lectorat, « Station Symbiose » est un roman à même de séduire un public plus âgé, amateur de science-fiction décontractée et réconfortante. Noëmie Lemos nous offre ici une enquête palpitante qui aborde ingénieusement la question du racisme, le tout dans un cadre amusant et plein de surprises. Porté par un duo de personnages attachant, le roman vaut incontestablement le détour et peut aussi bien constituer une belle entrée en matière dans la SF qu’une parenthèse agréable entre deux romans plus graves du même genre.
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