Science-Fiction

Re:Start

Titre : Re:start
Auteur/Autrice : Katia Lanero Zamora
Éditeur : Argyll (collection RéciFs)
Date de publication : 2025 (mai)

Synopsis : Mona a intégré le prestigieux village Re:Start, une communauté entièrement dédiés à la beauté des femmes. Ses habitantes, les Lumineuses, sont prêtes à embrasser leur féminité et à saisir l’opportunité de devenir des déesses grâce au programme sportif et aux gélules minceur préconisés par leur modèle et mentore, Geneviève. Mona a gravi les échelons, elle est désormais Semeuse. Tout semble parfait dans ce paradis des corps et de la féminité… jusqu’au jour où sa meilleure amie perd le contrôle. Y aurait-il une faille dans ce programme de rêve ?

Soyez belles, soyez minces !

Initiée en fin d’année dernière, la collection RéciFs est une initiative des éditions Argyll et a pour objectif de publier des textes courts écrits uniquement par des femmes. Après Margaret Killjoy, Ketty Stewart ou encore Sofia Samatar, c’est au tour de Katia Lanero Zamora, autrice du remarquable diptyque « La Machine » consacré à la guerre civile espagnole, de nous proposer un texte court. Court, et percutant ! Avec « Re:start » l’autrice interroge les injonctions de beauté auxquelles les femmes sont soumises partout et tout le temps, à commencer par le culte de la minceur, omniprésent dans notre société. Pour aborder le sujet, l’autrice met en scène une communauté de femmes vivant en quasi autarcie et dans laquelle la beauté a été érigée au rang d’objectif suprême. Là, de jeunes femmes réparties au sein d’un système hiérarchique très strict subissent régimes, chirurgies, et traitements afin de pouvoir devenir « la plus belle version d’elles-mêmes ». C’est dans ce contexte que l’on fait la connaissance de Mona, l’une des membres de la communauté, qui assiste, impuissante, à la perte de contrôle totale de l’une de ses amies, juste après que celle-ci ait intégré un tout nouveau programme minceur encore secret. Difficile d’en révéler davantage sans gâcher le plaisir dans la mesure où la découverte de l’identité et des motivations de l’héroïne constituent une surprise qui va orienter l’intrigue dans une direction inattendue. Toujours est-il que le récit va nous plonger au cœur de cette communauté possédant tous les atours d’une véritable secte au sein de laquelle une femme exerce un contrôle absolu sur toutes les autres et n’hésite pas à exploiter leur vulnérabilité pour des raisons mercantiles.

Injonctions, dérives sectaires et troubles alimentaires

La novella est prenante et s’apparente par certains aspects à un thriller psychologique à l’ambiance oppressante. On est en effet très vite mal à l’aise à l’évocation du fonctionnement de cette communauté qui voue un culte à un certain type de beauté et dont les membres sont prêtes à tout pour accéder aux derniers traitements ou à la chirurgie la plus performante. Le récit souligne sans fard et avec beaucoup de lucidité la souffrance de bon nombre de femmes face aux injonctions qui pèsent sur leur corps, notamment cette obsession de la minceur. Une obsession qui peut s’avérer destructrice pour nombre d’entre nous et qui peut amener à des troubles tels que la dysmorphie ou encore l’anorexie, un sujet longuement évoqué avec beaucoup de réalisme par l’autrice (en tant qu’ancienne anorexique, j’ai trouvé les descriptions faites ici sur l’état d’esprit du personnage particulièrement fidèles à mon ressenti d’alors). Certes, Katia Lanero Zamora pousse ici la problématique à l’excès (certaines scènes sont assez violentes), mais, comme souvent, les entorses à la réalité qu’autorise la science-fiction permet de prendre du recul et d’analyser avec perspicacité les ressorts des mécanismes dont nous sommes nombreuses à être prisonnières. L’autrice illustre aussi très bien la façon dont un individu lambda vulnérable peut basculer dans des dérives sectaires, tout en mettant en lumière la façon dont notre système économique capitalise sans vergogne sur le mal être des jeunes femmes en accentuant perpétuellement leur culpabilité de ne pas réussir à rentrer dans du 34. Le seul reproche que j’aurais à formuler sur cette novella concerne sa conclusion, la résolution de la situation en apparence inextricable dans laquelle se trouvait pourtant l’héroïne m’ayant parue un peu trop facile (à l’exception de la toute dernière scène, qui permet de comprendre le caractère pernicieux et persistant du culte de la minceur).

Dans sa novella « Re:start » Katia Lanero Zamora met en scène une communauté de femmes fonctionnant comme une véritable secte, obsédée par la beauté et la minceur qu’elles veulent toute obtenir, quitte à tout sacrifier. Véritable thriller psychologique, le récit met en lumière la souffrance causée par les injonctions incessantes que la société fait peser sur le corps des femmes, tout en abordant les mécanismes qui régissent des troubles tels que l’anorexie ou qui rendent possible l’adhésion à des principes ou des groupes toxiques. Uppercut réussi !

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

2 commentaires

  • Tachan

    Ah c’était donc l’autrice De la machine, son nom me disait quelque chose. Tu sembles aussi enthousiaste que les autres à part pour cette fin qui semble trop rapide et facile. Donc je t’ajoute dans ma liste des plus, même si de toute façon j’avais bien intention de l’acheter ou vu de la collection ^^

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