Récit contemporain

Une farouche liberté

Titre : Une farouche liberté
Scénaristes/Illustratrices : Annick Cojean, Sophie Couturier, Sandrine Revel, Myriam Lavialle
Éditeur : Steinkis
Date de publication : 2024 (septembre)

Synopsis : On ne naît pas féministe, on le devient ! L’enfance en Tunisie, le refus d’un destin assigné par son genre et son rêve de devenir avocate, la défense indéfectible des militants des indépendances tunisienne et algérienne soumis à la torture, l’association Choisir la cause des femmes, et, bien sûr, les combats pour le droit à l’avortement, la répression du viol, la parité. Gisèle Halimi, c’est tout cela et bien davantage. C’est une vie de combats, de passion et d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et jusqu’à son dernier souffle, une volonté intacte de transmettre aux nouvelles générations le flambeau de la révolte.

Nous, les femmes, nous, la moitié de l’humanité, nous nous sommes mises en marche.

« La justice serait la grande affaire de ma vie »

Ces derniers mois, un procès a connu un retentissement exceptionnel en France et même au-delà : celui des viols de Mazan. Une affaire sordide mais aussi révélatrice impliquant un homme accusé d’avoir drogué sa femme pour la violer et la faire violer par des inconnus recrutés sur internet, et ce pendant une dizaine d’années. Si le procès a eu autant d’impact sur l’opinion, c’est évidemment en raison de la gravité des faits, mais aussi parce que la victime, Gisèle Pélicot, a fait montre d’un courage incroyable en prenant notamment la décision de renoncer au huis-clôt et en rendant par conséquent l’audience publique. Difficile dans un tel contexte de ne pas faire le lien avec deux autres procès vieux de plus de cinquante ans qui ont, eux aussi, considérablement fait avancer la cause des femmes en mettant sur le devant de la scène les violences dont elles sont victimes. Ces procès, ce sont celui de Bobigny en 1972 et celui des viols d’Aix-en-Provence en 1978 : le premier mettait en cause une jeune femme accusée d’avoir avorté illégalement, le second consistait à juger plusieurs hommes pour le viol de deux touristes belges, attaquées alors qu’elles faisaient du camping dans les calanques. Si ces procès sont restés dans l’histoire, c’est aussi parce qu’ils impliquent Gisèle Halimi, l’avocate franco-tunisienne qui incarne l’une des figures de proue du féminisme du milieu du XXe siècle. De nombreuses œuvres littéraires ou cinématographiques ont récemment vu le jour pour rendre hommage à cette militante régulièrement remise à l’honneur (et parfois même honteusement récupérée, comme lors de la cérémonie d’hommage qui lui a été rendue en 2023 par Emmanuel Macron). Parmi ces œuvres figure la bande dessinée « Une farouche liberté », un album adapté de l’ouvrage autobiographique éponyme paru en 2020 et signé par Gisèle Halimi et Annick Cojean. L’occasion de revenir sur les étapes clés de la vie de la militante, les grands moments de sa carrière d’avocate, et bien sûr son engagement féministe et les nombreux combats qu’elle a mené.

Non au viol, oui à l’avortement : les combats féministes de Gisèle Halimi

L’album respecte la forme autobiographique puisque c’est Gisèle Halimi elle-même qui nous raconte son histoire, à commencer par son enfance en Tunisie où, très tôt, elle prend conscience de la « malédiction de naître fille ». En dépit des attentes de sa famille et de la société de l’époque, la jeune femme va faire des études, partir en France et finalement devenir avocate. Un métier qui va lui permettre de défendre de nombreuses causes et de porter la voix de celles et ceux qu’on n’entend pas : « les faibles, les humiliés, les offensés (…) autant dire les pauvres, les colonisés et les femmes. » On découvre ainsi au fil des pages les procès phares auxquels l’avocate a pris part au court de sa vie, certains moins médiatisés que d’autres à l’image de ceux mettant en cause des Tunisiens ou des Algériens victimes de la répression au moment de la lutte pour leur indépendance. C’est l’occasion pour les autrices de revenir sur cette période trouble de l’histoire de France et de mettre en lumière la façon dont l’état a réprimé, emprisonné, torturé et violé en quasi impunité (le cas de Djamila Boupacha est particulièrement édifiant). Son combat féministe occupe évidemment aussi une large part de l’album qui revient sur la lutte pour le droit à l’avortement par le biais du manifeste des « 343 salopes » (dont Gisèle Halimi fut signataire) ou encore du procès Bobigny de 1972, mais aussi sur la dénonciation de l’ampleur des violences sexuelles faites aux femmes. L’album raconte aussi l’importance qu’ont joué les liens de sororité créés au fil du temps par Gisèle Halimi et de nombreuses féministes et rappelle son rôle dans les associations ou mouvements militants des années 1960-1970. Bien que dense l’ouvrage se lit avec fluidité, prend le temps de contextualiser chaque situation et parvient à articuler intelligemment les combats menés par Gisèle Halimi et les drames intimes qu’elle a pu vivre. Les illustrations sont agréables et contribuent à la clarté des épisodes évoqués.

Adaptation en bande dessinée du récit autobiographique « Une farouche liberté », l’album éponyme retrace la vie de l’avocate et militante féministe Gisèle Halimi qui bénéficie ici d’un portrait fouillé et passionnant. En revenant sur les procès phares de sa carrière, mais aussi sur ses actions militantes, ses rencontres, ses relations avec les membres de sa famille, l’ouvrage rend un bel hommage à une figure marquante du féminisme des années 1970, sans occulter ou chercher à minimiser le caractère collectif des luttes menées. Luttes qui restent encore et toujours d’actualité !

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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