Fiction historique

1629… ou l’effrayante histoire des naufragés de Jakarta, tome 2

Titre : 1629… ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta
Cycle/Série : Tome 2
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Thimothée Montaigne
Éditeur : Glénat
Date de publication : 2024

Synopsis : La traversée sanglante du Jakarta a pris fin sur les récifs des îles Abrolhos, un archipel perdu au large des côtes de l’Australie où les naufragés ont pu trouver refuge. Mais le naufrage est loin d’être la fin du cauchemar… Alors que le subrécargue, Pelsaert, est parti sur la grande chaloupe du Jakarta chercher de l’aide à Java, plus de 260 survivants se retrouvent sous l’autorité absolue de son second, Jéronimus Cornélius. En charge de l’organisation de la survie des naufragés, lui et les quelques mutins qui lui sont restés fidèles, ne vont en réalité s’atteler qu’à un objectif et un seul : faire disparaître ou massacrer tous les autres survivants afin, le jour dit, de pouvoir s’emparer du navire de secours et emporter avec eux les richesses du Jakarta restées sur l’île. L’archipel du bout du monde devient un enfer sur terre. Seuls Lucrétia Hans et une poignée de rescapés menés par Hayes vont avoir le courage de s’opposer à l’un des pires psychopathes de l’Histoire.

Naufrage et horreurs en cascade

En 2022 paraissait le premier tome de « 1629… ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta », un album superbe consacré à un fait divers ayant eu lieu au début du XVIIe et impliquant un navire de la Compagnie hollandaise des Indes orientales (abrégée sous l’acronyme VOC). Il s’agit alors de la compagnie maritime la plus puissante au monde dont l’un des navires, le Batavia (renommé ici Jakarta) a entamé ce qui apparaît être une banale expédition afin d’acheminer en Inde un énorme trésor. Environ trois cents personnes embarquent au départ d’Amsterdam, essentiellement des membres d’équipage mais aussi un petit nombre de passagers, femmes et enfants compris. Très vite, en revanche, la situation dégénère et l’autorité du subrécargue (le représentant de la VOC et donc le véritable maître à bord) est contestée. Contestation initiée et encouragée en sous-main par son second, celui que l’on nomme l’apothicaire, qui entreprend de pousser l’équipage à se mutiner à et s’emparer du trésor entreposé dans les cales du navires. Plusieurs passagers sont toutefois conscients des manœuvres de Jéronimus et tentent par tous les moyens de saper son influence et de déjouer ses plans. Parmi eux se trouvent Lucretia Jansdochter, une jeune femme fortunée forcée d’embarquer afin de rejoindre son mari aux Indes et hantée par la mort de ses trois enfants, et le gabier Wiebbe Hayes, un marin lucide et efficace pour lequel elle se prend d’amitié. Tout bascule lorsque le navire dévie de sa trajectoire et s’échoue sur un ensemble d’îlots perdus au beau milieu de l’océan, à l’exception d’une poignée d’individus qui sont parvenus à embarquer sur une chaloupe et entreprennent d’aller chercher de l’aide à Java. Le naufrage n’a pas découragé l’apothicaire de mettre à exécution son plan, et son emprise sur l’équipage et le reste des passagers ne fait que croître. Une véritable tyrannise est instaurée, le second faisant régner la terreur sur les survivants à l’aide de ses fidèles qui se sont emparés des richesses de la VOC. Seule Lucretia parvient à résister au charismatique Jéronimus, mais pour combien de temps ?

Paysages magnifiques et violences insoutenables

Après un premier tome palpitant, Xavier Dorison et Thimothée Montaigne offrent à ce drame une conclusion spectaculaire mais éprouvante. Le précédent album se contentait en effet de poser les bases d’une situation dangereuse, mais les personnages étaient encore relativement préservés et pouvaient encore croire qu’une échappatoire était possible. Ce n’est plus le cas ici où les auteurs nous exposent sans fard l’horreur de ce qu’ont subi les passagers du Jakarta. Jéronimus va en effet rapidement s’entourer d’une cour de brutes pour garantir son autorité sur le reste du groupe et lui imposer les pires sévices. Viols, meurtres arbitraires, passages à tabac, massacres de masse… : rien ne nous est épargné. La violence est partout, tout le temps, parfois clairement représentée, parfois seulement évoquée mais cela suffit pour communiquer aux lecteurices le climat de terreur auquel sont confrontés les personnages. La dimension historique attestée de ce récit, quand bien même les personnages et l’intrigue restent le fruit d’une fiction, contribue évidemment beaucoup à susciter l’effroi quand on mesure le degré de barbarie auquel les survivants du naufrage ont été confrontés. La tension nerveuse, déjà presque à son comble dans le premier tome consacré à la traversée, atteint ici son paroxysme et se cristallise dans le parcours de Lucretia, cette passagère qui s’oppose à Jéronimus depuis le premier jour et est la seule à l’avoir cerner et à oser s’opposer à lui. On tremble donc pendant la totalité de l’album pour la jeune femme, ainsi que pour celles et ceux qui lui sont proches et qui vont évidemment constituer des cibles de poids pour la faire plier. Les dessins sont quant à eux toujours aussi beaux et participent évidemment à accentuer le caractère dramatique de certaines scènes, notamment grâce aux expressions du visage des personnages qui laissent entrevoir tour à tour la cruauté, la peur, ou la détresse la plus totale. Les décors sont eux aussi splendides, les représentations de cette immense étendue d’eau parsemée ci et là de minuscules bandes de terre permettant paradoxalement d’instaurer une ambiance de huis-clos anxiogène.

Dans « 1629… ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta », Xavier Dorison et Thimothée Montaigne s’inspirent d’une véritable tragédie impliquant un navire de la compagnie hollandaise des Indes orientales. Chaque tome possède une ambiance différente, le second faisant la part belle à des paysages désertiques entourés d’un océan à perte de vue quand le premier se déroulait dans les entrailles du navire, mais les deux albums sont habités par la même tension dramatique. La violence est désormais omniprésente et, si certaines scènes sont difficiles, on ne peut s’empêcher de dévorer cet album, à la fois dans l’espoir de voir les personnages appréciés échapper au massacre mais aussi pour profiter des superbes planches de Timothée Montaigne.

Voir aussi : Tome 1

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

2 commentaires

  • belette2911

    Lu la suite et j’ai adoré aussi ! Jéronimus est un méchant très réussi, il fait peur, il est froid, manipulateur,… Bref, un méchant comme on les aime, mais dont on ne voudrait pas croiser la route. Un récit violent, mais je l’ai adoré.

  • Jean-Pierre

    Quelques coquilles (ça fait longtemps que je n’avais pas pinailler:)
    * l’équipage à se mutiner à et s’emparer
    * Une véritable tyrannise est instaurée
    * des cibles de poids pour la faire plier. (de choix ?)

    Merci pour les chroniques…

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