Scholomance, tome 2 : Promotion funeste
Titre : Promotion funeste
Cycle/Série : Scholomance, tome 2
Auteur/Autrice : Naomi Novik
Éditeur : J’ai lu
Date de publication : 2023 / 2024
Synopsis : À la Scholomance, El, Orion et leurs camarades sont enfin en terminale, année sur laquelle plane le spectre de la remise des diplômes, rite de passage mortel… au sens propre. El est déterminée : ses amis et elle survivront. Pourtant, ce but paraît de plus en plus difficile à atteindre à mesure que la violence de l’école s’intensifie. Jusqu’à ce qu’El se rende compte que, parfois, pour gagner la partie, il faut changer les règles du jeu.
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Une année pas comme les autres
Après un premier tome réussi, Naomi Novik revient à son univers de la « Scolomance » pour un second volume qui, certes, ne bénéficie plus de l’effet de surprise, mais se révèle néanmoins très plaisant. [Attention, si vous n’avez pas encore eu l’occasion de lire le premier tome de la trilogie, vous risquez de rencontrer des SPOILERS dans ce paragraphe] On retrouve donc El exactement au moment où on l’a quittée, à savoir juste après l’incorporation des nouveaux troisièmes qui lui apportent un message laconique de sa mère l’invitant à éviter précisément le garçon dont elle est devenue l’amie au cours de l’année écoulée. On retrouve avec plaisir l’ambiance de la Scholomance, une sorte de Poudelard mais en plus dark puisque, même si l’école se donne un mal fou pour protéger ses élèves, une poignée des monstres qui sont irrésistiblement attirés par les phéromones que les jeunes sorciers dégagent à l’adolescence parviennent toujours à se faufiler à l’intérieur et à semer la terreur. Le taux de mortalité est ainsi relativement élevé, les morts étant réguliers tout au long de l’année, l’apogée étant atteint en fin de Terminale. Pour quitter l’établissement, les élèves doivent en effet passer par la salle des diplômes où ont trouvé refuge les pires créatures qui veulent leur peau. Ou du moins était-ce le cas avant l’arrivée d’Orion et El. Le premier parce qu’il s’est fait remarquer tout au long de sa scolarité en sauvant un nombre incalculable d’élèves d’une mort atroce, ce qui fait qu’ils sont bien plus nombreux à arriver en Terminale cette année que les fois précédentes. La seconde parce qu’elle possède un pouvoir destructeur immense, de même qu’une conscience de classe assez aiguë (il existe un énorme fossé entre les élèves privilégiés issus des « enclaves » et qui disposent d’autant de flux magique qu’ils le souhaitent, et les autres élèves qui servent majoritairement de chair à canon), deux aspects de sa personnalité qui vont lu permettre d’envisager de rompre avec la tradition morbide de la Scholomance.
Une école en plein bouillonnement
La trilogie de Naomi Novik s’inscrit pleinement dans le courant « young adult » (de part l’âge des protagonistes et la mise en scène d’une romance, notamment) mais parvient à ne pas tomber dans les écueils qui rendent d’ordinaire ce genre de roman difficile à lire pour des adultes (généralement une grande mièvrerie couplée à une intrigue et des personnages qui manquent de complexité). Rien de tout cela avec « Scholomance » qui dépeint un décor immersif, des personnages convaincants et surtout s’aventure sur des thématiques sociales traitées avec justesse. On retrouve ici la même critique formulée précédemment concernant le tri réalisé par l’école en fonction des origines sociales des enfants. Un problème qui pouvait paraît inéluctable jusqu’à présent mais auquel la protagoniste commence à réfléchir et envisager des réponses possibles (dont un qui ressemble beaucoup à la généralisation du modèle libre VS le modèle prioritaire qui illustre grossièrement la façon dont fonctionnent les enclaves). S’il s’agissait dans le précédent opus de présenter l’univers et les règles régissant cette école de magie un peu particulière, il est en revanche question dans le second d’en dynamiter les codes. Les élèves réalisent en effet peu à peu qu’ils ont la possibilité d’agir concrètement pour transformer leur scolarité en autre chose qu’un enfer de quatre ans, si bien que de nouveaux comportements aux effets totalement inattendus commencent à se généraliser. Alors certes, les attaques de malés se font moins nombreuses et les élèves ont tendance à relâcher de plus en plus leur vigilance, mais cela ne veut pas dire que l’intrigue perd en nervosité ou en dynamisme, au contraire. L’autrice accorde aussi une grande importance à la diversité des origines géographiques de ses personnages, l’école accueillant des enfants du monde entier, et pas seulement d’Europe ou des États-Unis. Cela lui permet d’aborder de front le problème des discriminations dont sont victimes les élèves asiatiques.
Des personnages attachants
Les personnages sont quant à eux toujours aussi attachants, à commencer par El (asociale et pas franchement aimable) et Orion (grand benêt un peu naïf) qui composent un duo atypique. Leur relation sentimentale s’étoffe ici et, si ce n’est clairement pas l’aspect le plus intéressant du roman, au moins cela ne prend pas trop de place sur l’intrigue. Les personnages secondaires sont eux aussi réussis, et ce en dépit de leur nombre. L’autrice parvient en effet à créer une vraie dynamique de groupe, en mettant en scène une grande diversité de profils d’élève, enclavés ou non, blancs ou non, européens ou asiatiques, de première année aussi bien que de Terminale… Cela participe à créer une ambiance agréable à la « Harry Potter », avec un décor d’autant plus convaincant et immersif qu’on le sent véritablement habité. On peut également saluer la volonté de l’autrice de ne pas (totalement) tomber dans le cliché du sauveur ou de l’élu aux pouvoirs exceptionnels capable de tout faire tout seul. Certes, Orion et El disposent de capacités sans commune mesure avec les autres élèves, ce qui les amène à accomplir des exploits inimaginables, mais l’intrigue insiste aussi beaucoup sur la nécessité d’une action collective, et, effectivement, beaucoup ont le droit à leur moment de bravoure. La conclusion de ce deuxième tome est particulièrement spectaculaire à ce titre et permet à nouveau de refermer l’ouvrage sur une note très positive et avec l’envie d’enchaîner immédiatement avec la suite.
« Promotion funeste » est un deuxième tome réussi qui poursuit efficacement l’intrigue développée dans le premier volume tout en la faisant évoluer dans une direction non pas inattendue mais qui ouvre d’intéressantes perspectives. Naomi Novik parvient à créer une école de magie plus sombre et violente que Poudlard mais tout aussi vivante et intriguante. Les personnages sont tous aussi convaincants, à commencer par El, protagoniste marginale et légèrement asociale dont il est difficile de ne pas apprécier le franc parler et la lucidité. Vivement le final, qui devrait nous réserver encore bien des surprises.
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