Les Annales de la Compagnie noire, tome 9 : Elle est les ténèbres, partie 2
Titre : Elle est les ténèbres, partie 2
Cycle/Série : Les annales de la Compagnie noire, tome 9
Auteur : Glen Cook
Éditeur : L’Atlante / J’ai lu
Date de publication : 2004 / 2009
Synopsis : Sortie victorieuse du siège de Dejagore — mais à un cheveu — , la Compagnie noire panse ses blessures et poursuit son chemin vers le lieu mythique de ses origines, le Khatovar. Entre les mercenaires et leur destination toute proche ne se dresse plus qu’un seul obstacle, Belvédère, la citadelle où résident le dernier Maître d’Ombres et quelques anciens asservis, avec qui il va falloir en découdre. Murgen, l’actuel rédacteur des annales, sera d’une aide précieuse : son don d’ubiquité, qui lui permet d’espionner les ennemis de la Compagnie, est un atout majeur dans l’échiquier politique. Rien n’est encore joué…
Ce que je n’aime pas dans tes annales, c’est qu’elles parlent plus de toi que de la Compagnie. Tu ramènes tout à toi. A l’exception de quelques chapitres repris des comptes rendus de Madame, de Baquet, de Qu’un-Oeil ou d’un autre, tu ne consignes strictement rien qui n’ait directement trait à toi où à ce que tu as vu de tes yeux. Tu es trop imbu de toi-même. Qu’est-ce qu’on en a à foutre de tes cauchemars récurrents ?
Dernière étape avant Khatovar ?
Il n’est pas toujours aisé de reprendre en cours de route, une série comprenant de nombreux tomes, surtout après une longue pause. Et lorsque le volume avec lequel on se remet en selle s’avère en fait être non pas un opus indépendant mais la deuxième partie du précédent, c’est encore plus compliqué (oui je sais, c’est pas bien malin de s’être arrêté en plein milieu de l’histoire, je ne sais pas ce que j’ai boutiqué…). Quatre ans après avoir lu la première partie de « Elle est les ténèbres », j’avoue donc avoir eu un peu de mal à retrouver l’univers de la Compagnie noire pour une neuvième aventure. Se repérer parmi la multitude de personnages et les nombreuses références sibyllines à des événements passés n’a pas été une mince affaire, d’autant que l’auteur, un poil taquin, ne s’encombre d’aucun dramatis personae, et encore moins de cartes qui nous permettraient de suivre la progression de la Compagnie. J’ai quand même fini par retrouver le fil au bout d’une centaine de pages qui m’ont permise de me rappeler que nos mercenaires n’étaient pas en super posture depuis qu’ils s’étaient lancés dans une grande quête à la poursuite de leurs lointaines origines. [Je précise qu’à ce stade de la série, des spoilers sont malheureusement inévitables (même si je vais m’efforcer d’en révéler le moins possible) aussi j’encourage vivement les lecteurs qui n’aurait pas encore atteint ce neuvième tome à passer directement au paragraphe suivant]. Sortie victorieuse mais salement amochée du siège de Dejagore, notre Compagnie poursuit donc sa route vers le mythique Khatovar, berceau dans lequel elle serait née il y a bien longtemps aux dires des rares archives que les mercenaires ont pu consulter. Les embûches pour y arriver sont néanmoins encore très nombreuses, et les adversaires désireux de contrecarrer leur plan encore davantage. Les potentats et divinités locaux, d’anciens ennemis resurgis d’on ne sait où, les membres d’une obscure secte religieuse, des sorciers particulièrement puissants capables de manipuler les ombres… : le moins qu’on puisse dire, c’est que la Compagnie a du pain sur la planche pour parvenir à terrasser tout ce petit monde !
