Fantasy

Roi Sorcier

Titre : Roi sorcier
Auteur/Autrice : Martha Wells
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2024 (septembre)

Synopsis : Kaiisteron, prince démon incarné parmi les humains, et son amie Ziede, sorcière de son état, se réveillent inhumés dans un tombeau abandonné au beau milieu de l’océan. Sans aucun souvenir d’y être venus… À coups d’invocations et de possessions mentales, ils remontent la piste d’une autre disparition inquiétante, celle de Tahren Stargard, l’épouse de Ziede. Ce sera le fil rouge de leur quête, puisque Tahren doit elle aussi jouer un rôle crucial dans le renouvellement des alliances politiques en cours, en tant que représentante de son peuple, les Bienheureux immortels.

Sorcières, démons et complots

Si le public français connaît Martha Wells, c’est grâce aux éditions L’Atalante qui publient depuis plusieurs années les romans de l’autrice américaine aussi à l’aise avec la fantasy que la science-fiction. Après le succès rencontré par les sept tomes de la série « Journal d’un AssaSynth », voilà que l’autrice revient avec « Roi Sorcier », un ouvrage de fantasy récompensé cette année par le prestigieux Prix Locus et doté d’un écrin magnifique ainsi que d’une couverture colorée assez inoubliable. Tout commence avec un homme, Kaïsteron, qui se réveille un jour dans un tombeau au beau milieu de l’océan aux côtés de son amie Ziede. L’une est une sorcière, l’autre un démon capable de prendre possession de n’importe quel corps ou d’en aspirer la force vitale. Alors comment deux êtres aussi puissants ont-ils bien pu se retrouver ainsi emprisonnés, et qu’est-il arrivé à leurs compagnons, à commencer par Tahren, la femme de Ziede ? Ensemble, ils vont entreprendre de remonter le fil du complot dont ils ont été victimes, et ce alors que la paix est censée avoir été restaurée et que les principaux acteurs politiques de la région partagent, du moins en apparence, les mêmes objectifs. Parallèlement à leur quête, l’autrice nous propose de remonter dans le temps afin non seulement de nous expliquer comment les différents personnages se sont rencontrés, mais aussi et surtout de revenir sur la manière dont ces derniers sont parvenus à venir à bout des Hierarques, des créatures puissantes dotées d’une force de frappe incroyable et qui ont semé la terreur pendant des années.

Un manque de contextualisation gênant

Le roman démarre sur les chapeaux de roue en nous projetant immédiatement dans l’action aux côtés de ce démon doté de pouvoirs terribles mais visiblement suffisamment sympathique pour faire la distinction entre victimes innocentes et comploteurs représentant un danger. Malheureusement l’élan de départ est vite freiné. D’abord parce que l’intrigue a rapidement tendance à patiner : certes, les personnages se déplacent et font de petites découvertes qui les orientent toujours un peu plus vers la bonne direction, néanmoins il se passe de long moments sans que rien de très palpitant n’advienne, ce qui a tendance à émousser progressivement l’intérêt des lecteurices. Autre problème, et non des moindres, on se retrouve très vite paumé. Alors certes, en fantasy comme en SF, on a l’habitude de ne pas tout comprendre dès le début et on sait qu’il faut toujours du temps pour se familiariser avec la géographie, l’histoire ou encore la culture des mondes mis en scène, mais là j’ai franchement eu du mal à me repérer. L’autrice mentionne à plusieurs reprises les différentes forces en présence (et elles sont assez nombreuses), mais ne nous donne que très peu d’indices permettant de comprendre les enjeux et les intérêts de chacun. Ce manque d’information donne l’impression de se faire balader pendant la majeure partie de l’intrigue et empêche d’émettre la moindre hypothèse concernant les responsables du complot puisqu’on ne nous donne pas les renseignements nécessaires pour pouvoir cerner la situation. Ce manque de repères entraîne immanquablement un désintérêt pour l’histoire et entretient une confusion qui perdurera malheureusement presque tout du long.

Des personnages peu attachants

C’est d’autant plus dommage que, si l’intrigue principale peine à captiver, les flash-backs revenant sur le passé du protagoniste sont en revanche plus intéressants. L’autrice met alors en scène un monde totalement ravagé par une puissance inconnue mais invincible qui va totalement chambouler les alliances entre les humains mais aussi celles et ceux doué.es de magie, sans oublier les démons comme Kai. Martha Wells nous fournit ici plus de détails et surtout prend le temps de poser un peu les personnages. Parce que le problème, avec les démarrages plein d’action, c’est qu’on a pas vraiment le temps de faire connaissance avec les protagonistes. On met ainsi énormément de temps à s’attacher à Kai dont on finit toutefois par comprendre le fonctionnement et les failles, mais c’est à peu près le seul pour lequel on arrive à éprouver de l’empathie. Impossible par exemple de s’identifier à Ziede ou Tahren qui se contentent de se montrer désagréables les trois quart du temps. C’est d’autant plus dommage que la recherche de la seconde par la première aurait pu être l’occasion de mettre en avant leur histoire d’amour, leurs différences ou encore le cocon qu’elles se sont construites malgré les épreuves. Or, Martha Wells ne mentionne rien de tout cela : on sait qu’elles ont eu une fille, mais cela s’arrête là, si bien qu’on suit la quête de Ziede avec une indifférence polie, sans jamais s’émouvoir de leur séparation ou des conséquences de la disparition de l’une sur l’autre. Une petite poignée de personnages parvient heureusement à susciter un peu d’émotion, notamment Bashasa, responsable de la rencontre entre les protagonistes et artisan de la défaite des Hiérarques, qui séduit à la fois parce qu’il semble être le seul à avoir une vision d’ensemble, mais aussi parce qu’il entretient avec Kai une relation intéressante.

« Roi sorcier » est un roman très dense dans lequel Martha Wells nous invite à suivre la quête de d’un démon et d’une sorcière pour retrouver la femme de cette dernière et dénicher les comploteurs qui sont parvenus à mettre deux êtres aussi puissants hors d’état de nuire. On peine malheureusement à se sentir impliquer par cette aventure qui patine souvent et pâtit d’un manque criant de contextualisation. Dommage…

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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