Fantasy

Le château des animaux, tome 2 : Les marguerites de l’hiver

Titre : Les marguerites de l’hiver
Cycle/Série : Le château des animaux, tome 2
Scénariste : Xavier Dorison
Illustrateur : Felix Delep
Éditeur : Casterman
Date de publication : 2020

Synopsis : L’hiver a gagné le château. Le climat est rude pour ses habitants, d’autant que le Président Silvio continue de faire régner la terreur… Mais Miss B et ses amis, le lapin César et le rat Azélar, n’ont pas dit leur dernier mot.

De l’instauration d’une dictature à sa contestation

Après s’être attaqué à Robert Louis Stevenson (« Long John Silver ») et Homère (« Ulysse 1781 »), Xavier Dorison s’est récemment penché sur l’une des œuvres les plus emblématiques de Georges Orwell, « La ferme des animaux ». Il ne s’agit cependant pas d’une adaptation à proprement parler puisque, comme dans les exemples précédemment cités, l’auteur a choisi de ne pas mettre en scène l’histoire telle que contée par ses illustres prédécesseurs mais plutôt de s’inspirer d’un contexte ou d’un personnage particulier. Le « Château des animaux » pourrait ainsi être la suite du roman d’Orwell, le premier dénonçant les mécanismes qui permirent la récupération d’une révolution populaire et sa transformation en régime totalitaire, le second s’interrogeant sur la manière dont on se défait d’un tyran de façon non violente. Le premier tome m’avait enthousiasmée, tant par la qualité de ses graphismes que celle de sa narration, et le second est du même acabit, même si certains choix scénaristiques m’ont davantage fait tiquer. On retrouve nos animaux approximativement là où on les avait quitté, si ce n’est que la saison a changé. Or, en plein, hiver, les conditions de vie se font encore plus difficiles pour les exploités de la ferme qui voient, impuissants, les injustices se multiplier. C’était toutefois sans compter Miss Bengalore, la fameuse chatte blanche du premier volume, et son ami lapin César, qui vont initier un mouvement de révolte non violent afin de dénoncer la dictature du président Silvio. Taureau gigantesque semant la terreur dans la ferme, ce dernier a su imposer sa suprématie suite au départ des hommes, puis des cochons qui avaient pris leur suite, et a réduit les autres bêtes en quasi-esclavage à l’aide de ses sbires canidés qui exécutent impitoyablement tout animal réfractaire. Mais celui qui se fait appeler « président » et entend gouverner au nom de l’intérêt général ne serait-il pas allé trop loin ?

Naïveté, nuances et violence

Les planches sont une fois encore très belles, et on ne se lasse pas d’admirer la bouille de ces adorables animaux dont les expressions et postures laissent tour à tour transparaître l’homme ou la bête. Le contraste entre ces boules de poils et de plumes attendrissants et la violence qu’ils doivent endurer reste saisissant et joue évidemment sur l’implication émotionnelle du lecteur qui s’en trouve renforcée. L’histoire, elle, est toujours aussi habilement construite si bien qu’on suit avec un intérêt croissant la croisade menée par une poignée d’animaux pour dénoncer les injustices dont ils sont victimes. Ici c’est le prix dont il faut s’acquitter pour récupérer du bois (dont ils ont eux-mêmes procédés au ramassage) et donc se chauffer qui est au cœur de la contestation. Là où je serais plus nuancée, c’est en ce qui concerne les arguments qui sont apportés et la manière dont l’auteur dépeint les révoltés. En effet, là où les arguments en faveur de la non violence, inspirés notamment des exemple de Gandhi ou Martin Luther King, s’avéraient pertinents dans le premier tome, ceux avancés ici paraissent plus naïfs (du genre « il nous faut souffrir car notre douleur tourmentera encore plus nos bourreaux que nous mêmes » Mouais…). Si la seule perspective qu’offre la non violence, c’est le martyr, il y a peu de chances que ça fasse rêver… Certaines remarques concernant la nécessité pour les insurgés d’être encadrés par des guides au risque de tourner à la « foule haineuse » m’ont également un peu déçue : l’image qui est donné des contestataires est celle d’individus menés essentiellement par leurs bas instincts et incapables de réfléchir au-delà, ce qui est tout de même très réducteur. On peut malgré tout saluer la diversité des personnages qui sont, pour la plupart, assez nuancés (à l’exception de Silvio) ce qui évite de trop sombrer dans le manichéisme (certains partisans du régime ont des scrupules tandis que certains révoltés sont loin d’être des anges, même si, globalement, on déteste les premiers et compatit au sort des seconds).

Deuxième opus d’une série (qui en comptera quatre) inspirée de « La ferme des animaux » d’Orwell, « Les marguerites de l’hiver » met en scène l’émergence progressive d’une contestation non violente à l’égard du régime dictatorial instauré par le taureau Silvio. Si les arguments sont moins porteurs que dans le premier tome car, à mon sens, plus naïfs, l’histoire et les personnages se révèlent toujours aussi intéressants et nuancés, si bien qu’on ne peut qu’être impatient de découvrir quelle sera la suite des événements tragiques qui clôturent l’album. Les graphisme, eux, sont toujours aussi réussis et participent grandement au plaisir qu’on prend à la lecture.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3 ; Tome 4

Autres critiques :  ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

6 commentaires

  • Baroona

    Arf, dommage pour les idées qui ont l’air effectivement un ton en-dessous, je garde ça en tête pour ma lecture. En espérant que ça remonte par la suite !

  • Belzaran

    Pour ma part, je l’ai trouvé trop bavard. Certaines scènes s’allongent et les dialogues se perdent un peu. Ça fait partie du jeu, mais le côté très didactique risque d’être longuet sur 4 tomes.

    • Boudicca

      C’est possible oui, j’espère que les tomes 3 et 4 seront un peu plus percutants, notamment au niveau de l’argumentation (qui prend peut-être un peu trop de place en effet, au dépend de la fluidité des dialogues)

  • Justin Hurle

    Quoi ? Les arguments d’une révolution non violente portent moins car trop naïfs ? Ça t’étonne ? Si la non violence changeait les choses, ça se serait, non ? Viva El Revolution ! (La vrai, celle qui ne change pas non plus les choses mais qui a le mérite de renverser la table. Une sanction, quoi).
    Sinon t’as la « Révolution » sauce Macron… Un canidé à la fois imberbe et émasculé victime d’un détournement de mineur qui finit par mater toutes contestations sociales sur ordre de sa môman… et fait taire les parlementaires car trop agacé par la contradiction.

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