Un annaliste un peu trop égocentrique
Le récit prend une fois encore la forme d’annales rédigées par un des membres de la Compagnie. Autrefois sous la responsabilité de Toubib (depuis devenu capitaine), ces dernières reposent désormais entre les mains de Murgen, porte-étendard ayant la particularité pour le moins curieuse et pratique de pouvoir extraire sa conscience de son corps pour voyager sur le plan astral. Une petite astuce qui lui permet d’observer sans être vu à peu près tous les coins du monde, ainsi que tous ceux dont la Compagnie a des raisons de se méfier. Un procédé qui permet à l’auteur de se contenter du point de vue de Murgen, mais qui a néanmoins ses limites puisqu’il donne au lecteur un désagréable sentiment de répétition. Le personnage se contente en effet pendant les cent-cinquante premières pages de faire un nombre incalculable d’aller et retour entre la réalité et le rêve, un balai incessant qui nous est toujours rapporté de la même manière : Murgen se retrouve transporté quelque part, récolte des informations, et se réveille pour les transmettre au capitaine, et ce encore, et encore, et encore. Au point d’ailleurs qu’on se demande si le personnage ne passerait pas son temps à pioncer ! Les nouvelles missions qui échoient à Murgen ne sont également pas sans conséquence pour la représentation que le lecteur a de la Compagnie qui passe ici au second plan tandis que les ressentis et les tourments du porte-étendards prennent davantage de place. Une distance s’installe donc entre le rédacteur des annales et les soldats sur le terrain, et par conséquent entre le lecteur et les autres membres de la Compagnie. Un reproche dont l’auteur est visiblement conscient puisqu’il donne l’impression de s’en excuser en mettant régulièrement un scène un Murgen se faisant chambrer par ses camarades pour son isolement, voire même se faisant rabrouer par le capitaine pour la manière dont il tient ses annales ! La narration se diversifie heureusement un peu plus dans la seconde moitié, avec un Murgen moins passif et qui renoue avec les figures emblématiques de la troupe.
Exotisme et complexité : un univers qui s’enrichit
Du côté de l’univers, par contre, on est toujours aussi bluffé. L’auteur met en scène une région qui emprunte à diverses influences mais qui ressemble quant même beaucoup à l’Inde, que ce soit du point de vue de l’organisation de la société (castes, intouchables…) que de la pratique religieuse (multiplicité des pratiques et des cultes), ou encore du paysage et du climat. Un décor qui paraîtra pour le moins exotique aux lecteurs plutôt habitués à évoluer dans un cadre européen. ! Pour ce qui est de l’influence historique, on pense surtout aux périodes antiques et médiévales, même si les innovations techniques réalisées par Madame et ses affidés permettent à l’auteur d’inclure désormais un équivalent des armes à feu. On pense aussi beaucoup dans ce neuvième tome à l’expédition orientale menée par Alexandre le Grand, avec ces soldats qui ont quitté leur chez-eux depuis tellement longtemps qu’ils ont désormais davantage d’attaches sur place que là-bas, et qui finissent pour certains par se fondre dans la population locale dont ils adoptent les us et coutumes. La complexité des structures locales et des rapports de pouvoir entre les différentes forces qui gouvernaient dans la région avant l’arrivée de la Compagnie est quant à elle toujours aussi manifeste, et ce malgré le fait que l’auteur se montre parfois un peu avare en détails, à la grande frustration du lecteur. Même si on en apprend un peu plus sur les motivations des différents adversaires de la Compagnie, son histoire et sa destination restent en effet très opaques. Les personnages sont pour leur part toujours aussi attachants, même si Murgen occupe un peu trop de place au dépend de ses camarades. On retrouve avec plaisir un Toubib un peu plus vieux et écrasé par les responsabilités, une Madame toujours aussi impressionnante et puissante, et des personnages secondaires assez marquants, qu’il s’agisse des sorciers Qu’un-Oeil et Gobelin, du taiseux Thai Dei ou encore de la retorse Volesprit.
Malgré une remise en route quelque peu compliquée par une longue absence et un mode de narration un peu lassant, c’est finalement avec beaucoup de plaisir que j’ai retrouvé la Compagnie noire et les soldats qui la compose. Bien que la quête du Khatovar peine toujours à avancer, on reste malgré tout fasciné par la qualité et l’originalité du décor mis en place par Glen Cook, de même que par sa capacité à surprendre les lecteurs. Cette fois, pas de pause, j’enchaîne avec la suite !
Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 3 ; Tome 4 ; Tome 5 ; Tome 6 ; Tome 7 ; Tome 8 ; Tome 10 ; Tome 11 ; Tome 12 ; Tome 13
Autres critiques : Apophis (Le culte d’Apophis) ; L’ours inculte
2 commentaires
Apophis
(merci pour le lien)
Bien vu le parallèle avec Alexandre ! Pour ma part, il ne me reste que l’ultime tome à lire… sauf que j’ai lu son prédécesseur il y a quasiment quatre ans 😀 Je peux donc comprendre ce que tu as ressenti lors de ta lecture tardive de celui-ci.
Boudicca
Ah, ça me rassure ^^ Pareil, il ne me reste plus que le dernier maintenant 🙂