Fantasy

Le chant des géants

Titre : Le chant des géants
Auteur : David Bry
Éditeur : HSN
Date de publication : 2022 (mai)

Synopsis : Trois Géants rêvent l’île d’Oestant, veillés par leurs serviteurs les Immortels. Dans un royaume de l’île, les princes Hugon et Bran se rendent chez leur voisin, soupçonnant les prémices d’une guerre visant les terres de leur père. L’empoisonnement d’un de leurs soldats la déclenchera, malgré les dénégations du roi ennemi et de sa fille Sile, princesse au caractère d’acier. Entre complots et batailles, Hugon, Bran, Sile et bien d’autres chevaucheront du château de Mayeul jusqu’aux rives de l’océan, des menhirs d’obsidienne aux plaines herbeuses de l’île ; vivront, mourront peut-être, dans une danse terrible d’amour et de mort. Sous l’œil des Immortels qui errent désormais sur les terres des hommes, pour une raison connue d’eux seuls.

A mi chemin entre la légende arthurienne et une tragédie shakespearienne

David Bry est un auteur de fantasy écrivant aussi bien pour la jeunesse que pour un public adulte et dont j’avais particulièrement apprécié le roman fantastique « La princesse au visage de nuit ». Avec « Le chant des géants », il opte pour une fantasy relativement classique, de type médiéval-fantastique et fondée sur des luttes de pouvoir entre puissants. Empruntant aussi bien à Shakespeare qu’à la légende arthurienne, le roman s’inscrit pleinement dans le registre de la tragédie et met en scène le combat de deux frères, autrefois proches mais de plus en plus éloignés par les ambitions et la jalousie. L’aîné, Ianto, est celui qui héritera du royaume à la mort de son père. Grand guerrier, fin stratège, ce dernier possède toutefois un tempérament colérique et se montre volontiers solitaire et taciturne. Bran, le cadet, est tout le contraire : désinvolte, séducteur, solaire, le jeune homme ne prend rien au sérieux et se lie sans difficulté avec tout le monde, simples soldats aussi bien que grands seigneurs. L’insouciance du prince va toutefois rapidement voler en éclat à mesure que les relations avec son frère se dégradent et que les dangers s’accumulent aussi bien au sein du royaume de Lonan qu’en dehors. Après une tentative d’assassinat ratée fomentée par un seigneur local, la guerre civile embrase en effet la région, mettant ainsi un terme à des décennies de paix savamment entretenues par le roi Arthus, père de Ianto et Bran. Une autre menace, moins directe mais plus insidieuse, plane également sur le royaume et ses habitants : une brume noire et terrifiante qui se lève par endroits et condamne au néant tout ce qu’elle avale. Tous se perdent en conjectures concernant l’origine de cette brume, mais la plupart s’accordent pour y voir un signe des géants, déités endormies à l’origine de la création du monde de Oestant dont la survie ne tient qu’à leur sommeil. L’univers imaginé par David n’est ainsi que le fruit du rêve de ces géants, cachés aux yeux de tous mais protégés par des gardiens, les Immortels, dont certains ont visiblement fait le choix de s’intéresser de très près à la guerre civile qui couve.

Un roman efficace et plein d’émotions

Le roman met en scène un univers classique de part ses inspirations et ses thématiques, sa véritable originalité ne reposant finalement que sur cette poétique histoire de rêves de géants, mais le récit n’en demeure pas moins agréable et maîtrisé. Comme il est de coutume dans ce type d’histoire, l’ouvrage fourmille de petites trahisons, de retournements d’alliances et autres révélations qui permettent de relancer systématiquement l’intérêt du lecteur. Le triangle amoureux, typiquement emprunté au cycle arthurien, entretenu entre les deux frères et l’épouse de l’aîné, est, là aussi, un classique mais force est de constater que les ressorts narratifs ayant court dans ce type de récit fonctionnent là encore. L’auteur est par ailleurs parvenu à insuffler un souffle épique à son récit, nous livrant de grandes scènes de bataille faisant la part belle aux actes héroïques et aux dénouements inattendus. Très dynamique, le roman enchaîne les rebondissements et évolue selon un rythme nerveux qui permet de passer outre les éventuels désagréments liés au manque d’originalité de l’univers ou de profondeur des personnages. Ces derniers sont en effet rapidement caractérisés mais cela suffit pour que l’on se prenne d’affection pour la plupart d’entre eux. Les personnages féminins sont plus en retrait, même si l’auteur a pris soin de ne pas les cantonner au rôle de potiche et de tenter de les éloigner de l’archétype de la reine ou de l’épouse évaporée et réduite à un objet de convoitise. L’affection que l’on éprouve pour la plupart des personnages se renforce au fur et à mesure du roman, alors que les drames se multiplient pour le protagoniste à qui rien ne sera épargné et c’est en cela, entre autre, que le roman se rapproche de l’œuvre de Shakespeare. En dépit de la légèreté de certains passages et de la trompeuse simplicité de l’intrigue de départ, « Le chant des géants » est une vraie tragédie, de celle qui marque le lecteur par son ampleur et par la violence du sort infligé à ses personnages. La plume de l’auteur est quant à elle agréable quoique trop épurée par moment au point de se résumer à une succession de sujet-verbe-complément. Efficace pour donner du rythme lors d’une bataille, moins dès lors qu’il s’agit de rendre compte de l’évolution de l’intrigue ou des sentiments des personnages.

« Le chant des géants » est un bon roman de fantasy, classique sur la forme et le fond mais efficace et émouvant. Les références aux drames shakespearien et arthurien sont légion et, si les ressorts narratifs utilisés sont traditionnels, ils n’en demeurent pas moins redoutablement efficaces. L’ouvrage se révèle d’ailleurs plus complexe que prévu et parvient à surprendre et à offrir une conclusion poétique douce-amère très réussie.

Autres critiques : Célinedanaé (Au pays des cave trolls)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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