Visqueuse
Titre : Visqueuse
Auteur/Autrice : Morgane Caussarieu
Éditeur : Au Diable Vauvert
Date de publication : 2024 (octobre)
Synopsis : Dans un étang, Arsène pêche une étrange créature, sorte de sirène des marécages aussi fascinante que monstrueuse. Il la ramène chez lui et la séquestre. La fille d’Arsène, Huguette, va se lier à la créature qui sera finalement recueillie et sauvée par une nonne-naturaliste, la sœur Louise Simone. Cette dernière va tenter de découvrir l’origine de la sirène. Après avoir réinventé le vampire avec Dans tes veines et le loup-garou avec Vertèbres, Morgane Caussarieu continue l’exploration du bestiaire fantastique avec la figure de la sirène, qu’elle met en scène dans une France rurale des années 1930. Dans une ambiance qui rappelle Blackwater de Michael McDowell, entre merveilleux, étude naturaliste et ruralité, Visqueuse est une ode aux films de monstres Universal, au body horror et aux freaks.
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Réinvestir un bestiaire fantastique
Après le mythe du vampire avec « Dans tes veines » et celui du loup-garou avec « Vertèbres », Morgane Caussarieu poursuit sa collection d’horreur initiée Au Diable Vauvert avec une nouvelle figure emblématique du bestiaire horrifique : la vouivre. Le roman se déroule en France, dans les années 1930 et met en scène la rencontre entre un paysan et une créature possédant tous les attributs de ce monstre aquatique apparenté aux sirènes et capturée par hasard dans un marais de l’Est de la France. Enfermée dans la cave d’Arsène, qui abuse d’elle à loisir et en toute impunité, la créature terrifie dans un premier temps la petite Huguette, la fille de son tortionnaire. Moquée depuis des années en raison d’une difformité physique, la fillette finit pourtant par s’identifier à celle que son père a immédiatement rejeté en dehors de toute humanité en raison de son physique hors norme. Simple corps destiné à assouvir la soif de domination de son propriétaire, bête de foire, curiosité scientifique… : c’est un chemin douloureux que la pauvre sirène doit emprunter pour espérer s’émanciper aussi bien de ses congénères que des humains. Parallèlement à son parcours, on suit également celui de plusieurs protagonistes qui vous tous jouer un rôle déterminant dans la vie de la vouivre et qui vont la considérer de bien des manières. Parmi eux, l’homme à l’origine de sa capture et responsable de son interminable calvaire, mais aussi la petite Huguette, ou encore la nonne Louise Simone, naturaliste passionnée par ce qu’on appellerait aujourd’hui la cryptozoologie, à savoir la recherche de la présence ou de l’absence de véritables fondements scientifiques à l’existence de créatures fantastiques.
Malaise, malaise, malaise
L’autrice met en lumière des thématiques intéressantes, interrogeant habilement notre rapport au corps et à la monstruosité, mais aussi les violences faites aux femmes, et donc les rapports de domination. L’ouvrage est accompagné de splendides illustrations réalisées par l’autrice elle-même qui met en lumière à la fin de chaque chapitre une créature tirée de notre bestiaire aquatique sous la forme d’un article encyclopédique. Voilà pour les points positifs. Je serai malgré tout bien en peine de recommander ce roman que j’ai eu beaucoup de difficultés à terminer. Non pas que l’intrigue soit ennuyeuse ou que le style de l’autrice laisse à désirer, bien au contraire, seulement les scènes horrifiques dépeintes sont tout simplement insupportables. J’ai ainsi éprouvé un sentiment de profond malaise à la lecture des viols et violences répétées subies par la vouivre et décrites avec un luxe de détails inutiles. Les scènes les plus sordides s’enchaînent ainsi les unes après les autres et les viols s’étalent sur des pages et des pages sans que cela s’avère finalement en rien essentiel à l’intrigue. Ces passages sont de plus relatés du point de vue de l’agresseur et mettent donc moins en avant la violence des sévices subis par la victime que le plaisir qu’en retire le tortionnaire de la vouivre, ce que j’ai trouvé franchement dérangeant. Je passe sur les scènes de torture, la mise en scène grotesque de freaks présentés comme des machines à foutre, la zoophilie, l’inceste… : tout est glauque, gênant, malaisant, et gratuit. L’autrice insiste sur sa volonté de remettre au goût du jour l’horreur à la française, en s’inspirant notamment du body horror, mais, bien que l’initiative soit louable et intéressante, le résultat n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains (alors que je suis d’ordinaire plutôt friande de ce type de récit).
Avec « Visqueuse », Morgane Caussarieu se réapproprie le mythe de la sirène/vouivre en le transposant dans la France des années 1930. Si l’intrigue sait se faire prenante et certains personnages attachants, l’omniprésence de scènes de violence, de viol ou de torture, qui plus est presque systématiquement associées à l’excitation ou au plaisir qu’elles suscitent chez les agresseurs, font naître un malaise durable chez le lecteur et rendent la lecture particulièrement rude.
Autres critiques : Le nocher des livres
6 commentaires
Tachan
Merci pour tes avertissement bien reçus. J’ai justement demandé ce roman au Père Noël car trifouiller le body horror, les limites du genre et des messages, m’intéresse mais je préfère savoir dans quoi je m’engage avant pour me préparer psychologiquement aux scènes que tu évoques. Cela n’enlève rien à mon envie en tout cas de découvrir cette autrice et cette plume aux projets singuliers.
Boudicca
Tant mieux, mais je pense en effet qu’il veut mieux être prévenue avant 😉
belette2911
Oups, moins envie de le lire, après ce que tu nous racontes (sur les scènes de viols sur des pages et des pages). Pas vraiment tentée de lire ça, je pense que je vais attendre ou passer mon tour…
Symphonie
J’avais apprécié Vertèbres (1er roman de l’autrice que je lisais, et malgré quelques scènes franchement dérangeantes), mais ça fait 2 avis que je lis sur Visqueuse qui me mettent le doute sur celui-ci
Boudicca
J’avais bien aimé aussi Vertèbres, mais on est ici clairement très au dessus dans le glauque, ça ne m’a pas fait du tout la même impression 🙁
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